Dionisio Vicente Ramos

01 Janvier 1900 | par

Vous souvenez-vous ? En avril dernier, une lectrice de Nevers nous écrivait :  Abonnée au Messager, j’ai transmis votre revue à des amis non-voyants, dont un moine de Solesmes. Celui-ci fut fort intéressé par l’histoire des Franciscains Conventuels, fusillés à Barcelone en 1936, en particulier par celle du père Dionisio Vicente Ramos, aveugle. Pourrions-nous avoir des détails sur sa vie et sur son martyre ? D’avance, merci !  Et nous lui avons promis de la lui raconter, d’après la biographie officielle écrite par le père conventuel espagnol, Valentín Redondo.

Un parcours ordinaire mais intense

Le parcours du père Dionisio Vicente fut celui d’un religieux franciscain conventuel, engagé, assidu, fidèle, voué corps et âme à son Ordre. Il est né à Caudé, dans la province de Teruel, entre Madrid et la mer, le 9 octobre 1871. A l’âge de 15 ans, il suit le père Miguel Salvador, franciscain conventuel, qui venait de réintroduire l’Ordre en Espagne, après plus de trois siècles d’absence. Le jeune Dionisio fut postulant à Montalto, dans les Marches, en Italie, novice à San Miniato, en Toscane, étudiant en philosophie à Bagnoreggio (ville natale de saint Bonaventure), docteur en théologie à Rome, prêtre en 1894 (à 23 ans), professeur de philosophie à Civitavecchia, et de 1905 à 1912, confesseur à la basilique de Lorette. En 1912, il retourne en Espagne, dans la fraternité de Granollers, près de Barcelone, où il est nommé responsable de la formation des jeunes religieux, enseignant le grec, la littérature, la géographie, l’histoire profane et de l’Eglise, le chant et… le latin. De 1930 à 1932, nous le retrouvons à nouveau en Italie, professeur à Brescia, mais il doit regagner l’Espagne où, à la suite de la victoire remportée par les partis républicains aux éléctions du 12 avril 1931, la situation de l’Eglise et des ordres religieux commençait à devenir difficile. A ces circonstances historiques, s’ajoute alors son mauvais état de santé : souffrant de cataracte, aggravée par l’artériosclérose, il devient progressivement aveugle et doit abandonner l’enseignement.  

Entre 1932 et 1936, son activité n’en est pas moins féconde. Profondément imprégné de spiritualité franciscaine, il en transmet les valeurs aux jeunes à travers la direction spirituelle, leur communique son amour de la Vierge, de sa famille religieuse et de l’Eglise et passe le meilleur de son temps à réciter le chapelet, à relier des livres, à raccommoder les vêtements des confrères.

Portraits et témoignages

Nombreux furent les responsables et les confrères qui eurent à s’exprimer sur la personnalité et l’activité du père Dionisio Vicente Ramos.
Citons, parmi les plus frappants, celui du père Angel Salvador, un des fondateurs de l’Ordre en Espagne :  Le Père Dionisio, écrit-il à son supérieur général en 1914, est un religieux qui aime intensément notre Ordre, grand travailleur, nourri d’un profond esprit religieux, intègre, doué d’une volonté tenace jointe à un caractère quelque peu versatile. C’est un excellent professeur de philosophie et un patient critique de livres. 
A Brescia, le frère Giacomo Bulgaro (dont le procès de béatification est en cours), qui l’eut comme maître de noviciat, a écrit dans son Journal :  Je ne puis exprimer la joie que j’ai éprouvée en apprenant que mon Maître serait le père Dionisio Vicente. Son arrivée dans mon couvent fut une vraie bénédiction. Sa figure, ses cheveux blancs m’inspiraient vénération et confiance. Je lui ouvrais mon cœur et je me nourrissais de ses enseignements et de sa sagesse. 
 D’un caractère fort, résume Valentín Redondo dans son livre, il était homme de prière et de grande piété, défenseur tenace de la liberté et de la justice, ennemi de l’oisiveté et très cultivé.  D’autres témoins, en Espagne, ajoutent :  C’était un homme compatissant ; d’une ferveur communicative ; un vrai saint.  Mais le moment arriva, pour le père Dionisio Vicente, de donner le suprême témoignage du martyre, de montrer que la vraie victoire sur la vie consiste à y rester fidèle jusqu’au bout et que la mort n’est une défaite que pour celui qui la provoque.
Lorsque la guerre civile éclata, il était vicaire du couvent de Granollers. Le soir du 19 juillet 1936, après le dîner, les religieux se mirent à la recherche d’un refuge pour passer la nuit. Le père Dionisio, aveugle, âgé, ne connaissant personne pouvant l’accueillir, trouva refuge auprès de l’hôpital de la ville, tenu par les Sœurs Carmélites de la Charité. Les  militiens  oseraient-ils violer ce lieu de soins et de refuge ? Il passa douze jours dans cet hôpital. L’après-midi du 31 juillet, il fut arrêté par le Comité Révolutionnaire Anarchique, frappé et obligé de monter sur le fourgon de la mort. Motif d’arrestation : son état de religieux. Une religieuse de l’hôpital osa objecter aux membres du Comité :  Vous ne voyez pas qu’il est âgé et aveugle ? 
- Bientôt, lui répondirent-ils avec cruauté, nous lui ferons une opération qui soignera immédiatement sa vue.
Emmené hors de la ville, au lieu dit Els Très Pins (Les Trois Pins), il fut fusillé et abandonné sur le bord de la route. Son agonie dura, comme celle du Christ, trois longues heures, dans des cris et des douleurs indicibles, mais personne n’osait, en ces circonstances, prêter secours aux condamnés. Trois jours après, il fut recueilli, mais non identifié. L’acte officiel de sa mort porte la mention :  Cadavre d’un homme… décédé par mort violente à la suite de graves blessures… 
Il fut enterré dans une fosse commune dans le cimetière de La Roca del Vallés, à cinq km de Granollers, et béatifié, le 11 mars 2001, avec ses cinq autres compagnons.

 

Updated on 06 Octobre 2016