La montagne propice au pèlerinage

Les sommets des montagnes sont un lieu propice à la méditation et la prière. Pourquoi donc ne pas partir en pèlerinage sur les montagnes ?
18 Août 2019 | par

Je viens de la région du Sud de la Suisse, le Valais, à la frontière avec la France et l’Italie. Ici, deux cols, le Simplon et le Grand-Saint-Bernard, abritent des hospices, dont s’occupent des communautés canoniales vivant selon la règle de saint Augustin, les chanoines appelés précisément du Grand-Saint-Bernard. C’est dire si leur spiritualité est marquée par la montagne et l’hospitalité, selon la belle devise de saint Bernard de Menthon : « Ici le Christ est adoré et servi ».

Des hospices sur les cols
Hospice vient du terme latin hospes, hôte, dans les deux sens du mot : celui qui est reçu et celui qui accueille. Les refuges du Simplon et du Grand-Saint-Bernard ont toujours servi de haltes aux voyageurs et de havres de salut pour ceux qui se seraient perdus ou auraient été ensevelis sous la neige. C’est de là que vient la pratique des fameux chiens dits « saints-Bernard », portant au cou un tonneau rempli d’un liquide vivifiant et dressés pour chercher et trouver d’éventuelles victimes.

La Via francigena
Les cols servent bien sûr à passer d’une vallée à l’autre, du Valais au Val d’Aoste ou à la région de Domodossola. Mais ils constituent également une étape sur la Via francigena. Cette route de pèlerinage part de l’Angleterre, traverse la France puis la Suisse romande par Lausanne, l’abbaye de Saint-Maurice — la plus ancienne abbaye du nord des Alpes où la louange s’est maintenue sans interruption depuis 1 500 ans, elle aussi desservie par une congrégation cousine de chanoines réguliers (de Saint-Maurice d’Agaune) —, Martigny et le col du Grand-Saint-Bernard, avant de descendre jusqu’à Rome. Elle se poursuit même jusqu’à l’extrême sud des Pouilles, à Santa Maria di Leuca, à la pointe de la botte de la péninsule italienne, d’où les pèlerins (et les Croisés) s’embarquaient pour la Terre sainte. Par cette Via, montagnes et mers sont reliées de part et d’autre de l’Europe occidentale.

La spiritualité des pieds
Souvent, dans l’Évangile, le Christ est présenté s’isolant de la foule, de l’autre côté d’un lac ou sur un mont où Il allait prier son Père dans l’intimité du face-à-face. Il se mettait à l’écart pour rencontrer Dieu dans le silence et faire de la volonté divine sa nourriture. Car, comme le bord de la mer marque la frontière avec les terres, ainsi les sommets des montagnes touchent-ils le ciel. Ces lieux-limites s’avèrent anthropologiquement et théologiquement propices à la méditation, car ils signifient l’ouverture de l’ici-bas à l’infini de l’océan ou à la profondeur des cieux, où habite symboliquement « notre Père ».
De nombreux chanoines sont également guides, assumant de ce fait la double mission de l’accompagnement physique et spirituel. Les hospices proposent ainsi de nombreux « pèlerinages alpins », autant en hiver qu’en été par des hautes-routes traversant les Alpes, ou par des randonnées familiales ouvertes à tous et ponctuées de temps de lecture de la Parole, de réflexion sur un thème biblique, de partage et de prière. C’est avec le cœur, la bouche et les pieds que nous nous adressons à ce Dieu qui est venu marcher sur nos monts et nos collines terrestres. Grimper au Grand-Saint-Bernard au milieu des pentes enneigées ou par les sentiers escarpés et les rochers des monts, redescendre à l’hospice pour y vivre une veillée-méditation et la célébration de l’Eucharistie, c’est joindre pleinement le corps à la louange, à la supplication et au pardon. Car la montée exige un effort sur soi qui pousse à se transcender et à s’ouvrir au Dieu roc et refuge. L’ascension à travers les alpages et les paysages sauvages, voire les pierriers, permet de s’élever au-dessus des basses préoccupations du quotidien, de prendre de la hauteur par rapport aux soucis, aux conflits et aux déceptions et de faire le plein de souffle de joie, de beauté, d’espérance et d’Esprit Saint.
Un des fondateurs des pèlerinages alpins, le chanoine Gratien Volluz, a légué une prière qui nous invite à nous avancer vers le Seigneur « dans l’audace et l’adoration », à tendre vers les choses d’en haut (selon les mots de Paul en Colossiens 3, 1) et ainsi, comme à la messe, à « élever notre cœur » et notre être pour les tourner vers le Seigneur.

 

Updated on 18 Août 2019
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