Carlo Acutis, un saint franciscain ?
Le visiteur non averti du sanctuaire de la Spogliazione (du Dépouillement, ndlr) à Assise risque bien d’être surpris : sous un autel, dans une châsse en verre transparent, repose un jeune homme dans un survêtement de sport moderne. Il s’agit de l’Italien Carlo Acutis, né en 1991, décédé en 2006 et béatifié en 2021. Le principe de sa canonisation a même d’ores et déjà été acté par le pape François ; seule la date de la cérémonie reste désormais à fixer – probablement pendant le Jubilé des jeunes, qui aura lieu au cours de l’été prochain.
Si Carlo Acutis repose dans la ville du Poverello, il n’en est pourtant pas originaire, puisqu’il est né à Londres et est décédé dans la région de Milan, d’où est issue sa famille. Mais le jeune homme, victime d’une leucémie foudroyante, a un second lien avec la cité de l’Ombrie où il s’est d’ailleurs rendu à plusieurs reprises : c’est là que s’est tenue sa cérémonie de béatification, en octobre 2020.
Ces deux décisions montrent ainsi que, malgré les près de huit siècles qui le séparaient de la vie de saint François, Carlo Acutis inscrivait ses pas dans ceux du saint d’Assise. « Carlo Acutis a actualisé dans sa vie le choix de François », expliquait Mgr Sorrentino, l’évêque d’Assise, en référence à la décision de François d’abandonner tous ses biens. Ancien recteur du sanctuaire du Dépouillement et co-auteur d’un livre de spiritualité sur saint François et Carlo Acutis, le frère Carlos Acácio Gonçalves Ferreira détaillait au moment de la béatification : « Carlo a tout de suite compris que pour être heureux, il devait se dépouiller comme François, abandonner son ego pour regarder droit vers Dieu. » Le franciscain appuyait son propos avec une citation du jeune homme : « La sainteté n’est pas un processus d’addition, mais de soustraction. Moins de moi pour laisser de la place à Dieu. »
Une conversion
Issu d’une famille aisée - comme le Poverello -, le bienheureux Carlo Acutis témoignait de ce dépouillement par une autre attitude franciscaine : le souci des plus pauvres. À Milan, dans les dernières années de sa vie, il faisait partie du « cercle Saint-François » (décidément !), groupe de jeunes catholiques qui offraient une aide et une proximité aux démunis de la ville. « Carlo avait une grande affection pour les pauvres et à Milan, avec ses économies, il achetait des sacs de couchage pour les sans-abri et le soir, il leur apportait de la nourriture et des boissons chaudes, c’est ainsi qu’il organisait cela », racontait sa mère. « Carlo était conscient qu’il n’est pas nécessaire de posséder deux paires de chaussures, une seule suffit : ce qu’il pouvait économiser, il pouvait le consacrer aux pauvres. »
Comme saint François, l’exemple d’attention du jeune bienheureux pour les plus pauvres a suscité l’admiration des autres et même des conversions. « Lorsqu’il allait à la rencontre des pauvres de Milan, poursuivait Antonia Acutis, il était souvent accompagné de notre employé Rajes, un hindou qui appartenait à la caste brahmane et qui était comme un ami pour Carlo. Il se convertit plus tard au catholicisme et fut baptisé : chaque soir, ils allaient ensemble vers les pauvres. » Pour le frère Carlos Acácio Gonçalves Ferreira, « la pureté de cœur de Carlo ne passait pas inaperçue : il brillait et rendait aimant ».
Grande similarité encore des deux Italiens, celui du XIIIe siècle et celui du XXIe : ce souci des pauvres se fondait dans une dévotion eucharistique particulièrement profonde et la conviction que l’Eucharistie est la voie de la sainteté. « Tous ceux qui voient le sacrement qui est sanctifié par les paroles du Seigneur sur l’autel par la main du prêtre, sous forme du pain et du vin, et ne voient et ne croient pas selon l’esprit et la divinité que ce sont vraiment les très saints Corps et Sang de notre Seigneur Jésus Christ sont damnés », écrivait saint François, dans un style et des mots propres à son époque. « L’Eucharistie est mon autoroute pour le ciel ! », répondait en écho Carlo, lui aussi avec les mots de son temps et de son âge.
Adoration eucharistique
Cet attachement s’est notamment caractérisé par une première communion de Carlo dès l’âge de 7 ans. Dans un livre, la supérieure du couvent de religieuses où la cérémonie avait eu lieu en juin 1998 se souvenait, non sans émotion : « Avec Jésus dans son cœur, après avoir pris sa tête entre ses mains, Carlo commença à bouger comme s’il ne pouvait plus rester immobile. Il semblait que quelque chose lui était arrivé connu de lui seul, quelque chose de trop grand qu’il ne pouvait pas contenir ».
Après sa première communion, Carlo prit l’habitude d’aller à la messe ou de prendre un temps d’adoration chaque jour. « Si nous y réfléchissons, disait-il selon sa mère, nous sommes beaucoup, beaucoup plus chanceux que ceux qui vécurent il y a 2 000 ans en Palestine aux côtés de Jésus. Ces personnes ne pouvaient pas se nourrir de son Corps et de son Sang comme nous pouvons le faire, bien au contraire. Ils ne pouvaient pas faire l’adoration eucharistique par laquelle Jésus nous transfigure et nous assimile de plus en plus à lui. »
Les exemples de proximité entre saint François et le futur saint et déjà bienheureux Carlo peuvent se multiplier. Ainsi encore, les deux avaient un souci et un respect particuliers pour la Création. L’attitude de Carlo face à sa mort imminente, à 15 ans seulement, révélait aussi une spiritualité empreinte de franciscanisme. « Il a affronté la mort, notre sœur la mort corporelle, dans une approche très semblable à François », analysait le frère Carlos Acácio Gonçalves Ferreira. « Il a tout offert au Seigneur, avec le sourire. Il a accueilli la mort comme une sœur dans la volonté du Père. »
Un dernier exemple de proximité entre Carlo et François ? Des recherches dans les archives ont permis de retrouver des dons faits par Carlo Acutis aux capucins d’Amazonie ! Comme un lien entre François, Carlo et Le Messager de Saint Antoine...