Mon enfant ne dort pas
Pour Églantine Guénard, thérapeute en relation d’aide et en psycho-généalogie, il faut d’abord faire la distinction entre les divers troubles du sommeil. Il y a notamment « les enfants qui inventent mille prétextes pour ne pas aller se coucher, ou pour se relever. Cela peut être le désir de ne rien perdre de ce qu’il se passe ». Et dans ce cas, « les parents attentifs au bien-être de leur enfant peuvent avoir des difficultés à dire non. Ils ont tellement peur de blesser l’enfant que celui-ci le sent et teste jusqu’où va son pouvoir ». Mais, avertit la thérapeute, « donner un cadre, c’est donner de la sécurité et de l’amour à son enfant ». Il s’agit alors de lui expliquer par des mots simples : « Pour bien grandir et pour que tu sois heureux, la nuit, c’est fait pour dormir ». Ou encore : « Maintenant, c’est le temps des adultes, de papa et maman, pour qu’ils cultivent leur amour afin de mieux t’aimer après ».
Toutefois, au-delà du schéma de l’enfant-roi, Églantine Guénard estime que dans la plupart des cas il ne s’agit pas d’un « caprice » mais d’une « angoisse de séparation très profonde ». Si dès la toute petite enfance, le nourrisson a des problèmes pour dormir alors qu’il est bien nourri, bien traité, elle conseille de « ne pas hésiter à demander de l’aide ».
Gaëtane, mère de deux enfants de 5 et 3 ans, a elle-même été confrontée aux problèmes de sommeil récurrents de sa deuxième fille, qui se réveillait plusieurs fois par nuit. « On la recouchait, elle revenait ; les nuits étaient hachées toutes les deux heures, j’étais épuisée et après avoir essayé la méthode douce, la méthode plus sévère, etc., je ne savais plus quoi faire. On se dit que ça va passer, mais on ne se rend pas compte qu’on est dans un cercle infernal », glisse-t-elle. Gaëtane s’est finalement adressée à une psychothérapeute spécialisée dans les angoisses d’abandon, et sa fille s’est remise à dormir en deux séances. « On a découvert qu’elle avait vécu un traumatisme au moment de l’accouchement, on a mis en place un petit processus au moment du coucher, avec des phrases rassurantes, et cela a été réglé », raconte-t-elle.
Cécile, mère de sept enfants de 3 à 19 ans, est aussi convaincue qu’on « ne peut pas rester isolé ». Au fil des années, elle a pris ses distances avec l’école éducative qui conseillait de « laisser pleurer l’enfant ». « Mon deuxième a eu des problèmes tout bébé, et avec cette méthode je me suis rendu compte qu’il avait développé des angoisses de séparation. C’était une grosse erreur que je n’ai pas réitérée avec les suivants. Ma quatrième a eu elle aussi des troubles du sommeil, et je l’ai beaucoup portée, beaucoup bercée pour qu’elle s’endorme sur moi et soit rassurée. Et un jour elle s’est endormie seule et c’était fini ». Et de constater : « On m’avait dit que j’allais en faire un enfant capricieux et c’est le contraire qui s’est passé. Elle n’a pas développé d’angoisse de séparation, et aujourd’hui, c’est la plus libre de tous, elle est hyper sereine, hyper calme ».
Les paroles rassurantes
Le travail d’accompagnement du spécialiste, explique Églantine Guénard, consiste à « regarder s’il s’est passé des choses qui ont pu être angoissantes et stressantes pour l’enfant ; par exemple on revit le récit de la grossesse. On a parfois l’impression que tout s’est bien passé mais certaines choses ont pu être violentes pour l’enfant, et on le découvre en creusant ». « Ce qui compte, c’est le ressenti de l’enfant », insiste-t-elle, en mentionnant à titre d’exemple une fausse couche antérieure qui « peut laisser des angoisses de mort ». Autres motifs d’angoisse : discorde des parents, entrée à l’école, changement de chambre, maman fatiguée, déménagement, arrivée d’un petit frère, etc. Il y a alors des paroles rassurantes à apporter : « Tu as grandi, tu sais faire plein de choses tout seul, et ton petit frère ne sait rien faire tout seul, on doit s’occuper de lui. Mais on continue de t’aimer en s’occupant de lui. L’amour de papa et maman pour toi est le même ». Dans tous les cas, il s’agit de « dire que l’amour de papa et de maman continue toujours et qu’il est pour cet enfant quoiqu’il arrive », insiste Églantine Guénard. « On n’a pas conscience de l’impact de nos phrases sur le cerveau de l’enfant, conclut Cécile. Quand on dit “Je t’aime”, pour lui c’est dans l’instantané et cela ne le rassure pas pour après. Savoir dire “Et je continue à t’aimer”, cela ne s’invente pas, il faut qu’on ait vu un professionnel pour le comprendre ».