Vie et mort de saint François d’Assise
De tous les saints de la Chrétienté, saint François d’Assise est sans conteste l’un des plus populaires, qui compte le plus de biographies et dont l’exemple suscite aujourd’hui encore la ferveur et l’admiration jusque dans les rangs des non-croyants. Un exemple plus que jamais d’actualité : Jean-Paul II l’a proclamé saint patron de l’écologie en 1979, et l’actuel pape François a choisi son nom pour placer son pontificat sous le signe de la pauvreté, de l’espérance et de la soumission à Dieu, si chères à saint François.
Le futur saint naît en 1181 ou 1182 dans une riche famille d’Assise, en Ombrie, au centre de l’Italie. Son père, Pietro Bernardone, est un marchand drapier et sa mère, Dona Joanna Pica, d’origine provençale, lui donne le goût de la langue occitane et de la poésie des troubadours.
Comme il naît pendant un déplacement de son père aux grandes foires de Champagne, sa mère le fait baptiser sous le nom de Giovanni, mais à son retour, pour célébrer ses succès en affaires, son père décide qu’il s’appellera Francesco (soit « Français » en italien).
Durant son adolescence, il mène une vie dissipée et dépense l’argent de son père sans compter. À vingt ans, il prend part à la guerre entre Assise, cité gibeline fidèle à l’empereur, et Pérouse la guelfe, fidèle au pape. Il est fait prisonnier en novembre 1202 et passera un an en prison où l’on suppose qu’il a contracté une tuberculose qui va altérer sa santé. Mais il y trouve aussi un calme intérieur qui va le mener à sa conversion en plusieurs étapes.
Une conversion par étapes
Il s’éloigne de ses mauvaises fréquentations et commence à fréquenter les chapelles de la vallée de Spolète. En 1205, alors qu’il est en prière devant la croix du Christ dans la chapelle de San Damiano, il entend une voix qui l’enjoint de « réparer son Église en ruine », un ordre qu’il prend au pied de la lettre, décidant de vendre un cheval et des tissus appartenant à son père pour financer les réparations de la chapelle.
Excédé par la prodigalité de son fils, son père l’assigne en justice pour le déshériter. Pour échapper à la justice laïque, il se réclame d’un statut de pénitent. Convoqué par l’évêque d’Assise au printemps 1206 pour une audition en place publique, François remet à son père l’argent et les vêtements qui lui restent et, se retrouvant nu, s’exprime ainsi devant tous : « Jusqu’ici je t’ai appelé père sur la terre ; désormais je peux dire : Notre Père qui êtes aux cieux, puisque c’est à Lui que j’ai confié mon trésor et donné ma foi ». À ces mots, l’évêque l’enveloppe de sa cape pour signifier que l’Église le prend désormais sous sa protection.
Il fait vœu de pauvreté et comprend le sens réel de sa vocation en 1208, pendant la lecture de l’Évangile, à la Portioncule : il se fera prédicateur et missionnaire pour reconstruire « l’Église en ruine ». Il se retire dans une pauvreté absolue, change son habit d’ermite pour une simple tunique, et sa ceinture en cuir par une corde. Rejoint d’abord par Bernard de Quintavalle et Pierre de Catane, il se retrouve vite à la tête d’une petite communauté et finit par fonder l’ordre des « Frères Mineurs » (ou Franciscains) par référence aux « plus petits d’entre nous » dont parle l’Évangile, tout en n’étant pas lui-même prêtre, chose rarissime dans l’Église.
Un pionnier du dialogue entre les religions
En 1210, Innocent III, qui l’a vu en rêve soutenir la basilique Saint-Jean de Latran, valide la première règle rédigée par François. En 1212, il accueille Claire Offreducio, future sainte Claire, et fonde avec elle l’Ordre des Pauvres Dames, appelées plus tard « sœurs Clarisses ». À partir de 1217, l’ordre franciscain commence à s’étendre hors d’Italie et comptera environ 5 000 frères à sa mort.
En 1219, François se rend en Terre Sainte et rencontre le sultan Melik Al-Kamel qu’il tente de convertir, en vain, tout en gagnant son estime. C’est ce qui vaut à Assise d’accueillir depuis 1986 les rencontres de prière et de dialogue interreligieux voulues par Jean-Paul II.
En 1222, il fonde à Bologne le Tiers-Ordre franciscain, réservé aux laïcs, dont les personnes mariées, qui s’appelle aujourd’hui l’Ordre Franciscain Séculier. François se retire peu à peu du monde et vit de plus en plus en ermite. En septembre 1224, alors qu’il jeûne et prie au mont de la Verne, apparaissent sur ses pieds, ses mains et son flanc les stigmates de la crucifixion du Christ, premier cas de stigmatisation de l’Histoire, lui permettant de vivre pleinement selon Jésus Christ (sequela Christi). Il y écrit son Cantique de frère soleil (ou des Créatures), premier et superbe texte en italien moderne, qui célèbre Dieu en sa création. Il meurt le 3 octobre 1226 dans l’église de la Portioncule et Grégoire IX le canonise très vite en 1228.
Après les deux biographies de Thomas de Celano, dont une version inédite a été retrouvée en France en 2014, sa vie a fait l’objet au siècle suivant d’un recueil populaire d’anecdotes et de miracles : les Fioretti, qui rapportent sa célèbre prédication aux oiseaux et la conversion du loup de Gubbio. Et enfin, pour se convaincre de son actualité, on peut lire la très belle catéchèse de Benoît XVI du 27 janvier 2010, nous enjoignant à cultiver à son exemple « la pauvreté intérieure afin de croître dans la confiance de Dieu ». n