Mener les catéchumènes vers le Christ, un défi
La famille de Tarik est originaire d’un petit village du Maroc. Une famille musulmane pieuse et sans histoire. Tarik lui est né en Normandie, comme ses quatre frères et sœurs et la religion a toujours pris une place importante dans sa vie. Une fois par an, Tarik retrouve ses grands-parents et ses cousins de l’autre côté de la Méditerranée. Mais depuis quelques années, les liens se sont tendus avec certains membres de sa famille, surtout ceux restés au Maroc. En 2017, Tarik a en effet demandé le baptême, point d’orgue d’un parcours de conversion de trois années. « Deux de mes frères ne veulent plus me parler, tout comme mes cousins restés au Maroc », explique le jeune homme. C’est après avoir été amené à un groupe de prière par un ami catholique que Tarik a vécu une transformation radicale et découvert une soif de devenir chrétien. En secret, il a suivi un parcours de catéchuménat où il a approfondi son désir de découvrir le Christ.
Le catéchuménat des personnes venant de l’islam s’est renforcé ces dernières années dans les différents diocèses français, si l’on en juge les presque 300 personnes converties l’an dernier. « Cette écoute personnalisée et cet accompagnement sont essentiels, explique le père Vincent Feroldi, qui dirige le service national pour les relations avec les musulmans au sein de la Conférence des évêques de France, si l’on en juge par l’histoire de ces personnes dont beaucoup viennent de pays où l’islam était très majoritaire, et où la religion prenait l’essentiel de l’espace social, spirituel et familial. »
Une écoute sérieuse des histoires personnelles
Tarik se réjouit d’avoir pu être accompagné et soutenu dans son parcours par ses amis chrétiens. Il se félicite du chemin « en douceur », l’importance de l’écoute et la prise en compte de ses racines culturelles. « On fait du sur-mesure », poursuit le père Feroldi. « Chaque personne qui vient vers l’Église est vraiment unique et donc la première attitude est de se mettre à l’écoute. » Si le baptême de Tarik a parfois provoqué l’incompréhension de certains membres de sa fratrie, ses parents lui ont confié qu’ils étaient soulagés de voir leur fils épanoui comme chrétien, même si cela ne se passe pas toujours aussi bien dans les familles d’origine musulmane.
L’Église en France accompagne avec sérieux ces demandes de baptême. Elle demande aux personnes qui sont appelées à cheminer avec ces convertis de se mettre rapidement en lien avec le catéchuménat diocésain. Cela fait seulement quelques années que la question de ces convertis est prise à sa juste valeur.
« Ils nous donnent le même témoignage que celui de saint Paul », se réjouissait en 2014 Mgr Dominique Lebrun, alors évêque de Saint-Étienne, dans un entretien à un hebdomadaire catholique. « Toutes les souffrances et les arrachements ne sont pas grand-chose par rapport à ce que Jésus apporte. Les convertis de l’islam sont de vrais cadeaux pour nos communautés chrétiennes, et non des fardeaux », expliquait celui qui est très engagé dans le dialogue interreligieux.
Le difficile accompagnement des néophytes
Une autre problématique est celle du suivi des nouveaux baptisés. Pour de nombreux adultes, le sacrement du baptême a été vécu comme un aboutissement et non toujours comme un nouveau départ. Nicolas, baptisé en 2017 à 32 ans dans le diocèse d’Amiens, reconnaît aujourd’hui que sa vie spirituelle s’est plutôt asséchée depuis son baptême. « Je vis ma foi de manière très personnelle, mon rapport à Dieu, ça va, ça vient, je ne me rends à la messe qu’assez rarement », confie-t-il.
On peut expliquer les difficultés du suivi de ces catéchumènes en apportant déjà une réponse sociologique. Pour de nombreux adultes recevant le baptême, leur parcours correspond à une phase de changement dans la vie. Ainsi, Nicolas a quitté Amiens l’année après le baptême et vit désormais dans la région de Grenoble. Pas facile pour lui de s’insérer dans une nouvelle paroisse et une autre réalité ecclésiale.
Il est par ailleurs peu évident de passer d’une préparation régulière au sacrement baptême, où les rendez-vous d’étape ont été nombreux et réguliers à la vie de néophyte, nouvelle vie où l’on est un peu « livré à soi-même ».
« La problématique de l’accompagnement est la même que celle de la confirmation », explique Anne Tutta, du service diocésain du catéchuménat à Lyon. Selon elle, l’un des enjeux dans le suivi des adultes baptisés est de favoriser leur intégration dans une communauté. « La mise en place de fraternités ou de groupes de prière est un grand soutien, et apporte de beaux fruits, explique-t-elle, il est important de trouver des espaces où l’on continue à être nourri par la Parole de Dieu et par la vie communautaire. »
La question du suivi des baptisés et de leur insertion dans une communauté ecclésiale est donc un élément essentiel. « Nous encourageons les paroisses à accompagner l’après-baptême, poursuit Anne Tutta, afin que ces personnes puissent réellement trouver un espace dans la vie de l’Église ». Certains diocèses organisent aussi des rencontres entre néophytes, afin de partager leurs expériences de nouveaux baptisés. Pour Anne Tutta, l’importance de la formation est capitale : « si chaque paroisse ou diocèse doit être créatif pour accompagner ces catéchumènes, cela doit se préparer avec sérieux. Le Seigneur fait beaucoup de choses, mais il faut aussi l’aider ! ».