Pierre Macquère, président d'Église & Innovation Numérique
Qu’est-ce que l’association Église & Innovation Numérique dont vous êtes le président ?
Le but de notre association est de promouvoir les projets innovants au service de l’Église et de la communauté chrétienne. Elle le fait notamment au travers du label ChurchTech et d’une soirée – normalement organisée chaque année au Collège des Bernardins à Paris – appelée Pitch my Church, qui permet de présenter les nouveaux services numériques allant en ce sens. Habituellement, cette soirée est retransmise en direct sur la chaîne de télévision KTO.
Comment êtes-vous concrètement impliqué dans ces projets liant foi et nouvelles technologies ?
Avec un ami d’enfance, nous avons créé une application de rencontre pour les chrétiens, qui s’appelle « Heavn », en allusion au mot heaven – paradis, en anglais. J’étais médecin mais ce projet prenait beaucoup de temps et après avoir passé mes soirées, mes week-ends et mes vacances à travailler, j’ai dû faire un choix. En novembre dernier, j’ai décidé de raccrocher ma blouse de médecin et de me consacrer pleinement à ces questions.
Pourquoi l’Église et les communautés chrétiennes auraient-elles particulièrement besoin des nouvelles technologies ?
Tout d’abord, ces technologies permettent d’être au goût du jour, d’être attractifs sur la forme. Aujourd’hui, les sites des paroisses catholiques relèvent souvent du « fait-maison » et c’est extrêmement dommage car ils peuvent donner une impression de désuet. J’entends souvent des gens dire que s’ils n’étaient pas déjà catholiques, ils se dirigeraient plus vers une foi évangélique, dont les sites internet donnent une impression plus vivante. Je crois que l’Église catholique a besoin d’une modernité numérique, qui lui apportera de la visibilité.
Ainsi, par la visibilité, ces technologies permettent de gagner en crédibilité et en modernité. Je me suis particulièrement impliqué dans Église & Innovation Numérique après avoir dressé le triste constat que la communauté catholique a énormément de retard dans tout ce qui relève des nouvelles technologies. Les protestants, et en particulier les évangéliques, ont déjà des années d’avance sur nous sur ces questions.
Par ailleurs, les nouvelles technologies permettent aussi de rejoindre les gens là où ils sont aujourd’hui, notamment sur les réseaux sociaux. On voit par exemple que le Pape et le Vatican y sont présents, les paroisses nettement moins. Elles sont plus sur Facebook, un réseau qui semble déjà un peu désuet aux yeux des jeunes. Mais je constate qu’il y a une vraie volonté de faire bouger les choses.
Avez-vous des exemples d’outils numériques à développer pour les catholiques ?
Ces outils sont de deux natures : ceux qui viennent en aide à l’Église « institution » et ceux au service des communautés. Du côté institutionnel, l’un des outils les plus connus est l’application « La Quête » qui permet de donner son offrande soit directement depuis son téléphone portable, soit à l’aide de bornes installées dans les églises. Cela marche très bien et plusieurs milliers d’églises en France sont déjà équipées de tels terminaux permettant un don très rapide.
Je pense aussi à une application qui a été créée pour les paroisses dans le contexte du dé-confinement, où l’affluence à la messe dominicale doit être restreinte pour s’adapter aux restrictions. Un jeune prêtre a ainsi créé une application qui permet de réserver des places pour la célébration eucharistique.
Pour la communauté, un des plus beaux projets mis en place est le réseau social de prière appelé « Hozanna ». Plusieurs centaines de milliers de personnes sont inscrites sur ce site. Elles peuvent y partager des intentions, s’unir à des chaînes de prière ou encore prier ensemble. Je pense aussi au projet « Ephatta », qui est une sorte d’« AirBnB » se définissant comme site de location d’hébergement et de voyage chrétien. Je pourrais également parler de « Bouge ton Église », de « Messe Info » et de tant autres… Sans oublier mon application « Heavn » !
Quel accueil recevez-vous quand vous parlez de la nécessité d’une transformation numérique de l’Église ?
La hiérarchie catholique me semble tout à fait consciente de ces besoins. Il y a même un pôle dédié à ces questions à la Conférence des évêques de France avec lequel nous discutons souvent. Mais le monde des start-ups évolue sans cesse alors que les institutions sont stables – et c’est d’ailleurs heureux. Il faut ainsi réussir à ce que les deux travaillent main dans la main, car les start-ups ont besoin de pouvoir innover rapidement.
Ne craignez-vous pas de créer un « décalage » entre les générations avec le recours aux technologies ?
Je constate bien sûr qu’existe un effet générationnel. Ceux qui n’ont pas grandi avec les nouvelles technologies peuvent encore s’en passer. Mais les générations en-dessous de 40 ans sont très demandeuses de tous ces outils numériques. Ce serait dommage que ces franges jeunes décrochent complètement car nous n’avons pas su développer les outils pour les garder.
Avec la pandémie et les confinements, nombre de paroisses se sont mises au numérique. Avez-vous reçu des demandes d’accompagnement pour ce passage en ligne ?
Nous avons effectivement reçu des demandes en ce sens. Ce ne sont pas les seules qui nous parviennent et par exemple il est fréquent que des personnes nous interrogent pour connaître les start-ups de l’environnement chrétien susceptibles de recruter. Avec Église & Innovation Numérique, nous ambitionnons de devenir une plaque d’échanges : les personnes qui ont des demandes, ceux qui portent des projets, ceux qui ont des offres… Par exemple, nous souhaiterions diriger les paroisses qui veulent refaire leur site internet ou ont des besoins particuliers vers les personnes compétentes.
Prévoyez-vous d’organiser prochainement une soirée Pitch my Church ?
Nous espérions pouvoir en tenir une au printemps, mais elle devrait selon toute vraisemblance être repoussée au mois de septembre. Malgré notre passion pour le numérique, nous aimerions la faire « en présentiel » ! Mais si le contexte est toujours compliqué, nous en ferons sûrement une de façon numérique. Cela dit, il est important de pouvoir la réaliser de façon physique, car y était associé un village des innovations au sein duquel les gens pouvaient passer de stand en stand pour découvrir les start-ups. Cela permettait des échanges extrêmement riches dans les éditions passées et nous aimerions vraiment pouvoir offrir à nouveau cette opportunité. Pour les start-ups, c’est une belle occasion pour se faire connaître du public.