Vigne et chrétienté : un même berceau

214. C’est le nombre de fois que le mot « vin » est utilisé dans la Bible ! 173 fois dans l’Ancien Testament et 41 fois dans le Nouveau Testament. Cette abondance de récurrences n'est pas si étonnante quand on sait qu'Israël est le berceau de la chrétienté !

En France, tout comme la foi chrétienne fait partie de notre culture, le vin est ancré dans nos traditions. Pour Axel, fondateur de Bordeaux Family Wines S.A.S, on retrouve des valeurs communes entre les personnes qui travaillent le vin et la foi : « collaborer avec des vignerons, qui sont des passionnés, et qui donnent leur vie au terroir est très enrichissant », confie-t-il. Le vigneron travaille avec les autres, avec la nature et aime partager. Le vigneron est enraciné dans sa terre, il a un infini respect pour la Création, la nature et il ne cherche pas à être le seul propriétaire de ses terres : il les partage avec la nature, reine de la production.

Au rythme de la nature
Le vigneron vit au rythme des éléments, de Dieu ou de Mère-Nature, termes utilisés en fonction des convictions de chacun. Il attend du ciel les bons éléments. En France, un vigneron n’a pas le droit d’arroser sa vigne, il doit attendre l’eau du ciel, attendre la volonté divine. Alors qu’un agriculteur peut arroser. En cas de canicule et de sécheresse, ou de violents orages, les vignerons savent que le travail d’une année peut s’envoler. Parfois, trois gouttes d’eau sont vues comme providentielles ! Lors du gel des vignes au printemps dernier, les milliers de bougies allumées dans les vignobles au pied des vignes étaient là pour réchauffer les raisins. Cette image et cette démarche font penser aux bougies allumées par centaines dans les églises. Des bougies de prière pour espérer et attendre. Tout vigneron est donc dépendant de la météorologie : en France, avec le réchauffement climatique, les raisins ont davantage de soleil et regorgent donc de sucre, entraînant des vins plus alcoolisés, oscillant maintenant davantage entre 13 et 14 degrés. Chaque pays a sa méthode, souvent millénaire, et s’adapte à sa végétation. Aux Canaries, nous raconte une caviste passionnée, comme il fait très chaud, les vignerons laissent pousser les branches pour pouvoir les enrouler autour de la vigne et ainsi la protéger du soleil et de la chaleur. Pour Guillemette, sommelière à Bordeaux, « la vigne, c’est la culture noble des sols pauvres ». La vigne s’en sort dans un sol pauvre comme le calcaire, l’argile ou les graves. Cette réalité est évangélique : avec un souffle, aussi petit soit-il, un homme peut être transformé, tout comme la vigne qui pousse même sur des sols volcaniques. Cultiver la vigne, c’est comme donner la foi à quelqu’un, cela peut développer son âme et sa personne. Cette sommelière confie également que lorsqu’elle est dans les chais, elle a l’impression d’être une artiste avec une tablette et des couleurs. Face à ces cuves de vin, elle cherche à faire le plus beau tableau possible. Le vigneron est attentif aux températures, au surplus d’oxygène, au vin trop tannique, etc. Le vigneron se pose alors toujours cette question : « Avec ce que j’ai, la réalité de ce raisin, comment vais-je faire le meilleur vin possible ? ». « Faire du vin est un chemin de vie », assure encore cette fine sommelière. Le vigneron, qui développe les vertus de patience, de persévérance et de force, peut voir dans la vigne une image vivante de sa relation à Dieu.

Un signe d’amour
À travers les Écritures Saintes, Dieu utilise la vigne comme symbole de son amour. Le vin, signe de la joie, de l’amour, de l’abondance, est intrinsèquement lié à la Bible : « Je suis la vigne ; vous les sarments. Celui qui demeure en moi, et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit » (Jn 15, 5). Selon Benoît XVI, « Israël est comparé à la vigne féconde lorsqu’il est fidèle à Dieu, mais, s’il s’éloigne de lui, il devient stérile, incapable de produire ce “vin qui réjouit le cœur de l’homme” que chante le psaume 104 ».

Le vin, « qui est en soi une chose excellente », aux yeux de Pie XII, est un lieu de recherche de l’harmonie et d’assemblage de saveurs et de cépages. Le travail de la vigne peut même être considéré comme un travail de haute couture : l’époque de la taille de la vigne est le moment où les vignerons décident comment les grappes vont pousser. Le travail du vigneron est minutieux et procure beaucoup de joie. Les moines de l’abbaye du Barroux estiment qu’« œuvrer dans la vigne, c’est retrouver le Seigneur, retourner au réel ».

Pour Gabriel Teissier, directeur du développement de Via Caritatis, tout le « ramène à la foi » dans ce travail de la vigne, dont la spiritualité biblique est forte. Le nom des cuvées de Via Caritatis fait référence aux Psaumes et le nom même de ce projet provient de l’hymne à la charité de saint Paul. Cette Voie de la Charité a été empruntée par ces moines bénédictins qui ont vu les difficultés des vignerons de leur région et se sont associés, pour des vins de très haute qualité. « La diversité des tâches du milieu du vin, de la culture jusqu’à la table des hôtes, est complète », assure Gabriel Teissier, tout en y voyant un signe spirituel. À notre tour de planter notre vigne et nous serons reliés au divin. Or, si nous demeurons unis au Christ, Benoît XVI nous assure que nous porterons du fruit et que nous ne produirons pas « le vinaigre de l’autosuffisance », mais « le bon vin de la joie de Dieu et de l’amour envers le prochain »