Rencontre avec... Alessandro de Franciscis

Médecin pédiatre de formation, Alessandro de Franciscis, 60 ans, dirige depuis huit ans le bureau des constatations médicales au sanctuaire de Lourdes.
15 Février 2017 | par

Médecin pédiatre de formation, Alessandro de Franciscis, 60 ans, dirige depuis huit ans le bureau des constatations médicales au sanctuaire de Lourdes. « Je suis le médecin le plus inutile du monde », dit-il avec humour, soulignant que les gens viennent le voir quand ils sont guéris. Quand il n’est pas dans son bureau, il parcourt le monde pour donner des conférences sur ces guérisons miraculeuses.

Pouvez-vous nous rappeler en quoi consiste ce bureau des constatations médicales et quelle est son histoire ?
Le bureau existe depuis 1883. Il a été fondé par un médecin normand, le docteur Georges-Fernand Dunot de Saint-Maclou à la demande de l’évêque de l’époque. Dunot crée un bureau de constatations médicales après les nombreuses histoires de guérison entendues par les pèlerins qui se rendaient à la grotte. C’est la première fois dans l’histoire de l’Église catholique qu’on décide de soumettre à la science médicale des histoires de guérisons supposées et de potentiels prodiges. C’est l’évêque de Lourdes qui va nommer le médecin en charge de ce bureau.

Ce bureau est d’abord un espace physique, avec le médecin et son secrétariat, mais c’est aussi un collège de médecins qui s’inscrivent sur un registre pour participer à un travail d’enquête. Tout médecin est libre de s’inscrire et personne, depuis la fondation de ce bureau, ne lui a demandé son orientation religieuse. Si beaucoup de médecins sont catholiques, nombreux sont ceux qui sont agnostiques ou même athées et qui sont passionnés par ce travail de recherche et d’investigation sur des guérisons supposées. En 2016, nous avons accueilli à peu près 4 500 professionnels soignants, de 72 pays du monde.

Comment se passe la procédure qui va permettre d’examiner les cas supposés de guérison ?
Une deuxième étape après l’inscription des médecins est de bâtir un dossier sérieux, car on vous raconte une histoire très belle, sans doute plausible, mais il faut en faire un dossier médical, comme dans les hôpitaux. La guérison est d’abord constatée au bureau. On le constate en science collégiale. C’est une première étape qui peut prendre dix ou vingt ans. Il s’agit d’une guérison inexpliquée en l’état actuel de nos connaissances médicales.

La deuxième étape est celle de la confirmation. Elle est faite par le comité médical international de Lourdes, une structure mise en place en 1954, qui est composé de professeurs et chercheurs auxquels on soumet les constatations.

Ces constatations sont faites par des médecins qui ne sont pas forcément spécialistes de la maladie guérie, ou qui ont suivi les derniers développements de la science médicale. Ce comité international d’experts est convoqué une fois par an, et c’est à eux de réétudier les dossiers de guérisons constatées à Lourdes, de les expertiser. Un rapporteur est ensuite nommé au sein de ce comité et présente l’année suivante son rapport strictement médical sur lequel on ouvre une discussion, puis une décision est prise par vote au bulletin secret.

C’est là que s’arrête le travail de Lourdes qui, je le rappelle, est strictement médical. Quinze ou vingt ans ont pu se dérouler depuis le récit de la guérison. La dernière étape est entre les mains des évêques : celui de Tarbes-Lourdes communique le rapport à l’évêque du diocèse d’où provient la personne guérie. Cet évêque peut en faire ce qu’il veut. Vous voyez donc qu’il s’agit d’une procédure extrêmement rigoureuse. Sur les 7 000 récits de guérison parvenus à Lourdes, seuls 69 cas ont été reconnus comme « guérisons miraculeuses ».

Est-ce important pour vous que science et foi, que l’on a souvent opposées dans l’Histoire soient ici parfaitement complémentaires ?
Je renverserais votre question en disant qu’à ma connaissance, dans le monde d’aujourd’hui, toutes religions confondues, et quel que soit le continent, il n’y a aucune instance comme le bureau des constatations, dans laquelle on puisse nouer un dialogue fécond et respectueux entre science et foi. Évidemment cela se fait avec des conditions, c’est-à-dire que la foi est respectueuse de la réalité de la méthode scientifique, l’évêque et les prêtres n’interviennent que lorsqu’on a arrêté une décision. Certes, il s’agit d’un contexte particulier, car nous travaillons dans un lieu d’Église, dans le sanctuaire, non loin de la grotte des apparitions mais, dans le même temps, nous n’entrons pas dans l’interprétation chrétienne qui est le propre de la foi.

À quoi servent les miracles ?
Là, je réponds en tant que chrétien parce que dans les livres de médecine que j’ai étudiés toute ma vie, il n’y a pas de paragraphe ni de chapitre « miracle » ! Mais en tant que chrétien, je crois au miracle car rien n’est impossible à Dieu et, de temps en temps, par l’intercession de Notre Dame de Lourdes, il y a des guérisons ou des rémissions spontanées, comme on dit dans le milieu médical. Il s’agit de « signes ». Dans le Nouveau Testament, les quatre Évangiles et les Actes des Apôtres sont émaillés de récits de miracles. Ces signes viennent du grec seneia. Jésus fait marcher un paralytique, rend la vue aux aveugles, ressuscite les morts, redonne la parole aux muets… Il faut toujours remettre cela dans la perspective eschatologique que ces signes qui sont donnés nous renvoient à une réalité autre. Nous l’avons vécu dans le cadre de l’Année de la Miséricorde qui s’est récemment achevée.

Dieu, par l’intercession de la Vierge, nous donne donc des signes pour nous rappeler qu’Il a le pouvoir de nous remettre nos péchés. Et nous, à travers nos vies, sommes appelés à la vraie destination qui est la vie éternelle. Cette vie éternelle existe au point que Dieu, de temps en temps, peut venir dans nos histoires, nos maladies. Ça, je le crois en tant que chrétien évidemment. Comme médecin et surtout comme directeur du bureau des constatations médicales de Lourdes, je suis la méthode scientifique et je dois me faire l’avocat du diable ! C’est la garantie pour établir la vérité. 

Updated on 15 Février 2017
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