L'arrivée des premiers Franciscains en France

08 Juillet 2017 | par

Assise, mai 1217. Plusieurs milliers de frères sont réunis en chapitre des nattes près de la Portioncule. On y prend une décision historique : franchir les Alpes. Dès l’origine, les frères ont régulièrement vécu sur le mode de l’itinérance, allant deux par deux, travaillant de leurs mains, proclamant l’Évangile et prêchant la pénitence. Mais en 1217, l’impulsion missionnaire est amplifiée et s’accompagne de la nomination des premiers ministres provinciaux. François, lui-même, souhaite partir, et il choisit comme destination la France, car, dit-il, c’est la nation catholique qui « témoigne le plus de respect au Corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ ». Il s’arrêtera à Florence, convaincu par le cardinal Hugolin de renoncer à se rendre outre-monts. Pacifique prend alors la tête de la mission, accompagné de plusieurs autres frères. Personnalité attachante et énigmatique, Pacifique, surnommé le « roi des poètes », s’était converti au contact de François, et celui-ci lui avait par la suite donné l’habit de l’Ordre.

Vézelay
Le petit groupe remonte le sillon rhodanien et s’arrête tout d’abord, aux confins du royaume de France, à l’abbaye bénédictine de Vézelay, où l’on vénère les reliques de Marie-Madeleine, la sainte patronne des pénitents – ce qui n’est pas pour déplaire à « des pénitents venus d’Assise ». Ils s’établissent dans l’ermitage de La Cordelle où ils sont toujours présents aujourd’hui. Une inscription peinte, encore visible au début du XVIIIe siècle, perpétuait le souvenir de l’évènement : « Pour mémoire éternelle, saint François ayant envoyé plusieurs de ses disciples pour la mission de France, le bienheureux frère Pacifique et le frère Louis, son compagnon, tous deux chefs de mission, arrivèrent en cette ville de Vézelay l’an 1217. Ils logèrent d’abord dans un petit ermitage dédié à saint Fiacre, situé près d’une église, dédiée à l’honneur de la Sainte Croix en l’an 1145, par Pierre, évêque de Marseille, légat du pape Eugène III, en mémoire de la croisade prêchée en cet endroit par saint Bernard, en présence de Louis VI, roi de France ».

Saint-Denis
Dès 1217, les frères poursuivent leur route en direction de Paris. Cette même année, Dominique envoie également les premiers prêcheurs dans la capitale. Mais les objectifs parisiens des deux ordres jumeaux sont radicalement différents. Dominique demande à ses compagnons d’entreprendre des études de théologie. François n’a pas envoyé Pacifique et ses frères à Paris pour y étudier et, d’ailleurs, à la différence des dominicains, les franciscains ne s’implantent pas à Paris même, mais à Saint-Denis, et encore une fois à l’ombre d’une abbaye bénédictine. Le choix de Saint-Denis s’explique sans doute par la présence des pèlerins et des marchands avec les célèbres foires du Lendit. Alors que les dominicains se focalisent aussitôt sur le monde universitaire, les franciscains vont à la rencontre du peuple. Les bénédictins vont prêter aux frères une maison située derrière l’église Saint-Pierre, aujourd’hui disparue, mais bien connue des archéologues. L’édifice appartenait à une ceinture d’églises délimitant un espace funéraire au nord de l’actuelle basilique-cathédrale.
À Saint-Denis, les frères connaissent un vrai rayonnement, notamment, et c’est une surprise, auprès des étudiants et des maîtres de l’université, dont certains demandent leur admission dans l’Ordre. C’est le cas d’un docteur anglais, Aymon de Faversham, qui prend l’habit, un Vendredi Saint, le 12 avril 1224. Le jour de Pâques suivant, « voyant le peuple si nombreux dans la paroisse où les frères entendaient le service divin, car ils n’avaient pas encore de chapelle, frère Aymon dit au custode, un frère laïc du nom de Bienvenu, que, s’il osait, il prêcherait volontiers au peuple afin que personne ne communie en état de péché mortel. Le custode lui enjoignit donc, de la part de l’Esprit Saint, de prêcher. Il prêcha donc de façon si émouvante que beaucoup différèrent leur communion jusqu’à ce qu’ils se fussent confessés à lui. Ainsi resta-t-il trois jours assis dans l’église, écouta les confessions et réconforta grandement le peuple » (Thomas d’Eccleston).
Ce texte illustre bien le « tournant pastoral » que l’Ordre est en train de vivre partout où il a essaimé. Les fidèles étant désormais dans l’obligation de se confesser au moins une fois par an, ils doivent être mieux instruits, par des prédicateurs davantage qualifiés. Or, les prêtres séculiers, insuffisamment formés, vont souvent laisser la place aux religieux mendiants. Ceux-ci, pour recevoir de l’évêque de Paris l’autorisation de prêcher, doivent suivre des études de théologie : cette exigence va conduire les franciscains à se rapprocher de l’Université, et donc à s’implanter au cœur de la capitale.

Paris
Après un premier essai à Vauvert, les frères obtiennent de l’abbé de Saint-Germain-des-Prés un emplacement le long de l’enceinte, côté intérieur, sur la paroisse Saint-Côme-et-Saint-Damien (1230), et y bâtissent ce qui deviendra le Grand Couvent des cordeliers, avec son réfectoire parvenu jusqu’à nous. Ils nouent des liens avec l’université, et en 1236,  un maître en théologie au faîte de sa gloire, Alexandre de Halès, prend l’habit de frère mineur et transporte sa chaire d’enseignement au sein du couvent. Paris devient le Harvard des Frères Mineurs. En 1243, un jeune italien, inscrit à la faculté des Arts, Bonaventure de Bagnoregio, vient frapper à la porte du couvent. Il deviendra Ministre général de l’Ordre, et surtout l’un des plus grands théologiens de tous les temps, l’égal et le contemporain de Thomas d’Aquin. 

Saint Bonaventure, le Docteur séraphique

1217 : naissance à Bagnoregio, en Italie. Enfant, il est guéri par l’intercession de saint François.

1235-1243 : étudiant à l’université de Paris.

1243 : il entre chez les Frères Mineurs, au couvent de Paris. Il prêche et enseigne la théologie.

1257-1274 : Ministre général de l’Ordre.

1259 : à l’Alverne, il imagine l’Itinéraire de l’esprit vers Dieu.

Avant 1266 : il rédige une vie de saint François, la Legenda major.

1273 : Les Six jours de la Création, sa dernière œuvre théologique.

1274 : créé cardinal, Bonaventure participe au concile de Lyon et travaille à l’unité entre catholiques latins et orthodoxes.

1274 : le 15 juillet, il meurt à Lyon. Canonisé en 1482, il est déclaré docteur de l’Église en 1588.

1957 : un jeune théologien, Joseph Ratzinger, soutient sa thèse sur la théologie de l’histoire de Bonaventure.

2017 : les Éditions franciscaines publient une traduction en français du Breviloquium, le manuel de théologie que Bonaventure a rédigé pour les débutants.

 

Updated on 08 Juillet 2017
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