Noël, éloge de simplicité
« Il faut que Noël devienne vraiment une fête où on se retrouve dans un peu plus de simplicité et peut-être plus de convivialité. » Si ces mots semblent tout droit sortis de l’homélie d’un prêtre désabusé devant l’écart entre les centres commerciaux pleins et les églises bien peu remplies alors qu’est célébrée la naissance de Dieu-fait-homme, il n’en est pourtant rien. Le propos est signé du maire d’une petite commune bretonne, qui expliquait au micro de France Info avoir fait le choix de mettre fin aux illuminations de Noël, en espérant que cela permette de « retrouver le vrai sens de Noël ».
Si la décision de l’édile est en réalité avant tout motivée par la crise énergétique, les mots n’en sont pas moins révélateurs d’une prise de conscience grandissante d’un décalage entre l’origine de la fête et certaines façons de la célébrer, entre l’Enfant-Dieu né dans une mangeoire et la frénésie actuelle, entre le dépouillement de la Sainte Famille et l’avalanche d’achats suggérés de toutes parts. Ainsi il y a quelques années, le pourtant très profane journal 20 Minutes se demandait si les chrétiens n’étaient pas « dépossédés » de leur fête, désormais entachée par la « marchandisation et la sécularisation » devant les « catalogues de jouets » et l’« apologie du consumérisme ». « Noël est devenu pour nous comme pour beaucoup d’autres Français une fête vidée de toute empreinte catholique », semblait même déplorer le journaliste.
L’essence de Noël
De fait, les catholiques ne sont pas les seuls à s’interroger devant des célébrations qui virent parfois à l’excès. Une simple recherche sur Internet fait ressortir des dizaines d’articles de médias sans aucune affiliation chrétienne prônant un « Noël en toute simplicité », promettant que la célébration sera alors « authentique ».
Mais pour les catholiques, toute la différence est que la « simplicité » n’est pas seulement une caractéristique à rechercher pour la fête, elle en est l’essence même. « Noël, c’est l’invitation à reconnaître le Dieu qui vient à nous dans la simplicité pour nous partager son Amour », insistait ainsi Mgr Jean-Luc Brunin, évêque du Havre, dans son message de Noël en 2020. Cette affirmation résonne avec la définition de la fête donnée par le pape François en 2018, à quelques jours du 25 décembre. « Noël est la victoire de l’humilité sur l’arrogance, de la simplicité sur l’abondance, du silence sur le vacarme, de la prière sur “mon temps”, de Dieu sur mon ego », déclarait le Pape devant la foule réunie pour une audience générale. Et pour Noël 2017, Mgr Brunin – décidément très attaché à cette question de la simplicité – formulait déjà le vœu « que cette fête nous donne à tous de goûter la joie d’être simples et fraternels dans nos relations ».
Percevoir cette simplicité derrière la fête n’est pas toujours chose aisée et c’est d’ailleurs pourquoi l’Église fait précéder la fête de la Nativité par les quatre semaines de l’Avent. Il s’agit, explique le diocèse de Genève, du « temps d’attente à la fois pieuse et joyeuse, puisqu’il s’agit de se préparer à célébrer la naissance de Jésus ». « L’Avent est un temps de réflexion et de préparation qui permet une montée vers la fête de Noël », insiste le diocèse suisse.
La vraie joie
Pour vivre pleinement ce temps, paroisses et communautés religieuses proposent souvent des conférences ou des veillées de prière. Aux côtés de ces suggestions traditionnelles, des parcours en ligne sont de plus en plus nombreux, comme « l’Avent dans la ville », porté par les Dominicains. « Ces propositions sont désormais des rendez-vous attendus », veut croire le père Sébastien Antoni, assomptionniste et lui-même responsable cette année du parcours proposé par le mensuel Prions en Église.
Celui-ci prend la forme d’un témoignage audio par jour, recueilli au cours de différents pèlerinages. Personnes âgées et enfants, hommes et femmes, tous types de catholiques s’y côtoient. « À travers cette galerie de portraits très différents, nous proposons un pèlerinage sonore vers Noël », détaille le religieux. Une comparaison assumée car « la simplicité de la route et du chemin permet de se recentrer, d’être moins distrait ». Le parcours, assure-t-il, permet ainsi d’aider « à préparer son cœur et sa vie à la joie de la Nativité ».
Pour vivre Noël « autrement », le diocèse d’Orléans met pour sa part en avant les possibilités de « vivre un Noël solidaire ». Ces propositions prennent tout leur sens, détaille le père Dominique Fontaine, aumônier du Secours Catholique, dans un article sur le site de la Conférence des évêques de France, car la grande joie de Noël « ne peut être vraie que si tout le monde peut la vivre ». « Le vrai partage de Noël se situe avant tout dans la relation et pas dans la dimension mercantile et de consommation », argue celui qui a longtemps été aumônier du Secours catholique. Un partage dans la simplicité donc, qui peut prendre des formes aussi variées qu’une collecte alimentaire, un don à une association, ou encore simplement un appel le 25 décembre à une personne isolée.
Mais vivre la fête de Noël dans la simplicité, n’est-ce pas aussi se réjouir sincèrement de ce qu’elle permet ? Le père Sébastien Antoni cite le témoignage d’une famille qui s’apprête à célébrer ce moment ensemble, alors que les uns et les autres vivent éloignés le reste de l’année. « Partager un repas est finalement quelque chose de très simple, remarque le religieux assomptionniste. Mais c’est quelque chose de très beau. » Pour cette famille, la joie de Noël sera donc simplement la joie d’être ensemble.