Le père Jean-Pascal Deloisy : la joie de la conversion
Quel lien établissez-vous entre le Carême, le temps de Pâques et la direction spirituelle ?
Le Carême nous donne des forces pour rester sur la bonne route, celle de la foi pour échapper à l’emprise de la tristesse, de la culpabilité, de la violence, de l’orgueil, de la méchanceté, du refus de pardonner. Il ne faut pas mener le combat spirituel seulement pendant le temps de Pâques ! Si l’on ne fait du sport que huit jours avant la compétition, cela ne va pas ! Le temps de Pâques est un temps communautaire où l’on ravive en nous la connaissance de Dieu et de Sa miséricorde en Jésus Christ, et de la confiance de devenir saint, de parvenir à la paix du cœur.
Si se convertir prend toute une vie, le temps du Carême peut-il être suffisant ?
C’est un vrai travail et ce n’est pas du tout cuit ! Les athlètes n’ont pas les médailles d’or en vivant simplement une vie ordinaire, ils font des efforts. Le temps de Pâques est un temps très particulier que l’Église nous offre pour ne pas être seul dans le combat mais le mener avec toute la communauté catholique. Ce n’est pas mon combat, c’est le combat spirituel de Jésus Christ dans lequel je m’insère avec mes frères. Le combat spirituel est de ne pas entrer en tentation et de résister à son propre orgueil.
Sommes-nous tous confrontés au combat spirituel ?
Le combat spirituel s’adresse à tous les hommes, par le biais de sa conscience. Pour les chrétiens, être en accord avec sa conscience c’est vivre en état de grâce. Le combat spirituel n’est pas violent en soi. Il consiste à trouver une fluidité et une harmonie dans sa vie, à réciter le Notre Père en sachant que nous le vivons. Le combat spirituel c’est d’arriver au don de la paix, à ne pas murmurer contre Dieu et ses frères, avoir la conscience en paix, demeurer en compagnie de Jésus. Ce qui compte dans la vie, ce n’est jamais le départ, mais l’arrivée. Le combat spirituel s’inscrit dans la durée, c’est un cheminement de foi et d’espérance. Le Christ a dit « Venez et vous verrez », mais il ne dit pas à l’avance ce qui va nous arriver. Il nous propose une amitié.
Qu’est-ce qu’une direction spirituelle ?
La direction spirituelle est un accompagnement afin d’aider quelqu’un à objectiver ce qu’il vit dans ses choix, ses troubles, ses échecs, l’aider à reconnaître ce qui vient de Dieu, pour poser des choix libres, conscients et volontaires. En outre, il y a une direction spirituelle qui se fait sans même qu’on s’en rende compte : j’appartiens à l’Église, je vis dans ma paroisse, je me nourris des homélies, je reçois des corrections fraternelles, je recherche la paix. Les fidèles peuvent très bien être directeurs spirituels, regardez Marthe Robin ou Catherine de Sienne ! Une mère de famille aussi fait de la direction spirituelle ! Le directeur spirituel aide à nous faire percevoir là où on est attendu et à trouver les moyens pour répondre à l’appel baptismal qu’est le nôtre. C’est arriver à vivre sans éloigner Dieu d’aucun détail de sa vie.
À quel but nous amène-t-elle ?
Une direction spirituelle amène à une libération. Le directeur spirituel rend libre et joyeux. Il aide à construire des êtres « en famille » et non pas des êtres à part ! Quand on décide d’une direction spirituelle, ce n’est pas pour se sauver soi-même, mais pour être élargi, être envoyé en mission, pour produire des fruits. On se propose aussi une imitation de Jésus jusqu’au martyre. La direction spirituelle est pour pouvoir répondre pleinement à la vocation dans l’ordre d’un don plus grand. Si on fait un voyage en montagne à 800 mètres d’altitude, on peut y aller tout seul, si on fait 1 000 mètres, on écoute la météo et si on va à 3 000 mètres, on prend un guide d’ascension ! Une direction spirituelle, c’est un chemin de grâce avec le Christ et avec ses frères vers Dieu. C’est donc un chemin de conversion. Se convertir, c’est progresser dans la charité, en espérance et dans la foi.
À quoi le directeur spirituel doit-il s’intéresser pour nous faire renaître d’en haut ?
Il y a des verrous qu’il faut faire sauter ! La patience du directeur spirituel est d’attendre le temps de Dieu. Il nous conduit dans l’Écriture, dans et vers la vie sacramentelle et nous aide à vivre en vérité. Le directeur spirituel est par exemple celui qui trouve les bons textes de l’Écriture sainte pour vous faire rencontrer le Christ et répondre à sa volonté.
Quels sont les points concrets du dialogue avec son directeur spirituel ?
La vie de prière, les pardons à donner, la vie sacramentelle et le lien avec les Écritures, en premier. Puis, d’un point de vue très concret de l’usage de l’argent, reçu, donné et espéré ainsi que les addictions. Le directeur ne doit être ni mondain ni curieux. C’est un homme de prière qui doit être nourrissant. Il fait émerger une personne.
Comment savoir si une personne a été pour vous une belle opportunité spirituelle ?
Quand vous la quittez, vous vous sentez meilleur qu’avant de l’avoir rencontrée ! Un homme spirituel vous met en relation avec Dieu et vous apaise. Là où les saints passent, Dieu passe avec eux. Il y a une communion des saints au ciel qui est déjà une communion en humanité. Le saint est directeur spirituel ! Toute personne porte en elle une capacité d’entraînement sur son frère ; quand on voit quelqu’un prendre une bonne direction, on a envie de faire pareil. Avoir de bonnes personnes sur son chemin est une grâce. Exercer une direction spirituelle, c’est conduire l’autre vers Dieu et non vers soi ! On devrait ne plus avoir besoin de directeur spirituel et devenir tous saints, tous frères.
Pourquoi certains ont-ils honte de ne pas avoir de directeur spirituel ?
Ce n’est pas juste d’avoir honte parce qu’on n’a pas de directeur spirituel ! L’important est de recharger les batteries. Certains font des retraites dans des monastères et rechargent bien plus vite leurs batteries que quelqu’un qui a un directeur spirituel ! La décision de faire une retraite devient déjà une direction spirituelle !
Que diriez-vous à ceux qui n’ont pas de directeur spirituel ?
Heureusement que le Saint-Esprit ne passe pas que par les directeurs spirituels et que la Providence de Dieu est à l’œuvre par d’autres biais ! Tout directeur spirituel a ses propres limites. Il est parfois utile et nécessaire d’en changer. L’élève parfois dépasse le maître. Il n’y a pas d’école pour devenir directeur spirituel sinon celle de la patience et de l’humilité. Le Pape est par excellence le directeur spirituel de l’Église. Avec l’Église, il exerce une direction spirituelle pour le monde entier. En fait, tout homme a un directeur spirituel car chacun a la voix de sa conscience.