Châteauroux : Une Monumentalité Franciscaine

30 Janvier 2004 | par

Châteauroux, tranquille petite ville au cœur de la France, conserve un trésor d'architecture franciscaine : un couvent de la première moitié du XIIIe siècle. Autant dire une perle rare !
Mo-nu-men-ta-li-té... C'est l'impression qui prédomine au couvent des cordeliers de Châteauroux. Quel que soit le point de vue d'où nous le découvrons, qu'il s'agisse du jardin public surplombé par le grandiose chevet plat de l'église, ou de l'élégante porte trilobée qui nous ouvre l'immense vaisseau de cinquante mètres de long couvert d'un berceau de bois, le couvent frappe par ses imposantes proportions. Rien à voir avec le petit couvent franciscain tel qu'on l'imagine volontiers. Les bâtiments conventuels, situés un peu en dehors de la ville médiévale, ont été conçus pour abriter un nombre important de religieux ; en 1478, les frères observants cismontains (c'est-à-dire de ce côté-ci des Alpes) s'y réunissent en chapitre général. Quant à l'église, c'est une vaste halle à prêcher sans transept, destinée à accueillir la foule citadine. Tout au long de son histoire, les cordeliers ont joué un rôle essentiel dans l'encadrement pastoral des populations. Ainsi, les moines bénédictins de Déols (une abbaye proche de Châteauroux) confiaient régulièrement aux frères de saint François la charge d'assurer la prédication dans leur église, pendant l'Avent, le Carême et aux grandes fêtes. En échange, ils leur accordaient annuellement quatre poinçons de vin pur, dix-huit septiers de blé et la somme de vingt écus . Le nécrologe du couvent conserve la mémoire de nombreux prédicateurs ainsi que des séculiers, membres du tiers-ordre. Ainsi, l'an 1516, le 11 juillet, est morte et inhumée céans, dans nôtre habit, très dévote sœur Françoyse Bouchier, professe du tiers-ordre, grande amie et bienfaitrice, tant des frères que du couvent .
Après la Révolution, les différents bâtiments ont tout de suite été réutilisés (séminaire, hospice, gendarmerie, église paroissiale), ce qui a évité leur destruction. La restauration exemplaire entreprise par la ville de Châteauroux à partir de 1975 a permis de faire réapparaître, en son entier, le magnifique volume de la nef. Le couvent, aujourd'hui transformé en lieu d'expositions, a accueilli Picasso, Zao Wou-Ki, Olivier Debré, Hartung et Chillida. Il abrite également la Biennale de Céramique Contemporaine.

Une fondation à la date incertaine
Le couvent de Châteauroux constitue un témoin parmi les mieux conservés d'établissement franciscain construit durant la première moitié du XIIIe siècle, à une époque où l'Ordre est au summum de son rayonnement. Mais le mystère demeure quant à la date de sa fondation. D'après la tradition, Guillaume Ier de Chauvigny, seigneur de Châteauroux, et son frère Jean, revenant d'un pèlerinage en Terre Sainte, ont traversé l'Ombrie, y ont rencontré saint François, et ont ramené avec eux l'un de ses premiers compagnons, le bienheureux Bonencontre. Celui-ci aurait donc fondé un premier couvent à Châteauroux dès 1214, c'est-à-dire du vivant même du Poverello, mais aussi bien antérieurement à toutes les autres implantations franciscaines en France du Nord. Rappelons en effet que le bienheureux Pacifique et ses compagnons n'atteignent Vézelay qu'après 1217, et qu'il faut attendre 1224 pour entendre prêcher Antoine de Padoue en Berry et Limousin. 1214 apparaît donc comme une date trop précoce, et on penche aujourd'hui pour une fondation vers 1230-1240 par Guillaume II de Chauvigny. Peut-être un établissement plus léger a-t-il fonctionné dès les années 1220.
Cette incertitude sur la date de fondation de Châteauroux renvoie à une question plus vaste que les historiens devront bien un jour prendre à bras le corps : qu'en est-il de la chronologie des premières implantations franciscaines en France ? Quelles trajectoires les frères ont-ils empruntées pour pénétrer dans notre pays ? Quels rôles les grandes figures de l'Ordre (Antoine, Pacifique, mais aussi le Bienheureux Christophe de Cahors) ont-ils joués dans cette aventure ? Que faut-il penser de ces traditions qui attribuent à François lui-même, en chemin pour l'Espagne, la fondation de plusieurs couvents provençaux et languedociens (Apt, Brignoles, Sisteron, Forcalquier, Orange, Perpignan) ? Difficile dans l'état actuel de nos connaissances de répondre avec précision à toutes ces questions. Mais quelle tâche exaltante pour un jeune historien !

 

 

 

Updated on 06 Octobre 2016