Marie-Rose se refait une beauté

20 Octobre 2010 | par

« Marie-Rose ! ». Partout dans le monde ce drôle de prénom résonne comme un sésame. À l’étranger, vous peinez à montrer à un Frère Mineur dont vous maîtrisez très mal la langue que vous êtes « de la famille »... Mais lorsque vous lui dites que vous fréquentez les Franciscains de la rue Marie-Rose, alors là... « Ah oui !, la rue Marie-Rose ! ». Et ce religieux d’évoquer son passage, il y a parfois bien longtemps, dans ce fameux couvent. Et la glace est rompue. Depuis 70 ans, combien de fils de saint François de toutes nationalités ont vécu rue Marie-Rose, pendant quelques jours ou quelques années ? Un seul exemple : l’actuel directeur de l’institut franciscain de l’université Saint-Bonaventure (U.S.A.), l’un des meilleurs spécialistes de saint François, le frère Michael Cusato, a préparé sa thèse à Paris sous la direction d’André Vauchez, et il a longtemps résidé rue Marie-Rose, où il a bénéficié de l’aide du cher frère Damien Vorreux.



Avant Marie-Rose, une histoire complexe

Après la Révolution française, le Ministre général des Frères Mineurs demande à un frère espagnol, Joseph Areso, de restaurer l’Ordre de saint François en France et de rétablir à Paris un “commissariat de Terre sainte”, c’est-à-dire un lieu centralisant les quêtes pour les établissements franciscains de Palestine. La petite maison que louent les Frères en 1856, au 150 de la rue de Vaugirard, n’a donc pas vocation au départ à devenir un véritable couvent. Mais l’Ordre se développe en France, et la nécessité de s’implanter à Paris s’impose à tous. En 1860, voit le jour une première province, placée sous le titre de « Saint-Louis, évêque de Toulouse », puis en 1866, le commissariat parisien, en passe de devenir couvent, déménage rue des Fourneaux (aujourd’hui, rue Falguière), dans le XVe arrondissement.

C’est une époque de grande vitalité : en 1860, la province compte vingt novices. Les ennuis commencent avec les expulsions de 1880. À Paris, la plupart des Frères trouvent à se loger dans les parages, tandis que l’un d’entre eux garde les lieux. En 1882, la communauté se reconstitue, en 1890, quatre premiers Frères partent comme missionnaires en Chine, et en 1892, la province Saint-Louis donne naissance à une nouvelle province, avec Paris pour centre et le titre de « Saint-Pierre de France ». De nouvelles expulsions, en 1903, ont des conséquences beaucoup plus dramatiques pour les Franciscains. La province se trouve éclatée entre le Canada, la Belgique, la Hollande et la France où certains Frères vivent clandestinement. Les choses en restent là jusqu’à la guerre de 14-18.



Au cœur du XIVe arrondissement

Après le conflit, les Frères s’implantent en plusieurs lieux du XIVe arrondissement, et en 1923, ils achètent plusieurs appartements rue Sarrette ; dans la rue d’à côté, rue Marie-Rose, un grand jardin leur permet d’envisager la construction d’un véritable couvent.

C’est au cours du chapitre de 1934 que la décision est prise de rebâtir le grand couvent des Cordeliers du Moyen Âge. À cette fin, on fait appel à de bons architectes (J. Hulot et P. Gélis), et on consulte le célèbre Dom Bellot, qui règne alors sur l’architecture monastique. Le projet, tel qu’il apparaît dans les revues franciscaines, est ambitieux. Il ne sera jamais totalement réalisé. Le Ministre général, Léonard-Marie Bello, bénit la première pierre le 16 septembre 1934, et les travaux commencent au début de 1935. Le quartier de Montrouge, alors très populaire et industriel, participe pleinement aux grandes grèves de juin 1936, au cours desquelles le drapeau rouge est hissé sur la chapelle en construction. Malgré ce climat social difficile, malgré un contexte international menaçant (montée des totalitarismes, guerre d’Espagne), les travaux avancent.

Le 4 octobre 1936, c’est la grande fête de l’inauguration de la chapelle : le matin, les Pères Dominicains célèbrent la messe, en présence du nonce apostolique, mais aussi d’une foule compacte où l’on reconnaît aussi bien Joseph Folliet que la Mère générale des Franciscaines Missionnaires de Marie. L’après-midi, les vêpres solennelles sont présidées par le cardinal Baudrillart, lui-même tertiaire franciscain et recteur de l’Institut catholique. Le soir même, il écrit : « Quelle audace dans la création de ce centre de pure vie franciscaine dans le quartier de Montrouge, en un pareil moment ! En un discours très original, très suggestif, de plus d’une heure, le père Doncœur fait ressortir toute la valeur d’un tel effort, pourvu que ce soit vraiment un réveil de pur christianisme et de l’esprit de l’Évangile, l’esprit, le message de saint François dans la crise actuelle. Beaucoup, beaucoup de monde. Je rentre épuisé, mais pénétré de ce spectacle d’une foi ardente ».



Vie conventuelle parisienne

Le nouveau couvent reçoit un accueil plutôt sympathique de la part de l’exigeante revue L’Art Sacré dirigée par les dominicains Couturier et Régamey : « Son atmosphère de piété frappe tous les visiteurs. Sa distribution est des plus intelligentes, très favorable à la vie conventuelle et au ministère : une grande église au premier étage, au-dessous d’elle les parloirs, au rez-de-chaussée, et une grande salle au sous-sol ; les cellules, sur deux étages au-dessus de l’église ». Et, conclut l’article, « l’ensemble a de la tenue, ce qui n’est pas si fréquent ».

Certes, quelques esprits chagrins considèrent que le nouveau couvent contredit la pauvreté franciscaine, mais, après avoir visité les lieux, l’historien capucin Gratien de Paris écrit : « Nous avons admiré la belle ordonnance de cette construction qui n’a rien de luxueux et est très agréable. Le confort sans plus » (novembre 1939).

Depuis 70 ans, la chapelle de la rue Marie-Rose continue à vivre au rythme des grands événements de la Famille Franciscaine (tout dernièrement, l’ordination sacerdotale du frère David). Une récente restauration lui a rendu sa beauté originelle : le chœur a été rabaissé et mis au niveau de la nef, l’orgue a été transporté en tribune et les vitraux ont été nettoyés. Son actuel chapelain, le frère Henri Laudrin, constate que les laïcs viennent plus nombreux partager l’oraison silencieuse des Frères.

À tous ceux qui croient connaître la chapelle de la rue Marie-Rose, je conseille de prendre le temps de venir la redécouvrir. Comme moi, vous serez conquis.





Renseignements et photos : www.franciscains-paris.fr

Updated on 06 Octobre 2016