L'Enseignement Catholique
Depuis la loi Debré du 31 décembre 1959, revue et corrigée à plusieurs reprises jusqu’aux accords Cloupet-Lang, l’école catholique est coincée entre deux logiques : celle qui la contraint à être associée au service public et celle qui lui confère une mission d’Eglise. Une situation qu’elle vit, somme toute, plutôt bien, si l’on en juge par le succès croissant qu’elle rencontre auprès d’un public très large et pas forcément “catho”.
Avec 2 millions d’élèves scolarisés dans 6 000 écoles, 17 000 collèges, 15 000 lycées, ayant chacun leur histoire particulière, la situation n’est évidement pas en noir et blanc. Si l’éducation nationale est, en France, un mammouth, l’enseignement catholique serait plutôt une vaste flotte avec ses petits bateaux et ses gros paquebots.
Ses rapports avec l’Etat, parfois conflictuels, jamais faciles, sont aujourd’hui normaux. La difficulté à laquelle est confrontée l’école catholique pour remplir sa mission ne vient plus, principalement, de sa participation à l’école de la République. Elle tient plutôt à la société dans laquelle elle se trouve immergée.
Ouvert à tous
Etre “ouvert à tous” dans une société largement sécularisée expose fortement les établissements à l’esprit du monde. Or celui-ci n’est pas particulièrement tourné vers les valeurs évangéliques ! Il faut donc composer, non avec l’Etat laïc, mais avec le monde tel qu’il est. Quand, dans un établissement de plusieurs milliers d’élèves, une poignée d’entre eux sont de familles pratiquantes et quand la quasi totalité des enseignants, sans parler des cadres administratifs, ne se rendent que rarement ou pas du tout à la messe dominicale, on peut se demander ce qu’est la réalité chrétienne de la communauté éducative. Les statuts de l’Enseignement Catholique sont clairs : il s’agit d’une « communauté chrétienne ayant pour base un projet éducatif enraciné dans le Christ et son Evangile ». Le risque n’en demeure pas moins que certains établissements ne pro-
posent sous le nom de catholique qu’un humanisme décoloré.
Comment faire de l’école un lieu d’évangélisation dans le respect de la démarche de chaque élève ? La question demeure posée. Comme il ne s’agit pas de faire une école des “catholiques pour les catholiques”, la solution jusqu’ici proposée est une sorte de “troisième voie” entre une école “humaniste” et une école “confessionnelle”, dont le contenu reste finalement à définir par chaque école dans son projet d’établissement, comme le rappelait, à Nantes, le 2 Mai dernier, Eric Raffin, Président sortant de l’Union Nationale des Parents d’Elèves de l’Enseignement Catholique (UNAPEL).
Présence d’Eglise
100 ans après le vote de la loi de 1905, le Pape Jean-Paul II soulignait, dans sa lettre aux évêques de France la « présence de l’Eglise » dans le « domaine éducatif ». Un domaine où « il importe d’ouvrir les jeunes à la dimension morale et spirituelle de leur vie, pour leur permettre de développer leur personnalité intégrale ». Car, ajoutait-il, « l’éducation ne peut se limiter à une formation scientifique et technique, mais elle doit prendre en compte tout l’être du jeune ».
Les évêques de France qui exercent la tutelle de l’enseignement catholique diocésain – une partie des écoles catholiques sont sous la tutelle de congrégations religieuses –, mais qui n’assurent pas la direction effective de l’enseignement catholique, ont maintes fois planché sur le sujet. Un groupe de travail a été mis en place lors de la dernière assemblée de la conférence épiscopale à Lourdes, sous la responsabilité de Mgr Eric Aumônier, évêque de Versailles. « Soutenir et orienter la mission de l’enseignement catholique dans l’Eglise et dans la société fait partie de notre responsabilité de pasteurs », rappelait Mgr Ricard à la clôture de l’assemblée. « Ouvert à tous, respectueux de la conscience de chacun, l’enseignement catholique ne doit pas perdre son âme. Il doit faire entendre aussi sa différence – ce qu’on appelle le “caractère propre” –, à savoir un projet éducatif inspiré de l’Evangile et une proposition explicite de la foi chrétienne », ajoutait le président de la Conférence épiscopale. Avec un objectif affiché : « Ce travail sur l’enseignement catholique en France nous permettra de réaffirmer, et même de préciser, sa mission spécifique. »
Responsabilité d'adultes
« A Créteil ou à Bordeaux, à Marseille ou à Nantes, en Vendée ou dans le Nord, nous sommes comptables envers les générations qui nous suivent de l’avenir que nous leur préparons ; nous n’avons pas le droit de les laisser chercher seules, sans références, sans exemples, le sens qu’elles peuvent lui donner. Notre responsabilité d’adultes est d’affirmer, de proposer, d’entraîner à notre suite tous ceux que nous pouvons rejoindre, en n’oubliant jamais qu’il existe mille et une manières de le faire, parce que la diversité est l’une des richesses de l’humanité. »
Eric Raffin, président sortant de l’UNAPEL, Nantes, 2 mai 2006.