Soins palliatifs : la paix du corps et de l'âme

01 Janvier 1900 | par

Par intervalles, mais avec insistance, se pose, aux infirmiers et aux médecins, le problème des malades atteints d’affections graves ou en fin de vie. Les soins palliatifs ont pour objectif de soulager ces souffrances dans toutes leurs composantes, physique, mais aussi psychologique, morale et spirituelle. Expériences d’une Association ; témoignage d’un hôpital.

De tout temps, on a soulagé la douleur physique : l'opium et ses dérivés sont utilisés depuis des millénaires, la morphine est employée depuis 1859, soit quarante ans avant l'aspirine, aujourd'hui centenaire. De même, on a toujours veillé à accompagner les malades jusqu'aux confins de la vie. Mais ces deux volets : traitement et accompagnement, ont habituellement été séparés. Depuis les années soixante, un mouvement est né qui tente de prendre en charge globalement les malades pour leur plus grand confort, physiologique, moral et spirituel.

Une conception récente En effet, la conception actuelle des soins palliatifs défendue par certaines associations comme « l'ASP Fondatrice », comprend toujours deux volets : le traitement médicamenteux et le soutien moral et psychologique du malade.
Il ne faut pas confondre traitement palliatif et traitement curatif. Par exemple, le traitement curatif d'un cancéreux comprend de la radiothérapie, de la chimiothérapie ou de la chirurgie, ou bien encore une combinaison de deux techniques médicales : chirurgie et radiothérapie. Le traitement palliatif, lui, est conçu pour atténuer les effets du traitement curatif (nausées, vomissements, etc.), ou pour soulager les effets secondaires d'une maladie : il s'agit le plus souvent de douleurs, mais cela peut être également un essoufflement, des troubles digestifs, une angoisse, une insomnie, etc. Sans soigner directement la maladie, le traitement palliatif aide le malade à vivre plus confortablement et à supporter des traitements curatifs lourds, comme ceux du cancer ou du Sida. Ensuite, selon l'évolution de la maladie, le curatif ou le palliatif prendra le pas sur l'autre traitement. Par exemple, en cas d'aggravation, à un certain stade de la maladie, le traitement curatif ne pourra plus apporter d'amélioration. Il sera dès lors remplacé par un traitement palliatif qui soulagera en priorité les douleurs.

Une priorité : soulager la douleur... Normalement, un traitement palliatif doit être donné en même temps que le traitement curatif de la maladie. En effet, il paraît évident de soulager les douleurs d'un cancéreux par des médicaments antidouleurs qu'il recevra en même temps que son traitement anticancéreux. Mais il n'en a pas toujours été ainsi et, aujourd'hui encore, bien que les traitements antidouleurs soient recommandés par les plus hautes instances médicales, ils ne sont pas toujours prescrits comme ils le devraient. Pourquoi ? Plusieurs raisons peuvent expliquer ce retard pris en France par rapport aux pays anglo-saxons où la douleur est mieux prise en compte.
Tout d'abord, la notion de douleur rédemptrice, souvent mal interprétée (voir, à ce propos, l’interview de Marie-Sylvie Richard), a joué un rôle négatif à cet égard dans notre pays latin, pendant de nombreuses décennies. Ensuite, avec l'arrivée des antibiotiques au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les médecins se sont focalisés sur la guérison souvent spectaculaire de maladies jusque-là mortelles (tuberculose, méningite, etc.), oubliant que la douleur continuait à frapper de nombreux malades. Il est, hélas, plus gratifiant et plus médiatique... pour certains médecins, de vaincre une maladie réputée mortelle que de soulager de vieilles douleurs...

La mauvaise réputation de la morphine... Enfin, pour certains maux très violents et handicapants, les antidouleurs classiques (aspirine, paracétamol, etc.) ne sont pas toujours efficaces. Il faut parfois recourir à la morphine. Or, pendant longtemps, un véritable tabou a régné sur ce médicament qu'on a assimilé à la drogue. A tort. Les dérivés morphiniques ne sont pas dangereux quand ils sont prescrits de façon appropriée. D'ailleurs, ils sont recommandés par l'Organisation mondiale de la Santé et font partie de l'arsenal thérapeutique courant des hôpitaux où leur usage est bien codifié. En quelques années, les mœurs médicales ont évolué en France : il y a encore une dizaine d'années, la France était au 39e rang des pays utilisateurs de produits morphiniques. Nous sommes remontés aujourd'hui au 8e rang. Cela dit, çà et là, certains médecins sont encore réticents à leur usage systématique. Les idées reçues ont la vie dure...

Non à l'euthanasie, oui aux soins palliatifs De récentes affaires d'euthanasie en France, ayant suscité une vive émotion, ont mis en lumière la nécessité de mieux structurer la prise en charge des malades en fin de vie. Pour faire pièce à l'euthanasie, la meilleure solution apparaît évidente : il faut développer les soins palliatifs. C'est bien ce qu'a promis le secrétaire d'Etat à la Santé.
Les premières dispositions doivent intervenir dans le courant de cette année. En attendant, il faut se garder de juger rapidement le comportement de ces soignants, le plus souvent des infirmières, qui ont pratiqué l'euthanasie. Elles se retrouvent souvent isolées dans leur service, face à des malades voulant en finir avec leur souffrance, surtout quand ils se sentent éloignés ou abandonnés de leur famille... et de leur médecin. Ces infirmières pensent agir ainsi par compassion. Seuls des soins palliatifs suffisants existant partout où le besoin s'en fait sentir, tant à l'hôpital qu'au domicile des malades, où travaillent ensemble tous les intervenants dans un cadre interdisciplinaire, peuvent faire disparaître les dérives de l’euthanasie. Les accompagnants bénévoles constituent un apport important dans ce domaine.

Des objectifs à long terme 111 associations déclarent une activité de bénévolat en soins palliatifs aujourd'hui en France. Certaines assurent des visites à l’hôpital et au domicile, témoignant de leur sollicitude et de leur compassion. L’objectif de l'association « ASP Fondatrice », une des associations les plus importantes de soins palliatifs qui regroupe environ 200 bénévoles, est plus spécifique, orientée exclusivement vers les phases critiques que peut connaître le malade.
Les accompagnants bénévoles s'impliquent beaucoup dans leur tache. Ils sont sélectionnés et formés (voir encadré « Comment on devient bénévole.. ») selon des critères rigoureux, intervenant en équipes coordonnées pour entourer les malades, renforcer leurs liens avec leur entourage, soulager leurs proches et les préparer au deuil.
L'objectif final de l' « ASP-Fondatrice » est d'aider à développer des structures adaptées à une meilleure prise en charge du malade et de sa famille, à l'hôpital et au domicile. L'avenir, selon le Dr Jean Kermarec, président de l' « ASP Fondatrice », est « que les services cliniques des hôpitaux s'impliquent également dans les soins palliatifs, devenus soins continus, que ceux-ci deviennent partie prenante de la prise en charge des malades. » Déjà, dans certains services de pneumologie et de cancérologie, un « référent soins palliatifs » est présent. Ce médecin, outre sa spécialité, a acquis une formation supplémentaire dans ce domaine. Une fois la douleur systématiquement prise en compte partout, il restera toujours aux bénévoles à assumer leur part d'humanité.

LES PRÉCURSEURS DES SOINS PALLIATIFS

Des mouvements religieux... L'accompagnement des malades qui consiste à leur apporter un soutien psychologique, moral et spirituel, a toujours existé. Il s'est développé en France, sous l'influence de mouvements caritatifs et religieux, avec l'intervention dans les hôpitaux d'ordres catholiques ou protestants. Parmi les plus connus : les Filles de la Charité, les Camilliens, les Diaconesses. Au siècle dernier, Jeanne Garnier avec de jeunes veuves comme elle, anima le mouvement des Dames du Calvaire et fut à l'origine des Hospices qui recevaient les malades en fin de vie.
Après la Seconde Guerre mondiale, naît un mouvement pour la prise en charge globale des malades qui englobe le traitement médical contre la douleur et l'accompagnement du malade. A partir de 1950, le Dr Cicely Saunders, en Grande-Bretagne, fonde la conception actuelle des soins palliatifs qui se concrétise avec l'ouverture en 1967, à Londres, du Saint Christopher's Hospice. Le mouvement des soins palliatifs est lancé. Ne touchant au départ que le milieu privé, il va se poursuivre au Canada dans le milieu public et universitaire, avec l'ouverture en 1975 à Montréal, de la première unité de soins palliatifs. Le mouvement s'étend ensuite aux Etats-Unis.

... aux associations laïques En France, des associations naissent pour soutenir ce mouvement : l'association JALMALV (Jusqu'à la mort accompagner la vie) est créée à Grenoble en 1983, puis l'ASP (Association pour le développement des soins palliatifs), à Paris en 1985 ; l'association Alliance à Bordeaux, Albatros à Lyon, etc. En 1986, le ministre de la Santé Edmond Hervé charge une commission ministérielle d'étudier le problème des soins palliatifs. Enfin, en 1991, les soins palliatifs sont reconnus de façon officielle par les pouvoirs publics puisque la loi hospitalière du 31 juillet de cette année en fait un droit pour les malades.

 

L’ACCOMPAGNEMENT AUJOURD’HUI EN FRANCE

Il existe actuellement en France :

– 51 unités fixes de soins palliatifs, des services autonomes, avec leur personnel propre, regroupant en permanence, dans certains hôpitaux, une douzaine de lits en moyenne (au total 547). On soigne dans ces unités des personnes atteintes de maladies graves évolutives ou en phase terminale qui sont entièrement prises en charge, tant sur le plan médical que psychologique. Le plus souvent, des locaux sont mis à la disposition des familles ou des proches qui rendent visite à leur malade, avec la possibilité de dormir sur place pour une personne. Ces unités sont loin d'être suffisantes puisqu'une quarantaine de départements sont dépourvus d'unités spécialisées de soins palliatifs. A titre de comparaison, la Grande-Bretagne dispose de 3 250 lits dans 223 unités.

– 55 équipes mobiles de soins palliatifs : ces petites équipes de quatre à cinq personnes (médecin, infirmière, psychologue) parfois à temps partiel, ne disposent que de quelques bureaux dans l'hôpital. Elles interviennent à la demande des services pour une consultation ponctuelle ou une prise en charge totale de soins palliatifs, pour le soutien des familles et aussi des soignants.

– 111 associations déclarent en France une activité de bénévolat en soins palliatifs pour un total de 2 500 bénévoles.

 

Comment on devient bénévole
à l'association « ASP Fondatrice »

N'est pas bénévole qui veut. Un bénévole doit par définition être une personne fiable, tant pour les malades qu'il suit que pour l'équipe dans laquelle il va s'intégrer. Il doit donc correspondre à un certain profil psychologique. A l' « ASP Fondatrice », la sélection des candidats se fait en plusieurs étapes.

– 1ère étape Les candidats reçoivent une lettre-charte qui résume les principes de l'association, lesquels s'opposent notamment à l'euthanasie et à l'acharnement thérapeutique, ainsi qu'un questionnaire où ils expliquent leurs motivations. Puis ils rencontrent une ancienne bénévole de terrain habituée à évaluer ceux qui peuvent s'intégrer dans une équipe.

– 2e étape Une deuxième sélection est effectuée par une psychiatre et un coordinateur central d'équipe. Le recrutement est donc collégial.

– 3e étape Le candidat sélectionné suit une préformation de trois jours, pendant lesquels il rencontre médecins, infirmières, psychologues et bénévoles chevronnés. Il fera ensuite un stage de trois mois au sein d'une équipe constituée. Il sera ainsi formé par compagnonnage et devra participer à un groupe de parole tous les 15 jours. Ce qui leur permet d'évacuer le stress ou le trop-plein d'émotions qu'ils peuvent ressentir, et surtout compléter leur formation.
Au bout de 3 mois, le bénévole devient titulaire et signe un contrat avec l'association.
Chaque titulaire s'engage à donner 4 heures par semaine à son activité. Il est intégré, selon les besoins et ses choix, dans une équipe fixe ou mobile de soins palliatifs, en milieu hospitalier ou à une équipe intervenant à domicile.
Actuellement, 60% des bénévoles de l' « ASP Fondatrice » ont une activité professionnelle, 12% sont des mères de famille, les autres étant des retraités.
Les personnes intéressées par cette forme de bénévolat peuvent s’adresser à l'Association pour le développement des soins palliatifs « ASP Fondatrice » : 44, rue Blanche - 75009 Paris. Tél : 01 45 26 58 58.

Témoignages

«Travaillant à mi-temps, je peux assumer une activité de bénévolat. Il y a longtemps, j'ai perdu ma tante qui a souffert d'un cancer. Cela avait plongé ma famille dans un grand désarroi. J'ai ressenti le besoin d'aider des malades et leurs proches, ce que je n'avais pas pu faire dans ma propre famille car j'étais trop jeune. Je fais partie d'une équipe mobile de soins palliatifs dans un hôpital parisien. Je donne et je reçois beaucoup. Ma plus grande joie est d'avoir réussi à réconcilier, trois semaines avant sa mort, un père avec son fils, fâchés depuis des années.» Cécile, 48 ans.

«Depuis que mon mari est mort et que je suis retraitée, j'ai retrouvé un sens à ma vie au sein d'une grande unité de soins palliatifs. Tant de gens se sentent si désorientés face à la maladie ou à la douleur. De plus, l'hôpital leur fait peur : les médecins n'ont pas toujours le temps ni l'envie de répondre à leurs questions, les infirmières sont débordées. Quant aux personnes âgées, elles sont souvent seules, éloignées de leurs enfants, dépressives. Tous ont besoin d'une présence, d'une écoute attentive, de réconfort. C'est si simple et si facile de donner.» Thérèse, 66 ans.

Updated on 06 Octobre 2016