Nos vies, comme des jardins

Le Seigneur n’est pas un désert ni une terre ténébreuse, qui ne produisent pas ou peu de fruits, mais le paradis du Seigneur est une terre de bénédictions, dans laquelle tout ce que nous aurons semé nous donnera le centuple. Saint Antoine.
22 Décembre 2024 | par

Il y a des choses inutiles qui donnent de la joie. Des gestes, des situations ou même des objets qui nous sont chers alors qu’ils ne produisent rien, mais qui élargissent notre cœur. Ils n’ont pas d’utilité particulière, ne nous font rien gagner. Pensez à une discussion agréable avec un ami : du temps passé à ne rien faire d’autre que soulager nos esprits en partageant mutuellement nos désirs et nos inquiétudes. Ou encore un beau vase de fleurs au milieu de la table, posé là pour égayer un repas de famille : un « encombrement » qui ne servira pas à remplir nos estomacs, mais qui fera de son mieux pour remplir nos âmes de couleurs et d’imagination. Même le parfum ne sert à rien : le porter ou ne pas le porter revient à la même chose, rien ne change. Pourtant, Jésus fait l’éloge de cette femme qui gaspille une immense quantité de parfum pour lui dire qu’elle l’aime.
Cela nous fait comprendre que l’Évangile a à voir avec des gestes comme celui-ci : des gestes un peu fous et gratuits.
On pourrait ajouter bien des choses à la liste de ces choses inutiles mais précieuses. Saint Antoine en évoque une autre : le jardin. Oui, un jardin ne porte pas de fruits à mettre sur nos tables. Au contraire, il nous vide souvent de notre énergie, car pour avoir un beau jardin cela nécessite des soins, de l’attention, un regard qui sait comprendre si une plante va bien ou mal, et deviner les bons emplacements. Aujourd’hui, il faut aussi être prêt à payer un peu d’argent pour des engrais et... des pesticides. Tout cela ne produit rien,  si ce n’est un peu de fleurs, un peu d’ombre, un peu de vert. Mais aussi beaucoup de satisfaction joyeuse ! Certains peuvent parler durant des heures de leurs fleurs, de leur jardin ! Une musique pour nos oreilles. Ces jardiniers éduquent nos cœurs, nous enseignent la délicatesse, la patience de l’attente, l’art de recommencer si quelque chose ne marche pas.
Jésus est un jardin, dit saint Antoine. Il aurait pu utiliser une autre expression, mais non, il dit bien « jardin ». Et il est plus que ça ! Il est un beau jardin ensoleillé, une terre fertile en pleine lumière. Jésus est-il donc, lui aussi, inutile ? Dans un certain sens, cela voudrait alors dire que Jésus aime avoir avec nous une relation qui n’est pas opportuniste, sans « donnant-donnant », mais une relation joyeuse comme une discussion entre amis, enivrante comme un parfum. Mais nous savons tous que Jésus nous sert. Non pas parce que nous pouvons l’utiliser, comme s’il était un distributeur automatique de services, comme un bouclier spatial contre toute menace. Jésus nous sert parce qu’il se fait notre serviteur. Il nous sert, il se met à notre service. Il nous donne - c’est toujours saint Antoine qui nous le dit - la bénédiction du Père. En Jésus, le Père a semé pour nous toutes sortes de bonnes choses ; littéralement, tous les « biens de Dieu », tous les biens qui sont les siens, qui correspondent à son visage tendu envers nous, pour nous faire jouir de la vie comme du plus grand des cadeaux.
C’est peut-être là que se trouve la surabondance au centuple qui naît du jardin qu’est Jésus : savoir que nous sommes voulus et recherchés par un Père qui aime notre vie, non pas pour l’enfermer dans de petits espaces étouffants, mais pour ouvrir en nous des horizons plus libres et plus vastes, dans lesquels nous pouvons intégrer – comme des fleurs à cultiver – chaque frère et chaque sœur qui attendent de nous le dévouement d’experts jardiniers.

Updated on 22 Décembre 2024
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