Les malades en France
Avec un des meilleurs systèmes de couverture sociale au monde, la France est un des pays où l'on se soigne au mieux, quels que soient ses revenus. Même si cela ne va pas toujours sans grincements ni remises en cause.
Globalement, les Français sont satisfaits de leur santé. Selon une enquête IPSOS-Top Santé publiée début 1999, 76% d’entre eux se déclarent en bonne santé, 46% se sentant stressés et irritables et 22% ayant des problèmes de sommeil. Ceci explique cela : avec 74,5 pour les hommes et 82 ans pour les femmes, notre espérance de vie est une des meilleures au monde. En un siècle, nous avons gagné 30 ans d'espérance de vie. Actuellement, nous gagnons un trimestre par an : du jamais vu!
Une vie plus longue, en meilleure santé Ce mieux-être est surtout sensible chez les personnes plus âgées. Selon une enquête effectuée début 1998 par le CREDOC (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie), auprès des seniors (à partir de 50 ans), ceux-ci se portent mieux aujourd'hui qu'il y a vingt ans. En effet, le pourcentage de personnes âgées de 60 à 70 ans affectées par un handicap, une infirmité ou une maladie chronique est passé de 51% en 1979 à 39% en 1998.
L'évolution des jugements portés par chacun sur son propre état de santé est encore plus significative. En effet, chez les 50-60 ans, les personnes insatisfaites sont passées en vingt ans de 21% à 16%, chez les 60-70 ans, de 24% à 11%, enfin chez les plus de 70 ans, de 22 à 15%. Autrement dit, malgré l'existence de maladies ou de handicaps déclarés plus nombreux quand l'âge augmente, ce qui est normal, on est maintenant quasiment autant satisfait de son état physique à 60 ans qu'à 40 ans, il y a deux décennies. Les changements intervenus depuis ont plus touché les 60-69 ans que les plus de 70 ans. La vieillesse semble en quelque sorte s'être déplacée. Ce mouvement est appelé à se poursuivre.
Cette évolution traduit mieux que par de grands discours les progrès de la médecine et de l'hygiène de vie en général. En revanche, les problèmes de dépendance et d'isolement liés au grand âge ont peu évolué.
Maîtriser nos dépenses de santé? Pour en arriver là, les Français dépensent chaque année davantage pour leur santé. Au point que depuis quelques années, les gouvernements successifs tentent de maîtriser ces dépenses par des mesures toujours nouvelles. Mais est-il réaliste de lutter contre cette tendance, somme toute naturelle, à vouloir augmenter son niveau de santé et de bien-être ? Tout le monde n'est pas d'accord là-dessus. En attendant, les mesures tombent régulièrement. Parmi elles, le déremboursement de certains médicaments, destiné en premier lieu à réduire le fameux trou de la Sécurité sociale qui a été résorbé pour la première fois en 1999, mais qui peut redevenir béant dans les mois qui viennent !
D'autre part, trois autres mesures, moins connues du public et contraignantes pour les médecins, font partie du plan de maîtrise des dépenses de santé.
Le traitement adéquat Il existe désormais pour un certain nombre de maladies des références médicales opposables (RMO). Il s'agit de recommandations élaborées par des médecins experts au sujet, par exemple, du diabète ou de la prescription d'antibiotiques puissants. Autrement dit, le médecin qui soigne un diabétique doit se conformer à une pratique établie par un comité d'experts qui indique quel type de médicament prescrire, quels examens complémentaires prévoir dans telle ou telle circonstance. Cette sorte de marche à suivre, obligatoire pour certaines affections, aucun médecin ne peut s'y soustraire. Destinée à soigner au meilleur coût sans mettre en péril la qualité des soins, elle est conçue pour empêcher les abus de prescriptions de médicaments ou d'examens complémentaires.
Ainsi, par exemple, si pour une maladie où l'examen n'est pas prévu, vous faites pression sur votre médecin pour obtenir qu'il vous prescrive quand même un scanner, celui-ci peut se voir sanctionné par sa Caisse d'assurance-maladie. N'insistez donc pas auprès de lui pour obtenir des examens complémentaires coûteux et inutiles. Cela ne vous apporterait rien de plus, et risquerait de mettre votre médecin dans une mauvaise position vis-à-vis de la Sécurité sociale.
Le bon médicament Chaque médecin a, en outre, une autre obligation : prescrire le médicament prévu précisément pour soigner tel type de maladie, et non pas une autre.
Lorsque, par exemple, un nouveau médicament est mis en vente, il fait l'objet d'une procédure officielle appelée autorisation de mise sur le marché (AMM). Ce certificat de viabilité du médicament est assorti des indications pour lesquelles celui-ci a été conçu : s'il s'agit d'un médicament destiné à traiter les rhumatismes, il sera suivi d'un certain nombre de mentions détaillant les divers rhumatismes qu'il est susceptible de soulager. Désormais, pour que vous soyez remboursé de ce médicament, le médecin devra vous prescrire le médicament correspondant précisément aux rhumatismes dont vous souffrez. Si tel n'est pas le cas, le même médecin peut choisir de faire un essai avec un autre médicament, mais devra préciser sur l'ordonnance non remboursable. S'il ne le fait pas, le médecin-conseil de la Caisse d'assurance-maladie peut décider de refuser le remboursement de ce médicament.
Les génériques Enfin, la troisième obligation contraint le médecin à prescrire, dans la mesure du possible, le médicament le moins cher existant sur le marché. Autrement dit, s'il existe un médicament générique à la place de votre traitement antiarythmique ou antihypertenseur habituel, il devra vous le prescrire.
Mais qu’appelle-t-on un médicament générique ? C'est un produit dont le brevet est tombé dans le domaine public. Quand un laboratoire met au point un médicament, il dépose un brevet qu'il exploite en exclusivité durant quinze ans. Ensuite, ce brevet tombe dans le domaine public, autrement dit, tout laboratoire peut en copier la formule et le vendre à son tour ; mais ces copies doivent avoir la même composition, le même dosage et la même forme pharmaceutique (comprimés, etc.) que les médicaments d'origine.
Ils sont aussi efficaces et aussi sûrs, mais leur prix est en moyenne 30% inférieur aux produits d'origine, car les laboratoires qui les ont repris n'ont subi aucun frais de recherche et de production pour ces médicaments.
Ces mesures contraignantes pour les médecins offrent d’ailleurs de bonnes garanties de traitement pour les malades. Car il n'est pas toujours nécessaire de dépenser beaucoup d'argent pour bien se soigner.
Devoirs des médecins et droits des malades Depuis plusieurs décennies, des changements quantitatifs et qualitatifs ont bouleversé le monde de la santé : les médicaments sont devenus plus puissants et mieux ciblés, permettant des traitements plus efficaces et plus courts. En même temps, la technologie médicale a permis un développement important des examens complémentaires, (tels que échographie, scanner, IRM, etc.) et ces examens ont permis, à leur tour, d'éviter certaines interventions chirurgicales lourdes ou, du moins, de rendre certaines opérations moins invasives. En effet, grâce à la microchirurgie, il est devenu possible d'opérer en ouvrant au minimum, par quelques incisions de plusieurs millimètres, et en faisant passer dans cette ouverture des instruments chirurgicaux miniaturisés.
Parallèlement à ces changements technologiques, les relations entre les médecins et leurs malades se sont également modifiées. Mais, cette fois, pas toujours comme ces derniers l'auraient souhaité. En effet, avec l'apparition de cette médecine technologique, certains pensent que les médecins se sont déshumanisés. En fait, s'appuyant sur des techniques médicales plus fiables, le médecin ressent moins le besoin de pallier son incertitude face à la maladie (elle existe encore car on ne sait pas tout...) par des paroles rassurantes pour le malade. Aujourd'hui, il n'est plus celui qui décide pour le malade, mais celui qui propose un traitement en toute connaissance de cause, en expliquant au patient ce qu'il peut en attendre et lui laissant la responsabilité de choix parfois dramatiques.
Jadis, le médecin, face aux souffrances du patient, à sa détresse morale et à son ignorance médicale, avait l'obligation à la fois professionnelle et morale de se substituer à lui en vue de son bien. Lors d'une maladie grave, par exemple, il n'informait pas directement le patient d'un pronostic fatal ou des effets secondaires graves d'un traitement pour ne pas l'angoisser ou le décourager. L'évolution de la médecine, une plus grande diffusion des connaissances médicales auprès du grand public, la contestation du pouvoir médical par des consommateurs de santé ont amené le législateur à modifier les obligations du médecin vis-à-vis de ses malades.
Un dialogue médecin-malades plus riche Les médecins sont donc désormais obligés d'informer les malades sur leur maladie et leur traitement de la façon la plus complète possible, même si ces informations sont porteuses d'angoisse. Ils sont même tenus juridiquement de fournir la preuve qu'ils ont informé les patients de tous les risques d'un examen, d'un traitement ou d'une information chirurgicale. Ainsi le dialogue médecin-malade est-il désormais plus riche, car il met face à face deux individus responsables dont l'un propose un traitement, en éclairant toutes ses conséquences, et l'autre, le malade, devenu autonome vis-à-vis du médecin, est le véritable décideur du traitement.
Il reste que cette évolution favorable au malade porte en elle-même une dérive possible : une nouvelle exigence des malades vis-à-vis des médecins leur réclamant une obligation de résultats. Autrement dit, la science médicale ayant évolué, certains malades risquent aujourd'hui d'exiger de leur médecin une guérison ou au moins une amélioration. Or, quelles que soient les avancées des connaissances médicales, il reste de nombreux domaines où la science est encore balbutiante, le médecin impuissant et le malade jaloux de sa liberté. En proposant de bonne foi le meilleur traitement possible à un malade, dans l'état actuel des connaissances, aucun médecin ne peut être tenu de guérir à tout prix. Ce que résume bien cette formule juridique : le médecin est tenu à une obligation de moyens (il fait ce qu'il peut pour donner le meilleur traitement), mais pas à une obligation de résultat (il ne peut pas être tenu pour responsable si le malade ne guérit pas !)
La charte du patient hospitalisé Depuis mai 1995, il existe, en France, une charte du patient hospitalisé. Elle a fait peu de bruit en son temps, elle est pourtant une bonne illustration de l'évolution des rapports entre médecins et malades. Cette charte est annexée à un livret d'accueil obligatoirement remis à tout patient hospitalisé. Elle rappelle le principe de l'accès aux soins pour tous ; et l’obligation, pour l’hôpital, de soigner toute personne sous peine d'être sanctionné pénalement. Dix points résument ces droits et ces obligations.
1. Le service public hospitalier est accessible à tous et en particulier aux personnes les plus démunies. Il est adapté aux personnes handicapées.
2. Les établissements de santé garantissent la qualité des traitements, des soins et de l'accueil. Ils sont attentifs au soulagement de la douleur.
3. L’information donnée au patient doit être accessible et loyale. Le patient participe aux choix thérapeutiques qui le concernent.
4. Un acte médical ne peut être pratiqué qu'avec le consentement libre et éclairé du patient.
5. Un consentement spécifique est prévu, notamment pour les patients participant à une recherche biomédicale, pour le don et l'utilisation des éléments et produits du corps humain et pour les actes de dépistage.
6. Le patient hospitalisé peut, à tout moment, quitter l'établissement sauf exceptions prévues par la loi, après avoir été informé des risques éventuels qu'il encourt.
7. La personne hospitalisée est traitée avec égards. Ses croyances sont respectées. Son intimité doit être préservée ainsi que sa tranquillité.
8. Le respect de la vie privée est garanti à tout patient hospitalisé ainsi que la confidentialité des informations personnelles, médicales et sociales qui le concernent.
9. Le patient a accès aux informations contenues dans son dossier, notamment d'ordre médical, par l'intermédiaire d'un praticien qu'il choisit librement.
10. Le patient hospitalisé exprime des observations sur les soins et l'accueil et dispose du droit de demander réparation des préjudices qu'il estimerait avoir subis.