La magie du livre
« Un livre peut sauver une vie ». Matthieu en est certain, il en a fait maintes fois l’expérience. « Il y a des livres qui m’ont aidé à des moments très difficiles, que je garde précieusement dans ma bibliothèque. Et ouvrir un livre, c’est s’accorder une respiration, c’est pouvoir décrocher des pensées qui tournent en rond, qui nous étouffent parfois. Se plonger dans un livre, c’est aider son cerveau à prendre du recul. » Un courant de la psychologie en a même fait un chemin de guérison : la bibliothérapie. Les conseils de « Livres qui font du bien » foisonnent sur les sites internet dédiés. Certains plaident pour les aphorismes, petites pensées courtes et percutantes à méditer ; d’autres engagent à se plonger dans des fictions pour transcender ses propres vicissitudes intérieures.
« La Lumière est dans le livre. Ouvrez le livre tout grand. Laissez-le rayonner, laissez-le faire. Qui que vous soyez qui voulez cultiver, vivifier, édifier, attendrir, apaiser, mettez des livres partout », disait Victor Hugo. « Pour moi, confie Élisabeth, la lecture façonne qui l’on est. En lisant, on va chercher des images, des repères, des forces intérieures ; on se définit, on va trouver des modèles, on se découvre et même on se “crée”, d’une certaine façon, là où on n’était pas encore créé ». Sans tarir d’éloges sur la lecture, la jeune trentenaire, professeur de chant, assure trouver dans les livres une évasion salutaire, mais aussi des directions pour sa vie. « La lecture nous montre des choses parfois impossibles, des modèles qui sont “au-dessus”, qui encouragent à viser plus haut, à reprendre du courage. Moi ça me permet de trouver ce qui me fait vibrer, ce qui est important dans ma vie. En fonction de tel personnage auquel je vais m’attacher, je vais me reconnaître ou reconnaître quelque chose d’important pour moi, et du coup ça va m’aiguiller dans ce que je veux pour moi ». La lecture de certains ouvrages l’a aidée à « changer sa vie », estime-t-elle.
La lecture dans la construction d’un enfant
Élisabeth souligne aussi le rôle de la lecture dans la construction de l’identité d’un enfant. « Les livres pour enfants débordent de philosophie, de morale. Par exemple, j’ai dévoré les Chroniques de Narnia. Cette saga m’a montré au quotidien des personnages qui se débrouillaient dans leur vie malgré les problèmes. Ce sont souvent aussi des livres très positifs : les héros se désespèrent et se relèvent ! En les suivant, cela me donnait vraiment de la force, une belle vision de la vie. J’adoptais leur philosophie, ils devenaient mes modèles. »
Laetitia, qui ne laisse pas passer une semaine sans entrer dans une librairie, partage son avis : « Quand on est enfant, on a une grande capacité d’imagination, on se prend pour le héros. Je retenais leurs leçons, se souvient-elle : tiens, celui-ci arrive à résoudre tel problème, cet autre ne s’arrête jamais. Et ça me rendait inarrêtable à mon tour ».
« L’imaginaire est très puissant et ce n’est pas du temps perdu », renchérit Élisabeth. La lecture, ajoute-t-elle, « nous travaille de l’intérieur. On se pose la question de qui l’on veut être. On adhère à quelque chose, on repousse autre chose, on se définit ».
Âgée de 40 ans, Jeanne, elle, s’est construite avec un personnage inspirant qui l’a suivie jusqu’à aujourd’hui : Anne Shirley, la petite rousse de l’Île du Prince Edward au Canada, personnage fictif de la romancière Lucy Maud Montgomery. Sur huit tomes, la jeune orpheline, qui diffuse sa lumière intérieure partout où elle va, déroutante par ses questions naïves, touchante par ses élans spontanés, est devenue pour Jeanne une amie, et un modèle. « Parfois encore maintenant, lorsque je me sens découragée, je me replonge dans ces histoires. J’aime retrouver ce petit monde qui grouille de perles de sagesse, de patience, de confiance ».
Une ouverture à la différence
Élisabeth constate par ailleurs que la lecture ouvre à des univers différents du sien. « Je vois ce qu’il se passe dans la tête d’autres personnes, en entrant dans le monde d’un écrivain… On voit des fonctionnements différents, des façons de prendre la vie, de penser, de raisonner… Ça m’ouvre à des pensées que je n’aurais pas imaginées ».
Pour Laetitia, ce voyage de la lecture permet « un break ». « On a besoin de beauté, de choses imaginaires. Quand je reprends ma vie après avoir lu un roman, tout est plus léger. Au lieu de continuer à réfléchir et me faire des nœuds au cerveau, j’ai détendu mon esprit, les tensions se sont allégées, j’ai pensé à autre chose. J’ai arrêté de ruminer inutilement des choses, j’ai pris de la distance, et en faisant cela les problèmes peuvent même parfois disparaître d’eux-mêmes. »