Benoît XVI et le Concile
Le 11 octobre 1962, il y a 45 ans, s’ouvrait le concile vatican II. De l’aggiornamento, “la mise à jour”, proposée par Jean XXIII et Paul VI, à la purification de la raison et de la foi à laquelle nous invite Benoît XVI, la même « conversion du regard », nous est demandé selon le mot de Jean-Paul II.
Benoît XVI est le dernier pape du Concile, du moins le dernier à avoir participé – comme expert de la tendance réformiste – aux travaux du Concile Vatican II.
Pie XII, qui en est l’auteur le plus cité, en avait eu l’intuition et, à sa manière, l’avait préparé.
Jean XXIII, considéré comme un pape de transition, au moment de son élection, l’a ouvert au sens matériel comme au sens figuré.
Paul VI, élu le 21 juin 1963, en fixe les grandes orientations dans sa première encyclique Ecclesiam suam, datée du 6 août 1964, fête de la Transfiguration. De Paul VI, Benoît XVI dit qu’il porta le Concile « d’une main experte, délicate et ferme », douloureuse aussi : « Il ne s’est pas laissé conditionner par les incompréhensions et les critiques, même s’il dut en supporter la souffrance et les attaques parfois violentes, mais il resta en toute circonstance un timonier ferme et prudent de la barque de Pierre. » Les interventions multiples de Paul VI dans les années 70 et les grands synodes de la fin de son ponti-
ficat portent la trace de cette crise dont le Concile Vatican II n’est pas la cause mais dont il a servi de révélateur.
Jean-Paul Ier par sa brève apparition et son offrande rendit possible l’élection de Jean-Paul II.
Celui-ci a changé la donne. D’une Eglise rongée par le doute – du moins en Occident – il a fait une Eglise qui n’a plus peur du monde, de sa jeunesse, comme de son passé ; une Eglise à nouveau prête à transgresser les prêts-à-porter intellectuels des grandes idéologies.
Puis vient Benoît XVI. Pape redouté ou inattendu, tenus par les uns pour conservateur et pour progressiste par les autres. Mais ce sont autant d’images fausses : Benoît XVI est d’abord un pape du Concile. Il l’est en raison de son histoire personnelle, de la communion mystérieuse de l’Eglise, mais aussi selon une continuité pastorale profonde avec ses prédécesseurs immédiats. Son insistance pour inviter l’Eglise et les chrétiens à une « purification de la foi et de la raison » prend tout son sens si on l’entend dans cette continuité.
Aggiornamento est en effet l’un des mots les plus employés pour qualifier le Concile. Il est formé du mot giorno, qui signifie “jour”, et a été largement employé par Paul VI pour signifier la « mise à jour de l’Eglise », dans le sens d’un ressourcement spirituel et d’une purification salutaire. Il n’existe pas
de sainteté sans cette « mise à jour », sans cette « purification du regard », comme le rappelait aussi Jean-Paul II dans sa lettre apostolique Novo Millenio Inuente du 6 janvier 2001.
Cette purification qui est celle du Concile, de Paul VI et de Jean-Paul II, est aussi l’axe majeur du pontificat de Benoît XVI.
Elle n’est une entreprise ni facile, ni agréable car elle nécessite d’accepter d’être dérangés de nos habitudes, du “ronron” de nos idées toutes faites, du formalisme de notre foi, des préjugés de notre raison, de la peur de l’opinion des autres.
La lucidité sur nous-mêmes et sur les vrais motifs de nos choix n’est jamais évidente. Oser se regarder en face dans la transparence du regard que Dieu porte sur nous demande une grande humilité et beaucoup de force ou de ferveur surnaturelle. Ce qui est vrai de chacun, l’est aussi de l’Eglise prise dans sa globalité. Le prologue de l’évangile de saint Jean nous le révèle : les ténèbres ne reçoivent pas la lumière. En revanche, elle luit dans les ténèbres de tous ceux qui acceptent que leurs ténèbres intérieures soient détruites par son surgissement.
Le témoignage de cette mort à soi-même, à ses plans, à sa propre science, en vue de la Résurrection a été donné par chacun des papes du Concile : Pie XII ne voulait être que curé. Il a été pape et odieusement calomnié ! Selon les témoins de ses derniers jours, le bienheureux Jean XXIII a vécu une agonie terriblement douloureuse. Paul VI, après la publication d’Humanae vitae a été l’objet de toutes les critiques et de campagne d’opinions très agressives. Jean-Paul II a été victime d’un attentat et la fin de sa vie a été un long calvaire. Benoît XVI, à son tour, comme ses prédécesseurs, n’est pas ménagé.
Comme chacun d’eux et à leur suite, le Concile nous invite à être des prophètes pour notre temps. Benoît XVI, comme chacun des papes du Concile, nous montre le chemin. Mais il n’est pas dit que le chemin des prophètes est facile !
Une Eglise en chemin
L’Eglise est, aussi bien avant qu’après le Concile, la même Eglise une, sainte, catholique et apostolique, en chemin à travers les temps ; elle poursuit “son pèlerinage à travers les persécutions du monde et les consolations de Dieu”, annonçant la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’Il vienne (cf. Lumen gentium, n. 8). Ceux qui espéraient qu’à travers ce “oui” fondamental à l’époque moderne, toutes les tensions se seraient relâchées et que “l’ouverture au monde” ainsi réalisée aurait tout transformé en une pure harmonie, avaient sous-estimé les tensions intérieures et les contradictions de l’époque moderne elle-même ; ils avaient sous-estimé la dangereuse fragilité de la nature humaine (…)
Discours du pape Benoît XVI à la curie romaine, le jeundi 22 décembre 2005