Un toit pour Jésus à Bethléem

16 Novembre 2010 | par

Lors du récent synode pour le Moyen-Orient, le custode franciscain de Terre Sainte, Pierbattista Pizzaballa, a rappelé la vocation universelle de l’Église de Jérusalem depuis la Pentecôte. Il a déclaré : « Les Lieux Saints de Terre Sainte ne sont pas seulement une référence pour l’identité chrétienne locale, ils sont la mémoire vivante de l’Incarnation. Celle-ci n’a pas uniquement eu lieu dans le temps, mais également dans un espace. Habiter cet espace est notre vocation. Les pèlerinages en provenance du monde entier, comme la présence de juifs et de musulmans apparaissent aux yeux de la foi comme l’accomplissement, même s’il est de nature partielle, de la prophétie du rassemblement de tous les peuples sur le Mont Sion (Isaïe 2, 2-4) ».

En cette nuit de Noël, comme on souhaiterait que tous les peuples du monde puissent être représentés, à Bethléem, en cette antique basilique de la Nativité ! Pourtant, tragiquement, ce lieu saint symbolise la division aussi bien entre chrétiens, qu’entre Israéliens et Palestiniens (on se souvient du siège de mars 2002). Dans ce ciel bien noir, pointent quelques rayons de soleil : un accord historique a été signé pour la restauration du toit de la basilique. Il faut saluer l’événement.



La basilique paléochrétienne

Au dessus de la grotte où, depuis le deuxième siècle, on situe la naissance de Jésus, l’empereur Constantin a fait construire une basilique, agrandie et embellie par l’empereur Justinien au début du VIe siècle. Les superbes rangées de colonnes séparant les

cinq nefs datent de cette époque et c’est un vrai miracle que l’édifice soit parvenu jusqu’à nous. Il fut épargné pendant les invasions perses (614) parce que les Rois Mages avaient été représentés sur le fronton du monument avec des costumes orientaux, et que les envahisseurs crurent y reconnaître leurs ancêtres.

Devenus gardiens (c’est le sens du mot “custode”) des Lieux Saints, les Franciscains desservent la basilique depuis le milieu du XIVe siècle, et construisent un couvent à proximité. En 1479, leur gardien, Jean Tomacelli, fait refaire la charpente de la basilique avec du bois offert par le duc de Bourgogne. Le roi d’Angleterre prend en charge le plomb destiné à couvrir la toiture.

Après le passage de la Palestine sous la domination des Turcs (1517), les droits des Franciscains sont remis en cause par ceux que l’on appelle à l’époque les “schismatiques”, c’est-à-dire les orthodoxes grecs et les arméniens. Le conflit, qui s’étend sur plusieurs siècles, connaît de nombreuses péripéties et fait intervenir les gouvernements étrangers. En 1757, les Frères perdent le contrôle de la basilique de la Nativité. À l’ambassadeur de France qui proteste auprès du grand-vizir, celui-ci répond : « Ce lieu appartient au Sultan, mon Seigneur, et il le donne à qui il veut ».



En 1852, les Turcs décident de figer la situation telle qu’elle était jusqu’alors. C’est le fameux Statu Quo qui régit encore aujourd’hui dans les moindres détails les droits et les devoirs de chaque communauté dans quatre Lieux Saints : le Saint-Sépulcre, le tombeau de la Vierge à Jérusalem, l’oratoire de l’Ascension sur le Mont des Oliviers, et la basilique de Bethléem. Dans cette dernière, seuls les Grecs et les Arméniens ont le droit de célébrer la messe. Les catholiques latins peuvent y processionner et célébrer dans la grotte de la Nativité. Au XIXe siècle, pour pouvoir accueillir les catholiques latins, les Franciscains construisent le long de l’antique basilique, une vaste église dédiée à sainte Catherine.



Un accord historique

Le toit de la basilique, laissé pratiquement sans entretien depuis une dernière restauration en 1832, est en très mauvais état. Les jours de pluie, l’eau pénètre à l’intérieur du bâtiment et contribue à la dégradation des fresques et des mosaïques. Il faut donc d’urgence réparer la toiture, et l’UNESCO tire la sonnette d’alarme en mettant la basilique au rang des cent monuments les plus en péril dans le monde. Mais selon le Statu Quo, aucune rénovation ne peut s’effectuer sans l’accord des trois “co-propriétaires“, Grecs, Arméniens et Franciscains. En novembre 2008, le président de l’autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, demande aux Églises de parvenir à un accord. Selon certaines sources, il appuie son geste par une subvention d’un million de dollars.

Finalement, le 2 septembre dernier, un accord a été signé par le frère Pierbattista Pizzaballa, le patriarche grec orthodoxe Théophile III et le représentant du patriarche arménien, Torkom II Manouguian. La cérémonie s’est déroulée en présence du Premier ministre palestinien, M. Salam Fayyad, et de M. Ziad Al Bandak, conseiller du président Mahmoud Abbas pour les affaires chrétiennes et président du comité pour la rénovation de l’église. Les travaux, qui doivent durer 150 jours, n’ont pas encore commencé.

Commentant l’événement, le frère Pizzaballa a déclaré : « C’est le début d’une nouvelle manière de vivre ensemble à Bethléem. Cette basilique très ancienne qui avait besoin de restauration était devenue le symbole de notre incapacité à parler l’un à l’autre. J’espère qu’elle deviendra au contraire le nouvel espace où les Églises pourront montrer leur capacité de collaboration ». 

La photographie de cet accord historique ne manque pas d’impressionner.

À la table de signature, on voit à gauche, les représentants religieux (dont le custode) et à droite, les représentants palestiniens et les experts internationaux. Sans doute, seuls les juifs sont absents... Mais il ne faut pas oublier que le père Pizzaballa a été curé de la communauté catholique d’expression hébraïque de Jérusalem. C’est le premier custode de Terre Sainte à parler couramment hébreu. Indirectement, nos frères juifs n’étaient donc pas totalement absents le 2 septembre dernier pour la signature de l’accord.

Updated on 06 Octobre 2016