Faut-il croire au Père Noël ?
« Maman, le Père Noël va-t-il vraiment passer par la cheminée ? Comment fait-il pour lire toutes les lettres qu’il reçoit ? » Impossible pour les parents d’aujourd’hui d’échapper à cet énigmatique personnage à barbe blanche, qui s’invite dans l’imaginaire de leurs petits dès la maternelle, et garnit les vitrines des magasins – parfois même avant la Toussaint. Que répondre aux questions des enfants ? Le Père Noël fait-il de l’ombre au Petit Jésus ? Est-ce leur mentir que d’entretenir le mythe ? Selon leur tempérament, leur foi, ou encore l’éducation qu’ils ont reçue, tous les parents n’ont pas la même façon de réagir. « Le Père Noël n’a pas sa place à la maison », répond Marie, qui n’a pas digéré la lettre au Père Noël que l’institutrice de son fils a fait écrire à sa classe, en chargeant les parents de l’envoyer à qui de droit… Maylis, elle, se refuse à envoyer le Père Noël aux oubliettes, et n’hésite pas à alimenter la rêverie de ses enfants si leur curiosité les titille : « Personnellement, je n’en parle pas la première, parce que pour moi, Noël est d’abord la venue de Jésus. Mais, quand ils en entendent parler à l’école, je n’ai pas envie de casser cet univers merveilleux », explique celle qui se souvient de son émerveillement de petite fille : « L’image du traîneau, des rennes dans le ciel, tout ça m’a fait rêver… Par contre, chez moi, hors de question de passer commande pour les cadeaux ! Même si mes enfants passent des heures, les longues après-midi d’hiver, à découper des magazines, un cadeau n’est pas un dû, et nous leur apprenons à remercier grands-parents, parrains et marraines, pour les présents qu’ils ont demandé au Père Noël de leur transmettre… »
Caroline, elle, psychologue et mère de trois enfants, renvoie ceux-ci à leur imagination quand le Père Noël débarque dans la discussion : « Et toi, penses-tu qu’il puisse vraiment passer par la cheminée ? »
« Ce n’est pas tant un mensonge qu’un mythe qu’on partage avec ses enfants comme on leur raconte une histoire le soir, estime-t-elle. » Pour elle, à la manière des contes, le Père Noël permet d’aborder des thèmes importants, comme le partage, la générosité ou la rencontre. « Chacun, à sa manière et selon l’imaginaire dans lequel il a été bercé, peut transmettre un peu de cette histoire, qui fait aussi la magie de Noël ». Mais dès que le doute ou le soupçon se font sentir, « il me semble important de la part des adultes ne pas en rajouter », ajoute celle pour qui « le plus important reste quand même la venue du Petit Jésus qui, elle, est bien réelle, pour les petits comme pour leurs parents ».
« Laisser croire, sans faire croire », c’est la bonne mesure que conseille Bernadette Lemoine, psychologue pour enfants réputée, à l’origine de la création de l’association MCAdS, ou Mieux Connaître l’Angoisse de Séparation, fondée sur une anthropologie chrétienne. Cette grand-mère confesse son peu d’affection pour le Père Noël, « un personnage fabriqué pour des familles qui ne croyaient plus en Jésus et en son Incarnation. Autrefois, les cadeaux, dans les familles, étaient le signe du cadeau absolu que Dieu fait aux hommes à Noël en son fils Jésus ». Dans la pratique, elle n’invite pas les parents à évacuer complètement le Père Noël de l’imaginaire de leurs têtes blondes, mais plutôt à le laisser à sa place, en respectant leur besoin de rêverie : « Comme pour la petite souris, il n’est pas grave d’entretenir un peu le mythe : on peut leur raconter l’histoire du Père Noël avec un sourire complice, ou en commençant par « on dit que… ». Tout cela les aide à comprendre, sans leur dire, qu’il s’agit bien d’un autre ordre que celui de la réalité. » Quoi qu’il en soit, précise la spécialiste, les enfants d’aujourd’hui sont beaucoup moins enclins à « croire au Père Noël », baignés qu’ils sont, dès
tout petits, dans le mon-
de des adultes et dans une culture contemporaine surinformée ». Passés cinq ou six ans, ils découvrent peu à peu le pot aux roses.
Quel que soit leur discours sur le Père Noël, tout l’enjeu des parents chrétiens reste de transmettre à leurs enfants la réalité de la venue de Jésus dans le monde, au-delà de l’omniprésence un peu envahissante du joufflu personnage : « J’essaie de mettre le paquet sur la crèche, déclare Maylis. Dans la famille de mon mari, il était de tradition d’écouter en famille La Pastorale des Santons de Provence. Je récupère l’idée. » Béatrice, elle, convaincue aussi que « le seul risque du Père Noël serait de décentrer la fête de son sens le plus essentiel », rivalise d’idées pour ouvrir le cœur de ses deux jeunes enfants à la venue du Sauveur : « Dès le premier dimanche, nous faisons une vraie fête, avec un bon goûter et des chants de Noël, et passons l’après-midi à préparer la crèche et le sapin, et décorer la maison. Puis, tout le temps de l’Avent, nous faisons ensemble de petits bricolages qu’ils pourront offrir à leurs grands-parents, parrains et marraines. Une manière de leur montrer que l’Avent est un temps où l’on ouvre son cœur aux autres ». Pour autant, tout ne se joue pas à Noël, estime la mère de famille : « Si l’on veut vraiment que nos petits soient attentifs au mystère de Noël, c’est une éducation qui se fait au quotidien, et toute l’année. Si nous faisons entrer Jésus dans leur vie avant le Père Noël, je suis confiante sur le fait qu’ils sauront très bien faire la part des choses. »
D’autres font avancer dans la crèche un petit mouton qui les représente chaque soir, à la prière familiale, ou tâchent d’ouvrir un peu plus leur table familiale à des personnes seules. À chaque famille d’inventer sa formule pour que Noël fasse toujours pétiller le cœur des enfants sans devenir la fête de la consommation.