Jean-Paul Ier, 33 jours d’humilité
« Je crois que son pontificat a été comme une bouffée d’oxygène pour la vie de l’Église, comme l’aube d’une journée lumineuse ». Ces paroles du cardinal Aloisio Lorscheider, un franciscain ayant participé au Concile Vatican II, sont intenses et montrent l’importance du pontificat de Jean-Paul Ier. Sa simplicité, ses paroles de défense des plus petits et son sourire évangélique vont très vite marquer les esprits. Celui qui a pris le nom en hommage à ses deux prédécesseurs Jean XXIII et Paul VI, était un pasteur proche de son peuple. « Je vous dis en toute honnêteté », affirmait Jean-Paul Ier à son cardinal secrétaire d’État, « que je suis avant tout un prêtre, ensuite je suis aussi pape, mais je veux être un pasteur, pas un fonctionnaire de bureau… je suis d’abord évêque de Rome et ensuite le pape ». Au cours de la messe de sa prise de possession de la cathèdre, le 23 septembre 1978, le Pape avait eu la spontanéité de dire que c’était le Maître des cérémonies qui avait « choisi les trois lectures bibliques pour cette liturgie solennelle. Il a estimé qu’elles étaient bien adaptées et, moi, je cherche à vous les expliquer ». Non sans humour, il confia même que la deuxième lecture choisie par le Maître des cérémonies, « parlant d’obéissance, [le] met[tait] quelque peu dans l’embarras ». 2 homélies, 3 messages, 3 lettres apostoliques, 4 lettres dont une aux évêques d’Argentine (le pays d’où est originaire la petite fille guérie par l’intercession de Jean-Paul Ier), 4 audiences, 5 Angélus et 9 discours. Le compte est rapide et impressionne. Ce pontificat fut éclair mais lumineux.
Simplicité
Pour Benoît XVI, interrogé de manière exceptionnelle sur l’un de ses prédécesseurs, « l’humilité peut être considérée comme son testament spirituel ». « C’est justement grâce à cette vertu que 33 jours suffiront pour que le pape Luciani entre dans le cœur des gens », a confié Benoît XVI. « Sa simplicité, poursuit-il, véhiculait un enseignement solide et riche. Grâce à une mémoire exceptionnelle et à une vaste culture, il improvisait avec de nombreuses citations d’écrivains ». Soucieux de simplicité, il a abandonné l’usage du « nous de majesté » pour s’exprimer à la première personne du singulier et il a refusé la tiare préférant une mitre d’évêque. Selon sa nièce, Pia Luciani, l’héritage qu’il laisse pour l’Église est qu’ « il est nécessaire de faire le plus grand effort possible et de laisser le reste au Seigneur ». Le curé de son village natal aimait à rappeler que « le sourire de Jean-Paul Ier, sa sérénité continuelle n’étaient pas un don naturel : ils étaient le fruit de sa patience, de sa prière et de son intimité avec Dieu ». Pour Christophe Henning, auteur de la seule biographie en français de Jean-Paul Ier, c’était « un pasteur d’une foi profonde et simple ». Lorsqu’il a été élu pape, Albino Luciani aurait dit aux cardinaux : « Que Dieu pardonne ce que vous avez fait ». Aux yeux de Christophe Henning, le pontificat de Jean-Paul Ier a sans doute « facilité l’élection d’un Polonais, pasteur lui aussi ». Le pape François (mi-argentin, mi-italien) est sensible au visage de Jean-Paul Ier, même s’ils ne se sont pas connus, mais le lien est intéressant entre « ces deux Italiens de terroir ».
Un Pape aimé et aimant
Les surnoms affectueux donnés à ce Pape étaient nombreux : « le Pape bon », « le Pape au sourire », « le curé du monde ». Cela montre la proximité et la douceur de Jean-Paul Ier qui voulait faire des audiences générales du mercredi, « une véritable catéchèse adaptée au monde moderne ». Il a d’ailleurs commencé ses catéchèses par le thème de la famille. Ce « catéchiste incomparable » avait pu délivrer 4 audiences. Le père Gérard Pelletier, historien de l’Église, précise que c’est le premier pape à avoir improvisé toute une audience, sans lire ses notes. Attaché à être proche de tous, il avait déclaré aux Romains : « Je puis vous assurer que je vous aime, que je désire seulement entrer à votre service et mettre à votre disposition toutes mes pauvres forces, le peu que j’ai et le peu que je suis ». Le père José Dabusti, qui a prié pour la guérison de la petite fille argentine de 11 ans (cf. encadré à la page précédente), avait été « frappé par la joie et l’expression du visage de Jean-Paul Ier et en outre, par son humilité ». Le père Pelletier souligne que ce pape était avant tout un pasteur et qu’il n’était pas issu de la curie romaine contrairement à ses prédécesseurs directs.
Attentif aux autres
Miséricorde et attention aux autres sont les recommandations qui reviennent fréquemment dans les discours de Jean-Paul Ier. « Aucun péché n’est trop grand » affirmait-il, « une misère finie, quand bien même elle serait énorme, pourra toujours être couverte d’une miséricorde infinie ». Pour sa nièce, Pia Luciani, son oncle avait toujours été considéré comme un saint, même de son vivant. Il était patient, avait beaucoup d’attention pour les pauvres. Soucieux de leur sort, il souhaitait un « salaire équitable » pour le monde du travail. Il avait le projet d’écrire une encyclique intitulée Les pauvres et la pauvreté dans le Monde. Ainsi, Jean-Paul Ier a su « avant tout transmettre avec des accents de rare efficacité et d’humanité authentique l’amour de Dieu. Il a rendu visible, par ses paroles et par sa vie, la tendresse et la miséricorde dans sa proximité avec tout le monde (…). Je crois que François complète, ou poursuit ce que Luciani avait commencé », relève Stefania Falasca, vice-postulatrice de la cause de béatification de Jean-Paul Ier. Celui qui est caché entre les longs pontificats de Paul VI et Jean-Paul II mérite toute notre attention et notre gratitude.