L’unité, une mission pour chacun
C’est l’un des plus beaux et plus grands fruits du Concile Vatican II. Tellement beau, tellement évident désormais, qu’il est parfois difficile d’imaginer qu’il n’a que quelques dizaines d’années : l’œcuménisme. Si les démarches de discussion entre confessions chrétiennes — catholiques, orthodoxes, protestants… — pouvaient déjà exister par le passé, c’est avec le Concile qu’elles ont pris un essor au niveau de l’Église universelle. D’ailleurs, pour la première fois, des invités d’autres confessions n’ont-ils pas été invités à être présents aux débats conciliaires ?
« Promouvoir la restauration de l’unité entre tous les chrétiens est l’un des objectifs principaux du saint Concile œcuménique de Vatican II », affirme ainsi le décret voté en 1964 par les pères conciliaires, Unitatis Redintegratio (Restauration de l’unité). Quelques mois avant l’adoption de ce décret, l’œcuménisme avait déjà pris un visage très concret : en Jordanie, Paul VI avait rencontré le patriarche orthodoxe de Constantinople Athénagoras. Et fin 1965, les deux hommes signaient une déclara-
tion levant les excommunications réciproques. Une décision encore inenvisageable quelques années auparavant.
Demander pardon
Depuis, les signes d’unité se sont multipliés. Des déclarations communes ont été signées entre l’Église catholique et d’autres confessions chrétiennes, permettant de trouver des positions communes, plutôt que de se focaliser sur ce qui divise. Pour ce qui n’est pas encore résolu, des commissions théologiques sont à l’œuvre. Et désormais, il n’est plus rare que pape et patriarche de Constantinople échangent – la dernière rencontre de ce genre remonte au mois d’octobre seulement. Une occasion pour le pape François de saluer son « cher frère » Bartholomée, comme il l’appelle.
Le rapprochement entre confessions est tel qu’on a même pu voir en 2016 le pape François, chef de l’Église catholique, se rendre en Suède pour commémorer les 500 ans de la Réforme luthérienne. L’objectif, expliquait-il en amont de ce déplacement, est de « me rapprocher un peu plus de mes frères et sœurs. (…) Mon attente est celle de parvenir à faire un pas de proximité. La proximité fait du bien à tous. La distance nous rend malades ».
Une fois, sur place, dans la cathédrale luthérienne de Lund, il déclarait : « Nous ne pouvons pas nous résigner à la division et à l’éloignement ». Le Pape indiquait également la marche à suivre pour l’unité : « nous devons regarder avec amour et honnêteté notre passé et reconnaître notre faute et demander pardon (…) nous sommes conscients que nous avons enfermé en nous-mêmes, par crainte et à cause de préjugés, la foi que les autres professent avec un accent et un langage différents ».
Œcuménisme du sang
Comme le souligne ainsi le pape François, l’unité n’est pas l’affaire de quelques-uns, mais, au contraire, de chacun des croyants, quelle que soit sa confession personnelle. Chacun est appelé à se défaire de ses préjugés concernant les autres confessions pour ouvrir son cœur à la rencontre véritable avec celui qui reconnaît aussi Jésus. Dans de nombreuses villes existent ainsi des groupes de prière œcuménique pour se retrouver entre chrétiens. C’est l’occasion de s’enrichir mutuellement des traditions des autres. Par exemple, avant les années 1960, bien peu de catholiques avaient une Bible chez eux. Désormais, ils sont nombreux à suivre l’exemple de leurs frères protestants et à en lire régulièrement un passage.
Dans certains pays, existe malheureusement un autre œcuménisme, celui du sang, selon la formule employée par le Pape. En Syrie, en Irak ou dans certains pays d’Afrique ou d’Asie, les chrétiens sont victimes des mêmes persécutions, indifféremment de leur appartenance confessionnelle. « Lorsque leur sang est versé, même s’ils appartiennent à des confessions différentes, ils deviennent ensemble des témoins de la foi, des martyrs, unis dans le lien de la grâce du baptême », expliquait le pontife à l’occasion de la Semaine de l’unité des chrétiens en 2018.
Catholique, universel
Dans une cruelle ironie, là où les persécuteurs voient les chrétiens comme un tout homogène, certains chrétiens restent focalisés sur la division. Lors de son voyage en Roumanie en 2019, le pape a ainsi retrouvé le patriarche orthodoxe de ce pays dans sa cathédrale de Bucarest. L’avancée était certes louable, mais les deux hommes n’ont pas pu prier ensemble le Notre Père : chacun l’a récité séparément, l’un après l’autre. « Il y a des habitudes, des règles diplomatiques qu’il est bon de conserver pour que les choses ne se détériorent pas », justifiait le Saint-Père.
« Nous aussi catholiques, nous avons des gens fermés, qui ne veulent pas et qui disent : “Non, les orthodoxes sont schismatiques” », relevait-il encore. Ainsi, même si pour beaucoup de catholiques l’œcuménisme semble aller de soi, certains sont encore très réticents. Ces doutes ont leur légitimité, car il est possible d’être blessé en entendant un chrétien qui ne croit pas en la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie, par exemple. Mais malheureusement, certains refusent le dialogue par dogmatisme et s’arcboutent sur leurs positions, érigeant en dogme indépassable ce qui ne l’est pas forcément.
Chaque année depuis 1908, les chrétiens sont invités à prier ensemble pendant la semaine qui précède le 25 janvier, jour de la fête de la conversion de saint Paul. Habituellement, dans de nombreux endroits, une différente communauté accueille les autres pour un temps de prière dans son lieu de culte. Cette année, ces rencontres devront peut-être avoir une forme différente, à cause de la pandémie. Mais chacun, dans son cœur, peut prier pour que le mot « catholique » ne soit pas utilisé pour diviser, mais vraiment pour exprimer ce qu’il signifie : « universel ».