Benoît XVI : un an
Lorsqu’il apparaît pour la première fois à la loggia de Saint-Pierre, le nouveau Pape a mauvaise presse. Si l’on veut plaire aux médias il est plus facile d’arriver de Cracovie, avec un physique d’athlète, que de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, avec une réputation de grand intellectuel bavarois. Pourtant le jour où, sous l’œil des caméras du monde, il revêt la soutane blanche des pontifes, le cardinal Ratzinger séduit.
Les JMJ, en août, sont sa première grande sortie. Le voyage à Cologne est un succès. Les jeunes sont au rendez-vous et adoubent ce Pape discret qui s’agenouille devant eux face au Saint-Sacrement.
Amical et direct
Au synode sur l’Eucharistie qui a lieu à l’automne, Benoît XVI donne le ton en intervenant de manière libre et spontanée. En bon universitaire, il ne craint pas le débat. En Pasteur, il sait être à la fois amical et direct dans son propos.
Le chemin Néocathécuménal ou la communauté Saint-Jean, auxquels il adresse à la fois encouragements et mises en garde, en savent quelque chose. Le style du pontificat est donné, Benoît XVI enseigne et gouverne, avec tendresse et fermeté.
Collégialité et reforme
Apôtre de la collégialité (« Je compte sur vous », « Vous êtes le Sénat du Pape », dit-il aux cardinaux), il plaide aussi pour une “administration” romaine plus souple. En joignant – temporairement du moins – le Conseil pour le dialogue inter-religieux à celui de la culture et celui pour les migrants à Justice et Paix, il semble amorcer une réforme de la curie. D’autres Conseils mis en place dans la foulée de Vatican II risquent de disparaître. Les laïcs, la famille et la pastorale de la santé pourraient être réunifiés.
De même, les communications sociales, la Salle de presse, radio Vatican, la télévision vaticane et l’Osservatore Romano seraient réorganisés sous une tutelle commune. Si cela se confirme, il ne s’agit pas seulement d’un “redimensionnement” de l’appareil mais bien d’une restructuration.
Dialogue interculturel et œcuménisme
Cette première réforme donne aussi des indications sur les orientations du pontificat. Benoît XVI n’est pas moins soucieux du dialogue avec l’Islam que son prédécesseur. Il vient de le montrer en assurant l’avenir financier de l’institut pontifical pour les études de l’islam. En revanche, pour lui ce dialogue relève du champ culturel et non plus strictement du domaine de la foi comme avec le judaïsme ou les autres religions chrétiennes. Une nuance qui n’est pas sans importance.
Un souci manifeste des relations avec l’Eglise orthodoxe l’anime. Après la visite du cardinal Etchegaray à Moscou pour l’anniversaire du patriarche Alexis II et un échange de message très positif, le dialogue interrompu depuis 6 ans va reprendre. Le renoncement de Benoît XVI au titre de Patriarche d’Occident n’est pas forcément sans lien avec cette préoccupation.
Sur l’Europe, il enfonce le clou planté par son prédécesseur. Pour lui, les difficultés du modèle social européen ne peuvent se résoudre qu’en puisant « avec une fidélité créatrice, dans l’héritage chrétien qui a tant contribué à façonner l’identité de ce continent ». Il est clair que pour Benoît XVI qui a vécu l’horreur du nazisme, « seul le respect de la tradition religieuse de l’Europe permettra d’assurer sur le continent l’avenir de la démocratie. » Une préoccupation qui explique pourquoi le Pape est opposé à l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne.
L’amour pour guide
De cette première année, il faut aussi retenir sa première encyclique. Longuement attendue, elle éclaire la suite. Le titre d’une encyclique programmatique n’est jamais neutre. Paul VI avait intitulé la sienne Ecclesiam suam. Celle de Jean-Paul II a pour titre Redemptor hominis. Benoît XVI commence la sienne par ces mots tirés de saint Jean : Deus Caritas est.
Le pontificat de Paul VI a été celui du Concile. Celui de Jean-Paul II, résolument christocentrique fut celui de sa mise en œuvre et de la fin de l’après-guerre. Benoît XVI pourrait bien être le pape du dépassement des problématiques issues du Concile.
« Je ne suis pas seul »
« Et maintenant, en ce moment, moi-même, fragile serviteur de Dieu, je dois assumer cette charge inouïe, qui dépasse réellement toute capacité humaine. Comment puis-je faire cela ? Comment serai-je en mesure de le faire ? Vous tous, chers amis, vous venez d’invoquer la troupe innombrable des saints, représentés par certains des grands noms de l’histoire de Dieu avec les hommes. De cette manière, se ravive aussi en moi cette conscience : je ne suis pas seul.
Je ne dois pas porter seul ce que, en réalité, je ne pourrais jamais porter seul. La troupe des saints de Dieu me protège, me soutient et me porte. Et votre prière, chers amis, votre indulgence, votre amour, votre foi et votre espérance m’accompagnent. »
Homélie de Benoît XVI lors de la Messe inaugurale du pontificat, le 24 avril 2005