Le Roi-Soleil et le Petit Pauvre

19 Juin 2015 | par

1715-2015 : on célèbre cette année le tricentenaire de la mort du plus grand des rois de France, Louis XIV. Celui qui s’était choisi le soleil pour emblème n’était pas un adepte de la minorité franciscaine. Pourtant, au cours de son règne, il a croisé à plusieurs reprises les Frères Mineurs et il s’est montré généreux à leur égard.



Fils de tertiaire, époux de tertiaire, descendant de saint Louis, le saint patron du Tiers-Ordre, Louis XIV, le Roi Très-Chrétien, n’est pourtant jamais devenu « fils de saint François ». Même si les historiens ont tendance aujourd’hui à réévaluer la foi chrétienne de celui qui, chaque Jeudi Saint, lavait les pieds d’enfants pauvres, il est certain que le Roi-Soleil n’était pas membre du Tiers-Ordre franciscain. Si la reine a pu signer « sœur Marie-Thérèse » sur le registre des professions des tertiaires du Grand couvent des cordeliers de Paris, Le roi, quant à lui, avait une telle conscience de la grandeur et du caractère unique de sa charge, qu’il aurait été inconcevable qu’il puisse signer « frère Louis ».

Pourtant, à plusieurs reprises au cours de son règne, Louis XIV entre en contact avec des frères mineurs, et, en cette année de tricentenaire de la mort du Roi-Soleil, il importe de mettre en lumière ces éléments de culture franciscaine.

 

La guérison « miraculeuse » de 1658

Âgé de tout juste vingt ans, le jeune roi participe à la campagne des Flandres contre l’Espagne. Au début de l’été 1658, il se trouve atteint d’une très forte scarlatine qui met sa vie en danger : le voici convulsif, délirant, son corps lui échappant. Les médecins qui s’affairent à son chevet se disputent sur le traitement à administrer. On craint le pire et Mazarin ordonne des prières publiques. Dans l’église des capucins du couvent Saint-Honoré, les frères proposent une neuvaine devant la statuette miraculeuse de Notre-Dame de Paix, particulièrement vénérée par les Parisiens. « On commence aussitôt cette neuvaine, écrit le capucin Médard de Compiègne, on expose tous les jours le Saint-Sacrement, on dit la Messe solennelle, on fait la procession, on remet le Saint Sacrement avec d’instantes prières, et c’est le gardien du couvent qui officie chaque jour. La plupart des personnes de qualité y assistent, demandant avec ardeur la santé du Roi. Commencée dans les larmes, la neuvaine est achevée avec réjouissance et remerciements, car c’est chose étrange et bien remarquable, que le roi commença à se bien porter le neuvième jour de juillet qui est le jour de la fête de Notre-Dame de Paix ». Et de fait, contre toute attente, Louis XIV est guéri. Le 15 août, il vient rendre grâces à Notre-Dame-de-Paris, et le lendemain, il fait de même chez les capucins. La reine mère, Anne d’Autriche, passe alors commande à Michel Corneille d’un grand tableau ex-voto, qui sera visible dans la chapelle du couvent jusqu’à la Révolution (il est aujourd’hui exposé au château de Versailles). Quant à la statuette, elle se trouve depuis 1806 dans la chapelle de la congrégation des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie, rue de Picpus.

 

Juste avant le mariage

Après avoir signé la paix avec l’Espagne (traité des Pyrénées), Louis XIV se rend à Saint-Jean-de-Luz pour y épouser l’infante Marie-Thérèse. La veille du mariage (9 juin 1660), les fiancés vont se recueillir au couvent des Récollets de Ciboure. Peut-être, à cette occasion, les frères leur ont-ils raconté l’histoire singulière de cette implantation franciscaine. Petites villes du Pays Basque séparées par l’embouchure d’un fleuve côtier, Saint-Jean-de-Luz et Ciboure ont longtemps été rivales. Au début du XVIIe siècle, les deux communautés villageoises se disputent un îlot, situé au milieu du fleuve. « Les habitants étaient de tout temps jaloux les uns des autres, rapporte une ancienne chronique franciscaine. La plus petite occasion allumait leur haine réciproque ». Pour remédier à ces désordres, un conseiller du Parlement de Bordeaux eut l’idée de faire venir à Saint-Jean-de-Luz six franciscains réformés, des Récollets. Ceux-ci demandèrent à s’installer sur le fameux îlot. « Cet emplacement leur parut commode, reprend la chronique franciscaine, et les habitants de Saint-Jean-de-Luz y plantèrent une croix. Pendant la cérémonie, ceux de Ciboure étaient assemblés dans leur église paroissiale, où l’on faisait les obsèques de l’un de leurs prêtres. Ils trouvèrent mauvais qu’on eut planté la croix sans leur participation. Ils vinrent en foule et l’arrachèrent en grand tumulte, prétendant avoir des droits sur l’île aussi bien que ceux de Saint-Jean-de-Luz ». L’affaire était mal engagée ! Heureusement, et cette fois-ci d’un consentement unanime, la croix fut plantée pour la seconde fois (1611). « On bâtit ensuite l’église, reprend la chronique, qui fut dédiée à Notre-Dame de la Paix, en mémoire du motif qui avait occasionné cet établissement. Le succès répondit à l’espérance que l’on avait conçue : les deux bourgs ont toujours conservé la paix, et les Récollets y ont toujours conservé l’affection des habitants ».

Fermé à la Révolution, le couvent est resté presque intact. L’église mesure près de 40 m de long. Elle a fière allure ! Le retable du maître-autel, avec la statue de Notre-Dame de la Paix, ainsi que le tabernacle orné de saints franciscains ont repris du service dans l’église paroissiale Saint-Vincent de Ciboure. Le cloître, seule partie des bâtiments aujourd’hui accessible, comporte en son centre un puits offert par le cardinal de Mazarin, à l’occasion du mariage de Marie-Thérèse et de Louis XIV.

 

Versailles et son couvent franciscain

Sous Louis XIV apparaissent les premiers aumôniers militaires, lesquels sont puisés dans le vivier des Récollets. Pour manifester sa reconnaissance aux frères, et pour les avoir plus sûrement sous la main, le roi décide de leur faire bâtir un couvent à Versailles. Le 10 mars 1684, il pose lui-même la première pierre de cet établissement qu’il finance entièrement et dont il a choisi l’architecte, Jules Hardouin-Mansart. Moins d’un an plus tard, on célèbre déjà la messe dans ce couvent dédié à saint Louis. Si l’église a disparu, les bâtiments conventuels subsistent et abritent aujourd’hui la Direction centrale du Génie militaire.

Sans être adepte de l’esprit franciscain, Louis XIV, à bien d’autres occasions, a su faire preuve de sollicitude à l’égard des fils de saint François. Ainsi, il a soutenu les frères de la Custodie de Terre Sainte et leur a fait parvenir de superbes présents. Par ailleurs, au début du XVIIIe siècle, il a fait don de 5 000 livres pour restaurer le maître-autel de l’église des cordeliers à Paris. De quoi réjouir son aïeul, saint Louis ! 

 

Updated on 06 Octobre 2016