Le goût de la lectio divina
Lecture sainte, priante, lente, posée, d’un texte biblique. Cette méthode de lecture de la Bible appelée lectio divina permet d’entrer en conversation avec Dieu. C’est pour cela que le soin mis à choisir et à aménager un lieu de pratique adéquat compte pour beaucoup. Tout comme l’on choisit un lieu pour retrouver un ami, se réserver un temps et un espace physique propice à la solitude et à la prière silencieuse est primordial.
Pratiquer la lectio divina revient à chercher à mieux connaître Dieu, et non à mieux connaître les textes de la Bible.
Accroître sa communion avec Dieu
Le but de la lectio divina n’est donc pas de rendre quelqu’un érudit mais d’accroître sa communion avec Dieu.
Pour Sœur Marie-Véronique, une consacrée de spiritualité carmélitaine, la lectio divina est « la Parole de Dieu qui va aux profondeurs du cœur ». Puis d’accentuer : « grâce à la lectio (divina, ndlr), la Parole de Dieu s’imprime au plus profond du cœur ». Cette consacrée aime à chercher Dieu avec les textes du jour. Tout comme Sœur Clotilde, une consacrée bénédictine pour qui « le texte du jour a l’avantage d’ancrer dans l’aujourd’hui ecclésial ». Pour une personne qui n’a encore jamais pratiqué la lectio divina, il est conseillé de commencer par le Nouveau Testament et plus spécialement les Évangiles.
En puisant dans le texte biblique, nous trouverons, selon les paroles de Jean-Paul II, « la parole vivante qui interpelle, qui oriente, qui façonne l’existence ». Neuf siècles plus tôt, Guigues II, le prieur de la Grande Chartreuse (XIIe siècle) aimait à recommander : « Cherchez en lisant et vous trouverez en méditant, appelez en priant et l’on vous ouvrira dans la contemplation ». Dans ces paroles sont contenues les étapes de la lectio divina ; quatre étapes qui se suivent comme les marches d’une échelle reliant la terre et le Ciel : lire, méditer, prier et contempler.
Quatre marches
Aux yeux de saint Jérôme, « ouvrir l’Écriture et la lire, c’est tendre les voiles à l’Esprit Saint, sans savoir sur quel rivage nous aborderons ». « Ce que j’aime dans la lecture de la Parole de Dieu, c’est qu’il y a toujours des choses nouvelles à découvrir », confie le père Matthieu, curé dans le Nord de la France et membre d’un institut carmélitain. Ce prêtre lit et prie « tous les matins avec les lectures du jour depuis plus de 20 ans ». Même si sur le moment, la lecture n’est pas très éclairante, il constate que « cette parole est devenue familière, qu’elle nourrit le fond de [s]on âme, qu’elle [l]e surprend encore ».
Pour commencer un temps de lectio divina, en silence après avoir déposé les bruits de nos vies, invoquer l’Esprit Saint est la porte d’entrée. Puis vient la première marche appelée la lectio. Dieu nous parle à travers sa Parole. C’est un temps de lecture simple, lente et attentive du passage de la Bible. « Que dit en soi le texte biblique ? interroge Benoît XVI. Sans cette étape, le texte risquerait de devenir seulement un prétexte pour ne jamais sortir de nos pensées. » Nous pouvons retenir un mot ou une attitude qui nous pose question ou nous interpelle. Sœur Clotilde aime se « balader dans le texte un peu comme dans un jardin qui aurait plein de fleurs, d’arbres et de points de vue différents ».
La deuxième marche est la meditatio : la méditation et la recherche de ce que ce texte biblique nous dit. S’intéresser au contexte, aux personnes présentes, aux paroles, au moment de la journée, aux gestes, aux actions, aux silences fait partie de cette étape de seconde lecture. Nous laissons cette parole nous rejoindre et nous habiter. C’est, aux yeux de Benoît XVI, « comme un temps d’arrêt intérieur, où l’âme se tourne vers Dieu en cherchant à comprendre ce que sa parole dit aujourd’hui pour la vie concrète ».
La troisième étape, dite oratio, est le temps de la prière adressée à Dieu, en réponse à sa Parole. Notre réponse, comme un ami parle à un ami, peut être une demande, un chant de louange, un remerciement, une intercession pour une personne, etc.
Puis le dernier temps se concentre dans la contemplatio : la phase d’adoration, de communion avec Dieu, nous permet d’accorder nos désirs aux siens. En contemplant Dieu, nous essayons de comprendre à quelle conversion nous sommes appelés.
Ces étapes sont toutes aussi importantes les unes que les autres et toutes demandent un temps suffisant : cinq minutes par étape, soit 20 minutes en tout, sont un minimum recommandé par ceux qui pratiquent quotidiennement la lectio divina. Demeurer fidèle à la régularité et au choix d’un moment fixe dans la journée est également une attitude à adopter.
« Ruminer » et agir
Dans Verbum Domini, Benoît XVI confie : « Il est bon, ensuite, de rappeler que la lectio divina ne s’achève pas comme dynamique tant qu’elle ne débouche pas dans l’action (actio), qui porte l’existence croyante à se faire don pour les autres dans la charité. » L’actio vient donc compléter la contemplatio, comme une cinquième marche, invisible, mais nous conduisant dans le monde à travers nos frères. C’est pour cela que le pape François recommande d’avoir « toujours un petit évangile dans [sa] poche », permettant de lire et relire, de ruminer la Parole de Dieu, la laisser infuser en nous puis la diffuser autour de nous ! Vivante, la Parole de Dieu agit en chacun de nous et a un rôle prééminent dans la vie de l’Église, spécialement depuis le Concile Vatican II. Lire, méditer, prier, contempler, puis agir, tels cinq piliers nous permettant de nous approcher de Dieu.