Dans le sac à dos du missionnaire
Fin 2019. Le père Renzo Busana, déhonien, doit refaire ses valises car une nouvelle charge lui a été confiée. Il se trouve à Babonde, un village de la forêt équatoriale, dans le diocèse de Wamba (République démocratique du Congo) depuis 2006. Pendant ces 13 années de mission, il a rempli son bagage de nombreuses expériences.
Il sait que la forêt manque de tout, d’eau potable, de nourriture, de soins, d’école, d’éducation, d’électricité, de routes, de moyens de travailler et de voyager. Cependant, son expérience a été sans pareille. Il lui a fallu des années pour tisser des relations : pour emmener à l’école les enfants des Pygmées, les premiers habitants de la forêt, les plus pauvres et les plus marginalisés, pour surmonter leurs réticences et pour atténuer la méfiance des Bantous, la population majoritaire.
Il a construit des écoles et des cliniques dans la forêt pour lutter contre la malaria et pour aider les femmes à accoucher, et a créé un système pour combattre la malnutrition. Ces dernières années, à Babonde, la Caritas Saint-Antoine a suivi les traces du père Renzo, finançant pas moins de huit projets dans le domaine de l’éducation.
Nouvelle destination, mission nouvelle
En vérité, le père Renzo ne doit pas déménager très loin. Sa nouvelle destination est Gbonzunzu, un village encore plus isolé, un point de référence pour 12 autres villages, à 33 kilomètres de Babonde. Mais dans la forêt, même un tout petit déplacement est un voyage, à cause des routes accidentées ou parfois même inexistantes. Il s’agit d’un changement radical également en termes de mission : « La nouvelle paroisse vient d’être fondée, écrit-il à la Caritas Saint-Antoine, début 2020. La réalité ecclésiale et éducative n’est qu’au début. Pour moi, c’est un défi, c’est presque comme repartir de zéro ».
Ce qui est aussi différent, c’est que Gbonzunzu se trouve dans une zone d’exploitation aurifère. Les habitants vivent d’une agriculture de subsistance comme à Babonde, mais beaucoup se consacrent à la chasse à l’or : « Une chasse qui ne rapporte pas grand-chose, explique le père Renzo, car elle se fait avec des moyens rudimentaires, pioche, pelle, tamis, et elle est de plus en plus pauvre. Dans d’autres régions du Congo, un pays riche en matières premières, les entreprises étrangères extraient de l’or, des diamants et des minéraux précieux, sans que rien ne revienne à la population ».
Une richesse qui est aussi une condamnation, qui a apporté et continue d’apporter la violence et l’instabilité au Congo : « Notre région est encore tranquille, explique le père Renzo, mais nous sommes à l’est, pas loin des provinces martyres de l’Ituri et du Nord et Sud-Kivu, où de nombreux groupes armés rôdent pour réussir à mettre la main sur le bois et les minéraux précieux. Nous espérons que le Seigneur nous protégera et qu’ils ne viendront pas chez nous ».
Des graines d’espoir en pleine forêt
La seule défense demeure dans la connaissance. Le père Renzo le sait bien, et il sort immédiatement de sa valise faite à Babonde toute l’expérience qu’il a acquise avec l’école et avec son amitié avec la Caritas Saint-Antoine : « On ne peut pas penser à un avenir différent pour le Congo sans agir sur l’école. Ici, l’État est absent, les bâtiments scolaires manquent, alors que le nombre d’élèves ne cesse d’augmenter ; les enseignants sont peu nombreux et peu qualifiés, et ils ne reçoivent qu’un maigre salaire seulement s’ils travaillent dans les rares écoles reconnues par l’État. Les seuls à prendre en charge l’école sont les parents, qui dans leur pauvreté construisent des salles de classe avec de la paille et de la boue, en cherchant, comme ils le peuvent, des enseignants de bonne volonté ».
Le père Renzo part de l’une de ces écoles réalisées par les parents, l’Institut Zatua, un institut de formation professionnelle qui a l’aspiration de former – dans une poignée de salles de classe faites de branches et de boue – les nouveaux agriculteurs, charpentiers, tailleurs, maçons, enseignants, informaticiens… Un rêve qui, cependant, n’a pas les moyens, les outils, les enseignants ou même les laboratoires pour se concrétiser. Un rêve qui mérite une chance : « Malgré le peu de ressources, raconte le père Renzo, les cours de coupe, de couture et de menuiserie débordaient de garçons et de filles qui voulaient apprendre. Les cours théoriques pouvaient se faire à l’intérieur des salles de classe en boue, mais pour les menuisiers en herbe, par exemple, il n’y avait qu’un tronc sous un arbre en guise d’atelier. »
Il est important de commencer par des rêves, et ce n’est pas un hasard si le père Renzo a inauguré son chemin dans la nouvelle mission en partant par la fin : il a construit d’abord les ateliers, financés en 2021 par la Caritas Saint-Antoine avec 29 000 ¤, puis l’école, en 2022, grâce à un second financement de 37 000 ¤. Il y a maintenant de la joie à Gbonzunzu, grâce à l’école en briques et à ses ateliers, malgré la pauvreté et l’incertitude d’un pays bafoué. Il y a la dignité de pouvoir aspirer à un avenir.
En 13 années de collaboration avec le père Renzo Busana, la Caritas Saint-Antoine a réalisé 10 projets, pour un montant total de 219 000 €, rejoignant ainsi des milliers d’enfants et de jeunes dans l’un des endroits les plus abandonnés du monde.
Il est touchant de penser que la solidarité de saint Antoine voyage silencieusement dans le sac à dos des missionnaires, plantant des graines d’espoir en pleine forêt équatoriale, là où bat le cœur de la Terre.