La paix, un engagement permanent
Le 11 avril 1963, Jean XXIII lançait une encyclique – Pacem in terris, “Paix sur la terre ” – qui surprit le monde entier par ses analyses et les défis qu’elle lançait. Quarante ans après, elle a fait l’objet du message de Jean-Paul II pour la “Journée de la Paix du 1er janvier 2003”. Ses grandes lignes, d’une brûlante actualité, valent la peine d’être évoquées.
C’était l’époque où les progrès de la science avait enregistré des succès sans précédent, mais avec la sombre perspective de l’arme atomique et de la guerre nucléaire. A l’euphorie succédait donc l’angoisse, sur un fond de guerre froide, matérialisée par le trop triste “mur de Berlin” (1961) et par les risques de conflits, parmi lesquels la crise des fusées de Cuba (1962). Mais Jean XXIII croyait à la force de l’amour et de la raison. Il lança donc au monde un défi en affirmant que l’humanité peut vivre dans la confiance, parce que la paix est possible entre tous les hommes, appartenant à la même famille humaine. Et il en dictait les conditions : vérité, c’est-à-dire prise de conscience des droits et des devoirs de chacun ; justice, respect des droits d’autrui et fidélité à ses propres devoirs ; amour, voir les besoins des autres comme les siens propres ; liberté, agir selon la raison et assumer ses responsabilités.
Malgré les guerres et les menaces de guerres, il y avait quelque chose d’autre à l’œuvre dans l’histoire humaine, quelque chose que le Pape recueillit comme les débuts prometteurs d’une révolution spirituelle.
Valeurs nouvelles
L’optimisme du “bon Pape” n’était pas simple rêve : il se fondait sur des valeurs déjà en acte, comme l’idée d’égalité entre tous les hommes, la prise de conscience des Droits de l’Homme tant au niveau des Etats qu’au niveau de chaque personne.
Face à la prise de conscience croissante des droits humains au niveau national et international, Jean XXIII comprit la force inhérente à ce phénomène et sa capacité extraordinaire de changer l’humanité.
Et, ajoute Jean-Paul II,
Il apprécia tout particulièrement la Déclaration universelle des Droits de l’homme de 1948, qu’il tenait pour « un pas vers l’établissement d’une organisation juridico-politique de la communauté mondiale ».
De même qu’il voyait dans l’Organisation des Nations Unies (26 juin 1945), « un instrument crédible pour maintenir et renforcer la paix dans le monde ».
Lumières et ombres
Ces progrès dans les relations entre les personnes et les Etats laissent cependant subsister, encore aujourd’hui, de nombreuses zones d’ombres qui cachent autant de risques de conflits. Ainsi le monde n’a pas encore pu s’entendre sur une autorité internationale, capable de faire respecter les droits et les devoirs de tous. D’où des choix arbitraires qui conduisent à des formes de discrimination et d’injustice. Ou encore l’écart entre « une série de nouveaux doits promus dans les sociétés technologiquement avancées et des droits humains élémentaires qui ne sont pas respectés, surtout dans des situations de sous-développement, comme le droit à la nourriture, à l’eau potable, au logement, à l’indépendance. »
La paix exige que cet écart soit réduit de manière urgente et, en définitive, supprimé.
De même :
Le non-respect des engagements à l’égard des Nations en voie de développement constitue un problème moral sérieux et met encore plus en lumière l’injustice des inégalités qui existent dans le monde.Les souffrances causées par la pauvreté se trouvent dramatiquement augmentées par la perte de confiance.
Paix et ordre : des valeurs chrétiennes
Jean-Paul II souligne, avec une satisfaction certaine, que l’enseignement de l’Eglise sur la paix, entendue comme “tranquillité de l’ordre” (saint Augustin), s’est révélé particulièrement significative pour le monde d’aujourd’hui. Il y a un grand désordre, dit-il, dans la situation du monde contemporain. La question se pose donc de savoir « quel type d’ordre peut remplacer ce désordre » et « selon quels principes ». En fait, « la question de la paix ne peut être séparée de celle de la dignité humaine et des droits humains ».
De même qu’ « aucune activité humaine (politique, économie, culture) ne se situe en dehors du champ des valeurs éthiques ».
En outre,
Les développements que l’encyclique avait prévus, réfutent de manière décisive la thèse selon laquelle les politiques internationales se placeraient dans une sorte de “zone franche” où la loi morale n’aurait aucun pouvoir.
Faut-il des exemples ? Et de citer la situation du Moyen-Orient :
La lutte fratricide qui ébranle chaque jour la Terre Sainte, opposant les forces qui tissent l’avenir immédiat du Moyen-Orient, fait comprendre l’exigence urgente d’avoir des hommes et des femmes convaincus de la nécessité d’une politique fondée sur le respect de la dignité et des droits de la personne. Une telle politique est sans conteste plus avantageuse pour tous que le maintien des situations concrètes de conflits.
La place de chaque personne et de la foi
Concrètement, le Pape actuel trace deux voies pour rendre efficace l’effort pour la paix : l’engagement de chaque personne et le rôle de la religion. Les structures et les procédures de paix, dit-il, sont nécessaires, mais elles ne sont que le fruit d’innombrables gestes de paix : « Ces gestes naissent de la vie des personnes qui nourrissent en elles des attitudes constantes de paix. Enfin, la religion possède « un rôle vital pour susciter des gestes de paix et consolider des conditions de paix », grâce à l’ouverture à Dieu, à l’enseignement d’une fraternité universelle et à la promotion d’une culture de la solidarité. Aussi :
La “Journée de prière pour la paix”, que j’ai organisée à Assise le 24 janvier 2002, y associant les représentants de nombreuses religions… voulait-elle manifester le souci d’éduquer à la paix par la diffusion d’une spiritualité et d’une culture de paix.
La paix sur la terre, objet du profond désir de l’humanité de tous les temps, est encore possible, à condition, comme l’affirmait Jean XXIII au début de Pacem in terris, qu’elle se fonde et s’affermisse « dans le respect de l’ordre établi par Dieu ».