La vie monastique, essentielle au monde d’aujourd’hui
À quoi sert la vie monastique ? Voilà sans doute l’une des questions les plus posées aux moines ou moniales à travers le monde par les visiteurs de passage et les retraitants qui, le temps de quelques jours, viennent se ressourcer loin du rythme de leur vie quotidienne. L’interrogation est d’autant plus récurrente aujourd’hui que la radicalité de vie qu’ils ont choisie semble aller à contre-courant de notre monde où tout s’est accéléré, un monde dans lequel le matérialisme est également grandissant.
Dans un ouvrage paru il y a quelques années, issu d’entretiens avec un journaliste, le frère Michel Pascal, ancien père abbé de l’abbaye bénédictine de Ganagobie, dans les Alpes de Haute-Provence, met des mots sur le sens profond de la vie monastique, une vie centrée sur la recherche incessante d’une intimité avec Dieu. Cette vie, patiemment rythmée par la prière et le travail est un dépouillement permanent. Elle permet de comprendre que même pour ces moines, dont la vie est austère, la question du superflu est toujours posée, un comble pour nos vies bruyantes, marquées par de multiples sollicitations ! « Les moines sont des signes. Le signe que Dieu peut combler une vie », explique le moine bénédictin. « De l’extérieur, tout monastère paraît être une prison, avec ses grands murs et sa porte étroite, poursuit-il, mais vraiment, il y a une libération qui s’opère, un certain détachement de ce qui n’est pas nécessaire. Ainsi la vie monastique permet d’apprendre à ne plus être préoccupé de soi-même. Une véritable leçon pour notre temps. »
Intercéder pour le monde
Il y a certain un paradoxe à voir les moines ou moniales « coupés du monde ». Si leur cadre de vie les met de fait à l’écart des tumultes contemporains, le lien avec le monde est en réalité très fort. « Une des caractéristiques de la vie monastique, ou même de toute vie religieuse qui prend en charge l’intercession, c’est de porter le monde entier dans sa prière », explique le père Guerric, abbé de la Trappe de Soligny, qui accueille chaque année de nombreuses personnes pour des retraites. Pour le moine cistercien, « on ne peut pas durer en restant centré complètement sur soi-même ». Le père Guerric souligne aussi que comme tout baptisé, le moine est membre du corps du Christ et est donc en cela en lien avec tous les autres baptisés, « parce que le Christ est lié à toute l’humanité sans aucune exception ».
Il y a un an, lors de son voyage apostolique au Pérou, le pape François avait rencontré 500 religieuses contemplatives dans un sanctuaire du centre de Lima. Il leur avait alors livré une réflexion sur le sens profond de la vie monastique, et son « utilité ». « La vie cloîtrée, avait alors expliqué le Saint-Père, n’emprisonne, ni n’enserre le cœur, au contraire, elle l’élargit grâce à sa relation avec le Seigneur ». Cette prière est peut-être hors de portée des yeux du monde mais lui est essentielle. « La prière de demande qui se fait dans vos monastères rejoint le cœur de Jésus qui implore le Père pour que tous nous soyons un, afin que le monde croie », poursuivait le Pape devant les contemplatives péruviennes, soulignant combien notre monde marqué par les fractures avait besoin d’unité. Il appelait ainsi chaque monastère à faire en sorte « d’être une lampe qui éclaire au milieu de la désunion et de la division ».
Une vie fraternelle au service du Christ
Le monastère est aussi le lieu d’apprentissage de la vie communautaire. Dieu a appelé des hommes ou des femmes à vivre en communauté, sans qu’ils se soient choisis. « On se rend bien compte que ce que l’on vit dépasse de beaucoup sa propre existence, son propre cheminement, sa propre marche vers Dieu », résume l’abbé Guerric. Cette vie communautaire est exigeante mais souvent porte de nombreux fruits. « C’est une occasion de s’ouvrir à l’autre », résume Hélène, une ancienne postulante du Carmel. « Il n’y a pas de masque, ses dons, ses talents sont dévoilés devant le Seigneur, on apprend à être soi-même. Soi-même, on se simplifie », analyse joliment Hélène, qui se souvient que dans son monastère, il n’y avait pas de miroir. « On regarde donc beaucoup moins son image, poursuit-elle, pour orienter son regard vers ceux qui nous entourent, vers ce qui se passe en nous, vers la Création »
La vie monastique est donc une invitation à se dépouiller. Cette Création à admirer et à protéger résonne de façon très contemporaine à l’heure où les enjeux écologiques n’ont jamais été aussi forts. Le cloître des monastères, dans sa dimension symbolique vient déjà rappeler cette figure de la terre. On retrouve d’ailleurs les quatre éléments : terre du jardin, eau de la fontaine, air du ciel et feu du soleil.
Depuis plusieurs années, de nombreux monastères ont développé la permaculture, respectant ainsi le rythme des saisons qui fut l’une des règles des moines depuis le Moyen Âge. Il y a deux ans, l’abbaye normande du Bec-Hellouin a accueilli une rencontre inédite : des moines et moniales de toute la France se sont retrouvés pendant quatre jours autour du thème de la permaculture et de l’agro-écologie, dans la dynamique de l’encyclique Laudato Si’ du pape François.
« Ce respect de la nature montre que la vie monastique est avant-gardiste ! », sourit Hélène, l’ancienne postulante au Carmel. Une vie monastique qui respecte la Création et qui attire de plus en plus de visiteurs dans les monastères.