Père Gérard Pelletier : « Inséparables saints Pierre et Paul »
Pourquoi pouvons-nous affirmer avec certitude historique que saint Pierre et saint Paul sont morts à Rome ?
Plusieurs sources nous l’attestent. En particulier l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe, évêque de Césarée de Palestine vers 320, qui disposait d’une importante bibliothèque. En rédigeant la première histoire de l’Église dont nous disposons, il rapporte les éléments connus alors. Il cite d’abord un prêtre, Gaïus : « Pour moi, je peux montrer les trophées des apôtres. Si tu veux aller au Vatican ou sur la voie d’Ostie, tu trouveras les trophées de ceux qui ont fondé cette Église ». La partie la plus ancienne des fouilles sous la basilique Saint-Pierre s’appelle aujourd’hui « le trophée de Gaïus ».
Que sait-on des dernières heures de Pierre et Paul ?
Une lettre de Clément de Rome, troisième successeur de Pierre comme évêque de Rome, est un élément important du tout début du IIe siècle. On peut notamment y lire que « Pierre, qui par suite d’une jalousie injuste a supporté tant de souffrances et qui, après avoir ainsi rendu témoignage, s’en est allé au séjour de gloire qui lui est dû. (…) Paul, chargé sept fois de chaînes, exilé, lapidé, devenu un héraut en Orient et en Occident, il a reçu la renommée éclatante que lui méritait sa foi. Après avoir enseigné la justice au monde entier et atteint les bornes de l’Occident, il rendit témoignage devant les gouvernants. C’est ainsi qu’il quitta le monde et s’en alla au séjour de sainteté, illustre modèle de constance. » Ces écrits donnent de précieux détails sur les dernières heures des saints Pierre et Paul.
Rappelez-nous le voyage de Pierre et Paul vers Rome, lieu de leur martyre…
Eusèbe de Césarée nous l’explique en ces termes : « Pierre paraît avoir prêché aux Juifs de la dispersion dans le Pont, la Galatie, la Bithynie, la Cappadoce et l’Asie ; finalement, étant aussi venu à Rome, il fut crucifié la tête en bas, après avoir lui-même demandé de souffrir ainsi. Que faut-il dire de Paul qui, depuis Jérusalem jusqu’à l’Illyricum, a accompli l’Évangile du Christ et rendit enfin témoignage à Rome sous Néron ? ». Pierre, d’après les Actes, quitte Jérusalem et va évangéliser Antioche (sur l’Oronte), la troisième ville de l’Empire et lieu d’une importante communauté juive. C’est d’Antioche que partiront Paul et Barnabé pour leur premier voyage missionnaire. Quand Paul écrit l’épître aux Romains, vers 58, il ne mentionne pas Pierre, ce qui laisse penser que ce dernier ne s’y trouve pas encore. Paul va être transféré à Rome pour son procès et en résidence surveillée de 61 à 63. L’incendie de Rome par Néron a lieu en juillet 64, l’historien romain Tacite mentionne la persécution des chrétiens, et la tradition fait donc mourir Pierre à ce moment-là : « Pour faire taire les rumeurs relatives à l’incendie de Rome, Néron désigna comme accusés des individus détestés pour leurs abominations, que le vulgaire appelle chrétiens. (…) On arrêta d’abord ceux qui confessaient leur foi, puis, sur leurs indications, une multitude d’autres, accusés non tant d’avoir mis le feu à la ville que de haine contre le genre humain ». La tradition fait mourir Paul vers 67, en tout cas quelques temps après Pierre.
Pourquoi, s’ils sont inséparables, ne sont-ils pas enterrés au même endroit et deux basiliques ont été érigées sur leurs tombes ?
La mort de Pierre puis de Paul sont deux évènements indépendants qui entraînèrent, lorsque l’Empire est devenu chrétien sous Constantin, la construction de deux basiliques différentes, sur la colline du Vatican pour saint Pierre (à un endroit si mal disposé pour construire qu’il fallait vraiment la certitude que Pierre était là) et le long de la voie d’Ostie pour Paul. Les fouilles entreprises, sous Pie XII pour Pierre et sous Benoît XVI pour Paul, démontrent aujourd’hui la véracité des traditions.
Pourquoi l’Église catholique fête solennellement, le même jour, le 29 juin, la fête des saints Pierre et Paul ?
L’histoire atteste bien de la mort des deux apôtres à Rome en martyr. Ils jouent déjà les deux premiers rôles dans le livre des Actes, rédigés par l’évangéliste saint Luc. L’Écriture garde donc la mémoire des deux principaux apôtres évangélisateurs du bassin méditerranéen. La fête liturgique des deux apôtres est donc commune depuis les origines, nous en avons la trace dès le troisième siècle.
Si saint Pierre et saint Paul sont toujours fêtés ensemble, chacun a, en plus, une fête particulière : le 22 février, la chaire de saint Pierre et le 25 janvier, la conversion de saint Paul… Pourquoi ces doubles fêtes ?
Dès les premiers siècles, Pierre bénéficia d’une double fête : la fête de la chaire de Pierre à Antioche, et la fête de la chaire de Pierre à Rome, en vertu de ses deux « adresses » successives. Le calendrier liturgique de Paul VI ne garda qu’une seule fête au 22 février. Paul a lui aussi « sa » fête avec sa conversion, le 25 janvier, devenue journée de prière pour l’unité des chrétiens. Saint Léon le Grand, évêque de Rome en 440-461, nous donne un grand sermon sur la fête des deux apôtres où il n’hésite pas à comparer la fondation de l’Église romaine par Pierre et Paul avec la fondation de la ville par Romulus et Remus. Comme disent les Italiens : « Se non è vero, è ben trovato ! » (« si ce n’est pas vrai, c’est bien trouvé ! »)
Quels points communs y a-t-il entre ces deux saints ?
Ces deux figures sont complémentaires : Pierre est l’un des Douze, témoin de la vie et de la résurrection du Christ. Paul est un converti sur le chemin de Damas, il inaugure la longue cohorte de ceux qui rencontrent le Seigneur sur le chemin de leur vie, ce qui change tout ! Pierre tient sa vocation particulière de la mission confiée par le Christ (Matthieu 16) d’être la pierre de fondation sur laquelle sera bâtie l’Église. Son charisme de fondation est suivi par celui d’évangélisateur et de théologien de Paul. D’où la « primauté », respectée par toutes les Églises, de la succession des Apôtres de cette Église de Rome comme dépose de la vérité révélée.
Pourquoi ce jour est-il choisi pour les ordinations sacerdotales ?
Cette apostolicité de l’Église de Rome fait comprendre aussi pourquoi, outre le fait que le 29 juin est la fin de l’année scolaire, on aime depuis la réforme du Concile Vatican II célébrer les ordinations sacerdotales lors de la fête de Pierre et Paul. C’est une manière d’ancrer le ministère des prêtres dans la sûreté de l’enseignement de la foi et dans le sens de l’apostolat missionnaire. n