Sept haltes franciscaines pour l’Année Sainte
Depuis l’an 1300, les jubilés ponctuent la vie de l’Église, au moins tous les 25 ans, et parfois à l’occasion de circonstances extraordinaires – comme en 1933, pour le XIXe centenaire de la mort du Christ. À chaque fois, des foules de pèlerins se pressent à Rome afin d’y obtenir l’indulgence plénière. Les Franciscains ne sont pas les derniers à profiter de ces grands rendez-vous. Et ces pèlerinages ont parfois eu des conséquences inattendues. Un exemple : en 1525, Matthieu de Bascio, jeune frère observant en mal de réforme, quitte son couvent des Marches et se rend à Rome pour le jubilé. À cette occasion, il parvient à rencontrer le pape, Clément VII, duquel il obtient oralement la permission « de pouvoir observer la règle de saint François selon la lettre, de prêcher et de porter cet habit dont on est sûr que le père saint François l’a porté », avec l’unique obligation de se présenter au chapitre provincial « pour donner un signe certain d’obéissance ». Avec cette rencontre, sans doute furtive, et probablement vite oubliée par le pape, commençait la grande aventure « des frères mineurs de la vie érémitique », autrement dit, des Capucins.
Outre cette rencontre avec le pape, le frère Matthieu a certainement rempli toutes les obligations du pèlerinage, avec notamment cette traditionnelle procession de 25 km reliant les sept basiliques romaines, c'est-à-dire Sainte-Marie-Majeure, Saint-Pierre du Vatican, Saint-Jean-de-Latran, Saint-Paul-hors-les-Murs, Saint-Laurent-hors-les-Murs, Sainte-Croix-de-Jérusalem et Saint-Sébastien-hors-les-Murs.
Amis pèlerins franciscains, pour votre jubilé de 2025, je vous propose de mon côté sept lieux où souffle l’histoire franciscaine. Suivez le guide !
Sainte-Marie-Majeure
Commençons par la plus ancienne des 244 églises romaines dédiées à Marie. Construite au Ve siècle par Sixte III, elle a été profondément transformée à la fin du XIIIe siècle par le premier pape franciscain de l’histoire, Nicolas IV (1288-1292). Après la destruction du chœur paléochrétien, ce dernier a fait construire un transept, puis un nouveau chœur. Sur la voûte incurvée de l’abside, Jacques Torriti (un artiste franciscain) a conçu une grande mosaïque représentant le couronnement de la Vierge entourée d’anges et de saints, parmi lesquels, bien visibles, François et Antoine.
Sainte-Marie de-l’Ara-Cœli
Au sommet du Capitole et en partie cachée par le monument dédié à Victor-Emmanuel II, cette église a été donnée aux frères dans les années 1250. Avec le couvent qui lui était associé (aujourd’hui détruit), ce fut jusqu’au XXe siècle, le siège du ministre général, autant dire le centre névralgique de l’ordre. Les chapitres généraux s’y déroulaient, tout comme les canonisations des saints franciscains. Celle de Bernardin de Sienne, pendant le jubilé de 1450, a rassemblé des milliers de fidèles. En 1882, toujours à l’Ara-Cœli, une modeste rencontre entre Marie de la Passion et le frère Raphaël Delarbre a décidé de l’avenir de la congrégation des Franciscaines Missionnaires de Marie.
San Francesco a Ripa
Dans le Trastevere, l’église San Francesco a Ripa respire encore la présence de François. En passant par la sacristie, on visite sa cellule, vestige pieusement conservé de l’hospice San Biagio, où le Poverello séjournait lorsqu’il passait par Rome. Dans cette église, reposent également saint Charles de Sezze (1613-1670), admirable figure de frère laïc, ainsi que la bienheureuse Ludovica Albertoni, une veuve tertiaire qui, durant le Sac de Rome (1526), vendit tous ses biens pour secourir les habitants du quartier.
Le Colisée
Oui, le Colisée, où, à l’occasion du jubilé de 1750, le saint frère franciscain Léonard de Port-Maurice a érigé son premier chemin de croix. Puis, donnant sur la Via sacra, une petite rue qui grimpe en serpentant sur le Palatin conduit au couvent Saint-Bonaventure. Ce foyer de réforme franciscaine, où est mort Léonard, a été fréquenté par un jeune prêtre tertiaire, Jean-Marie Mastaï-Ferretti, lequel y a médité la doctrine de l’Immaculée Conception ardemment défendue par les Frères Mineurs. Devenu pape sous le nom de Pie IX, il proclamera le dogme en 1854.
L’église des Capucins de la Via Veneto
Bien avant 1854, la première église romaine à avoir été dédiée à l’Immaculée Conception n’est autre que celle du couvent des capucins de la Via Veneto, près de la place Barberini. Bâtie sur les plans d’un architecte capucin, Michel de Bergame, elle est consacrée en 1636. Cette imposante construction présente la structure habituelle des églises capucines avec un vaste chœur complètement séparé de l’espace réservé au célébrant et aux fidèles. Elle conserve les précieuses reliques de deux saints capucins, le tombeau et la cellule de saint Félix de Cantalice, ainsi que la cellule de saint Crispin de Viterbe.
San Pietro in Montorio
En 1472, le pape franciscain Sixte IV appelle à Rome un frère espagnol, le bienheureux Amédée Menes da Silva, pour en faire son confesseur. Il lui fait cadeau des ruines d’un petit monastère bénédictin sur le Janicule pour y construire un couvent. L’église est consacrée le 9 juin 1500, tandis que les bâtiments conventuels sont construits en deux grandes étapes : vers 1510, le premier cloître avec le célèbre Tempietto de Bramante, et au milieu du XVIe siècle, le deuxième cloître, celui « de l’Académie ». En 1622, le couvent est transformé en collège chargé d’initier les missionnaires franciscains aux langues orientales et notamment à l’arabe.
La Basilique des Saints-Apôtres
Fondée au VIe siècle et reconstruite à plusieurs reprises, la basilique des Saints-Apôtres est desservie depuis 1463 par les frères conventuels, et, en 1517, elle est devenue, avec le couvent adjacent, le siège de leur curie généralice. Les fresques réalisées par Antoniazzo Romano à la demande du cardinal humaniste Bessarion (1464) méritent le détour, de même que, par Antonio Canova, le monumental tombeau du dernier pape franciscain, Clément XIV (1769-1774) – le pape qui a supprimé la Compagnie de Jésus. Excellente occasion pour y prier pour notre pape François, jésuite – car, pour accomplir un bon pèlerinage jubilaire et gagner l’indulgence plénière, il faut toujours prier pour le Saint-Père et à ses intentions.