Sport : comment devenir des athlètes de Dieu
Pour vous, que représente le sport dans la vie d’un chrétien ?
Pour moi, le sport c’est avant tout un état d’esprit. Il développe les vertus et est un bon révélateur de la vraie valeur de la personne humaine. Le sport est aussi le lieu d’une transmission. C’est un vrai terrain missionnaire. Enfin, il permet un dépassement de soi.
Qu’entendez-vous lorsque vous dites que le sport est avant tout un état d’esprit ?
J’entends par là qu’il va être très révélateur du sens que la personne donne à la souffrance et qui peut nous faire grandir. Le sport, c’est un travail, un renoncement. On se bat pour atteindre un but. On s’entraîne, on souffre, mais on sait que cela n’est pas en vain. Le sportif consent à toutes ces souffrances pour remporter la victoire finale. Dans le sport, il y a des moments difficiles. Il faut aller chercher des ressources au fond de nous-mêmes. Dans la vie chrétienne, il y a des moments de désespoir, qui nous poussent à en appeler à la grâce de Dieu. Le sport, enfin, nous fait comprendre le prix de l’adversité. Car dans le sport, il faut accepter le combat pour progresser, et on ne progresse que si notre adversaire est meilleur que nous.
Quelles sont les vertus développées par le sport ?
Je pense en particulier à l’humilité. Devant les faits et les limites de la réalité, devant un score, devant le règlement. Les règles ne sont pas là pour nous contraindre. Au contraire, elles créent un espace de liberté. Les règles sont la grammaire commune des joueurs. Elle est ce qui unit, égalise et libère les acteurs, arbitres, joueurs, encadrants, supporters. Les règles sont d’ailleurs facteur de créativité. Par exemple, du fait que l’on ne puisse passer le ballon en avant au rugby est né le geste du chistera (geste technique au rugby consistant à faire une passe effectuée dans le dos en jetant le bras vers l’arrière). L’acceptation de nos limites, c’est aussi l’acceptation des blessures qui peuvent survenir dans la pratique du sport. C’est aussi accepter qu’il y a un âge après lequel notre corps ne résiste plus comme avant.
En quoi le sport est-il un révélateur de la personne humaine ?
Le sport convoque véritablement toute notre personne. Dans le sport, on fait tomber les masques. Sur le terrain, il n’y a pas de pistons, on ne se cache plus derrière un personnage, derrière un statut social. On est ainsi obligé d’aller à rebours de la médiocrité. Pour paraphraser Emmanuel Berl : « le terrain, lui, ne ment pas ». Il y a une marque de ce don total qui ne trompe pas, c’est la joie qui découle du sport lorsqu’il est pratiqué dans un bon état d’esprit. C’est cette vraie joie qui vient de l’effort consenti. De même, il n’y a pas de vraie joie chrétienne sans cette ascèse qui nous oblige à convoquer la grâce dans nos vies. Face aux tentations de toutes sortes — la pornographie, le découragement — le sport est un très bon moyen pour parvenir à ce nécessaire don de soi qui nous rend profondément heureux.
Vous avez aussi parlé de transmission...
Oui, pour moi, la transmission prend une place fondamentale dans le sport. J’aime bien prendre une distinction entre ces deux mots, « éduquer » et « séduire », qui viennent du latin. Le verbe « séduire » — se-ducere —, qui veut dire « conduire à soi ». C’est la tentation de nombreuses stars sportives aujourd’hui. Elles veulent les regards éblouis du public. Cette optique est à l’opposé de celle que visent les éducateurs.
« Éduquer » — ex-ducere — c’est-à-dire « conduire hors de soi ». Alors que la star veut tourner le public vers elle, l’éducateur, lui, se sert du sport pour faire sortir l’enfant de lui-même, afin de le faire grandir, de le mener à Dieu. Dans la ligne de cette transmission, j’ai aussi découvert que le sport était un véritable terrain missionnaire.
Il y a ainsi un lien très fort entre la vie du sportif et la vie du chrétien ?
On peut aisément faire le parallèle entre le stade et la cathédrale, entre le vestiaire et la sacristie.
Tout comme le sport, la vie spirituelle a ses entraîneurs : les prêtres et les évêques. Dans la vie spirituelle comme sur le terrain, il y a un combat.
Dans la vie spirituelle, c’est un combat contre le monde. Et l’appel à la grâce est comme une prise d’élan. Plus on prie, plus on prend d’élan pour affronter les combats de la vie, et plus on peut passer des obstacles difficiles.
Tout comme les athlètes, avant les matchs, vont « se mettre au vert » pour se concentrer sur la compétition, le chrétien doit prendre des temps de retraite (au moins une fois par an) pour recentrer sa vie spirituelle avant les combats de sa vie quotidienne.
Après chaque match, les joueurs participent aux séances vidéos, afin de relire le match ; ce qui a été, et ce qui n’a pas été bon. Le chrétien peut avoir la même opportunité, en faisant chaque soir son examen de conscience, en relisant sa journée, afin de voir ce qui a été, ou non, conforme à la volonté de Dieu. Il peut ainsi se demander : « Où ai-je servi les autres ? Où me suis-je servi moi-même »... Et ainsi, il peut « réajuster le tir », si l’on peut dire.
La finalité du sport, c’est le geste juste. Le chrétien, lui aussi, doit en appeler à la grâce afin de poser des gestes justes dans ses journées, des gestes de charité, de douceur...
* Arnaud Bouthéon est l’auteur de Comme un athlète de Dieu, manifeste sportif et chrétien, paru en octobre 2017 aux éditions Salvator.