Comme des enfants
La Parole de Dieu
Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre une lumière a resplendi…
Tu as multiplié la nation, tu as fait croître sa joie…
Le joug qui pesait sur elle…
tu l’as brisé comme au jour de la victoire sur Madiân…
Oui ! un enfant nous est né,
un fils nous a été donné ;
l’insigne du pouvoir est sur son épaule ; on proclame son nom :
« Merveilleux-Conseiller, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la- Paix »… La paix sera sans fin
pour David et pour son royaume.
Il sera solidement établi sur le droit et la justice.
Dès maintenant et pour toujours (Is 9, 1.5-6).
La Parole de saint Antoine
Un enfant nous est né.
Matthieu dit : « Si vous ne changez pas et ne revenez pas à l’état de cet enfant... » (Mt 18, 3).
Le petit enfant, lorsqu’il est réveillé dans son berceau, il pleure ; nu, il n’a pas honte ; frappé, il se réfugie dans le sein de sa mère ; la mère, lorsqu’elle veut le sevrer, enduit ses mamelles d’une substance amère ; il ne connaît pas la malice du monde, ne sait pas commettre le péché, ne fait pas de mal à son prochain ; il ne garde pas rancune, ne hait personne, ne convoite pas les richesses ; il ne s’extasie pas devant la beauté de ce monde et n’a d’égard pour personne.
Le petit enfant, c’est le pénitent converti : jadis enflé d’orgueil, il est à présent humble et méprisé à ses yeux. Lorsqu’il est éveillé, c’est-à-dire qu’il évoque sa
vie antérieure, il pleure amèrement ; il est devenu nu et pauvre pour le Christ et n’éprouve aucune honte ; blessé par des injures, il ne répond pas, mais court se jeter devant le Seigneur et prie pour ceux qui le persécutent et le calomnient. La Mère Eglise l’a sevré lorsqu’elle a enduit, par l’amertume des peines, la mamelle du plaisir charnel qu’il avait l’habitude de sucer.
Lorsqu’un homme du monde devient enfant du Christ, nous devons éclater de joie et dire : « Un enfant nous est né. »
« La femme, dit saint Jean, c’est-à-dire l’Eglise, lorsqu’elle est sur le point d’accoucher d’un nouveau converti, dans la prédication ou dans sa compassion, s’attriste, mais lorsqu’elle lui a donné le jour, elle ne se souvient plus de la douleur, dans la joie qu’un homme soit venu au monde.
Pour aller plus loin
Le texte d’Isaïe, que l’Eglise a inscrit dans la liturgie de Noël, se réfère à la naissance du roi Ezéchias (716-687 av. J.-C.), un événement salué par des images de lumière, de joie, de liberté qui évoquent le règne de David et annoncent celui du Messie. Antoine interprète ce passage, d’abord dans un sens allégorique : l’Enfant annoncé est l’Emmanuel, le « Dieu avec nous » ; ensuite dans un sens moral : le nouveau-né est le modèle du nouveau converti.
Comme d’habitude, son commentaire part de l’Ecriture, Mt 18, 3 : qui veut entrer dans le royaume des cieux doit « retourner à l’état d’enfant ». Et cet état, qu’Antoine connaît bien par l’observation de la vie quotidienne et familiale, devient le symbole des attitudes spirituelles du converti.
Les traits physiques. Le repos évoque l’humilité et la sincérité du pénitent ; le réveil en pleurs, la prise de conscience de son péché ; la nudité sans honte, sa joie de ressembler au Christ pauvre ; son recours auprès de la mère, sa prière pour ceux qui le persécutent et le calomnient ; le sevrage par des onctions amères, sa peine pour le plaisir de la chair auquel il avait l’habitude de s’alimenter.
Les comportements spirituels, eux, sont clairs, note Antoine, et n’ont pas besoin d’explication : comme l’enfant, le nouveau converti est sans malice, ne connaît ni le péché, ni la rancune, ni la haine, ne porte pas tort à son prochain, demeure insensible aux attraits du monde et n’a de préférence pour personne.
Comme une femme devant son nouveau-né, nous devons donc nous réjouir quand un pécheur devient le petit du Christ.