La Vallée de Fabrice Hyber
Fabrice Hyber est un artiste singulier pour lequel une exposition est d’abord un lieu où l’on apprend. C’est pourquoi la scénographie rappelle les salles de classe autant que les cours de récréation. S’il a imaginé son exposition comme une école, c’est pour partager une autre façon d’appréhender le monde. « Ce qui est important dans une école selon moi, plus qu’apprendre des choses, c’est apprendre à les regarder, à observer comment elles évoluent. » Fabrice Hyber est d’abord peintre même si les mots sont partout dans son œuvre. Il conçoit le plus souvent ses toiles comme des story-boards où il colle des notes, des esquisses, des annotations et des dessins. Ses tableaux deviennent des concentrés de réflexions en deux dimensions, des images qu’on regarde, des signes qu’on lit, des relations qu’on peut créer, des matières à penser.
Le vivant pour inspiration
Il y a près de trente ans, Fabrice Hyber a décidé de semer une forêt en Vendée. Trois millions de graines ! Cent mille arbres sont sortis de terre : des pins, des feuillus, des arbres fruitiers qui se renforcent les uns les autres et qui favorisent une biodiversité d’animaux, d’insectes, de végétaux, de champignons... « Avec la Vallée, je voulais d’abord reconstituer un paysage arboré autour de la ferme de mes parents pour créer une barrière naturelle avec l’agriculture industrielle environnante et ceux qui la développaient. » Lieu d’apprentissage, d’expérimentation, de refuge, la Vallée est devenue la matrice et la source d’inspiration de l’ensemble de son œuvre. L’artiste compare d’ailleurs volontiers sa pratique avec la croissance organique du vivant : « Au fond je fais la même chose avec les œuvres, je sème les arbres comme je sème les signes et les images. Elles sont là, je sème des graines de pensée qui sont visibles, elles font leur chemin et elles poussent. Je n’en suis plus maître ».
Un espace d’apprentissage
Sur ses toiles grand format, Fabrice Hyber formule des hypothèses, associe des idées, invente des formes, joue avec les mots. « Mes tableaux décrivent un monde jamais fini, en transformation permanente, qui absorbe tout, comme dans une vallée. » L’artiste travaille sur plusieurs compositions en même temps et opère des glissements de sens d’une toile à l’autre. Il lui arrive aussi de revenir sur un tableau ancien. Il note ici une phrase, dessine là une image, colle ailleurs un objet, par petites touches, au gré de son imaginaire et de ses spéculations. Chaque étape compte. Ce processus de création « par accumulation » enrichit l’œuvre de toutes les potentialités ouvertes par la pensée en mouvement. Bien qu’utilisant la peinture à l’huile, sa technique, avec très peu de matière, ressemble à l’aquarelle : chaque trait est définitif. Tout le processus d’élaboration est visible. La toile devient ainsi un espace d’apprentissage et d’enseignement : « J’apprends en faisant et je veux transmettre ».