Une année d’unité des chrétiens
« Le dialogue entre nos Églises ne comporte aucun risque pour l’intégrité de la foi, mais est au contraire une exigence qui découle de la fidélité au Seigneur et nous conduit à toute la vérité ». C’est en ces termes que le pape François s’est exprimé en recevant la délégation du Patriarcat œcuménique de Constantinople en juin 2024. Et Jean-Paul II confiait déjà qu’« en vertu de la foi qui nous rassemble, nous chrétiens sommes tenus, chacun selon sa vocation, à recomposer la pleine communion, “trésor” précieux qui nous a été laissé par le Christ ». « Le Seigneur a fondé l’Église “une” et “unique” : c’est ce que nous professons dans le symbole de Nicée-Constantinople », rappelait Jean-Paul II en 2003, lors de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens.
Pour s’engager dans la voie de l’unité, les chrétiens sont appelés à la confiance et à la persévérance, comme saint Paul y invitait déjà les fidèles.
Par le passé, une dispute avait éclaté sur la manière dont la profession de foi en Jésus Christ en tant que Fils de Dieu pouvait être conciliée avec la croyance en un Dieu unique.
Nicée, sur le chemin de l’unité
L’Église d’Orient était déchirée par la propagation de l’arianisme, doctrine répandue par Arius, le prêtre d’Alexandrie qui niait que le Verbe de Dieu était Dieu lui-même. L’empereur Constantin, voyant dans ce conflit une menace à son projet de consolider l’unité de l’Empire basée sur l’unité de la foi chrétienne, décida de convoquer le premier concile œcuménique dans la ville de Nicée, en Asie mineure, non loin de Constantinople. Ainsi, le but de ce concile fut d’établir l’unité d’une Église en proie à son premier conflit interne majeur. Tous se mirent d’accord pour définir que le Verbe de Dieu, Jésus Christ, était consubstantiel au Père : « Dieu né de Dieu ». Les évêques réunis autour de l’empereur Constantin ont souhaité « définir la foi pour proclamer le salut en Jésus Christ vrai Dieu », rappelle le père Jérôme Bascoul, vicaire épiscopal pour l’œcuménisme à Paris. « Le symbole de la foi de Nicée permit donc de proclamer l’unité de l’Église dans une même foi salvifique et de donner une assise sociale à la foi chrétienne qui allait aussi devenir le critère de l’unité politique de l’empire chrétien et le garant de sa cohésion » poursuit le père Bascoul. Dès lors, les conciles, que l’on appellera œcuméniques, c’est-à-dire concernant tout l’empire, toute la chrétienté, pour les différencier des conciles ou synodes locaux et régionaux, « donnaient une garantie pour le peuple de Dieu qui pouvait communier à une même foi », ajoute le père Bascoul.
Le Credo de Nicée est devenu la base de la foi chrétienne commune et unit encore aujourd’hui toutes les Églises et communautés ecclésiales chrétiennes. Le concile de Nicée avait aussi mission d’établir l’uniformité de la date de Pâques.
La dernière date commune remonte à 2017, il y a 8 ans. Les Latins et Occidentaux conservent le principe, adopté à Nicée, de fixation de la date de Pâques au dimanche qui suit la pleine lune de l’équinoxe de printemps. Mais la réforme grégorienne adoptée en 1582 pour corriger le décalage entre le calendrier et le cycle solaire n’a pas été adoptée en Orient. « Cette concordance des dates n’est donc pas en principe une question théologique, mais de vérité astro-
nomique », explique le père Bascoul.
L’effort œcuménique
L’unité des chrétiens concerne l’Église tout entière, fidèles et pasteurs, et touche chacun aussi bien dans la vie quotidienne que dans les recherches plus théologiques et historiques. C’est ainsi que la rencontre, prophétique, entre Paul VI et le patriarche de Constantinople, le 5 janvier 1964, à Jérusalem, restaura les possibilités d’un dialogue et permit aux théologiens de reconsidérer les différends théologiques, de la primauté pontificale et du Filioque (« Il procède du Père et du Fils » = Filioque en latin). Le Filioque fut l’objet d’une polémique entre chrétiens d’Orient et d’Occident qui conduisit à la rupture entre l’Église catholique d’un côté et l’Église orthodoxe de l’autre. « Ces deux mots, catholique et orthodoxe, n’étant plus des qualificatifs de l’unique Église du Christ mais l’expression de sa division », déplore le père Bascoul.
Quant au protestantisme, la foi de Nicée y a toujours été reçue même si l’usage liturgique du symbole de Nicée est optionnel. Avec les protestants, francophones surtout, explique le père Bascoul, « c’est la mention ”catholique“ qui ne passe pas, parce que catholique est dans ce cas compris comme anti-
protestant, et il est remplacé par “universelle”. Traduire c’est souvent trahir, les mots sont porteurs de sens mais aussi d’affects. Nous sommes aujourd’hui d’accord pour dire que nous partageons la même foi mais nous avons du mal à l’exprimer par les mêmes mots. » Aux yeux de ce spécialiste de l’œcuménisme, « cet anniversaire de Nicée est une occasion d’approfondir notre foi commune, toutefois il reste des défis concernant sa formulation, notamment dans l’expression en français ». Même si la réconciliation des chrétiens dans l’unité d’une seule et unique Église du Christ peut sembler dépasser les forces humaines, ce projet sacré est au cœur de l’année 2025. Les chrétiens sont alors appelés à mieux connaître l’histoire, la vie spirituelle et cultuelle de leurs frères séparés. Chaque pas compte, tout effort de recherche de rapprochement est une avancée vers l’unité. Regardons la joie que les chrétiens auront à fêter Pâques le même jour et marchons unis, dès maintenant, au début de cette année jubilaire.