Aide humanitaire et projets pastoraux

01 Janvier 1900 | par

Interview de Mgr Louis Portella, évêque de Kinkala, Congo-Brazzaville.

Le Messager. Y a-t-il, au Congo-Brazza, des organisations qui s’occupent de l’humanitaire et à quels besoins urgents répondent-elles ?
Mgr Louis Portella. De tout temps, il y a eu chez nous, dans chaque paroisse, dans chaque diocèse, un service de la Caritas qui essaie de répondre aux besoins urgents des personnes en situations difficiles : malades, personnes âgées, cas particuliers de détresse… A ce premier volet d’assistance aux personnes, nous avons ajouté le volet développement. Ainsi, par exemple, le secrétaire de la Caritas de mon diocèse de Kinkala a conçu un plan sur trois ans pour aider les populations à reprendre les activités agricoles et d’élevage qu’elles avaient abandonnées à cause de la guerre. Un certain nombre de projets sont donc en cours pour aider les populations du diocèse à se remettre debout.
L’humanitaire est une dimension de la vie de l’Eglise ; il n’y a pas d’Eglise sans l’exercice de la charité. En même temps, chaque fois qu’il y a une intervention au niveau de l’assistance, nous prions pour les populations qui vivent dans des situations humaines particulièrement catastrophiques.

– Le travail des responsables de votre diocèse se limite-t-il à l’organisation technique ou cherche-t-il à aller plus loin ?
Il y a bien sûr un travail technique, mais en même temps une action pastorale, pour faire comprendre aux gens que c’est leur foi qui les pousse à combattre pour la condition humaine. Il y a donc un lien entre la force de l’Evangile et la vie.

– Pour réaliser ces projets, faites-vous appel à des organisations humanitaires ?
Avec des organisations non catholiques – Croix-Rouge, Unicef – notre collaboration se situe uniquement au niveau de la santé. Mais pour tous nos projets, nous avons recours à des financements extérieurs – sur place nous n’avons rie – ; nous écrivons à Caritas-France, au Secours Catholique, qui analysent nos projets et, de temps en temps, les financent…

– Dans les projets humanitaires, faites-vous intervenir vos prêtres, vos laïcs ?
Pas pour tous les projets.
Nous avons les nôtres, mais avant même qu’un projet soit lancé, il y a tout un travail d’éducation qui doit se faire et dans les réunions des communautés de base, des thèmes sont prévus pour que les gens réfléchissent sur le lien entre la foi et l’action qui est envisagée.

– Au cours de vos interventions en France, vous regrettiez que l’aide fournie par des organisations humanitaires en Afrique ne tienne pas suffisamment compte des projets de la pastorale. Qu’entendez-vous par projets pastoraux ?
Les projets pastoraux sont les projets d’évangélisation. Nous devons faire le catéchisme, former des prêtres, apprendre aux gens à bien vivre, construire des chapelles, former des communautés, car c’est dans la mesure où une communauté chrétienne est formée qu’elle peut s’engager dans des actions de développement et dans des actions humanitaires. Ce qui importe, c’est que les gens eux-mêmes se prennent en main. Alors, quand des organismes aident pour des actions bien concrètes de développement, mais ignorent complètement ce travail, qui est à la fois parallèle et complémentaire, de l’évangélisation, en fin de compte, c’est comme s’ils déchiraient quelque chose…

– Quels sont les secteurs pastoraux qui vous tiennent le plus à cœur ?
Nous avons des chrétiens qui vont à la messe, qui prient, et qui ont besoin d’avoir une foi forte, solide. Nous formons des laïcs, des catéchistes, des prêtres, des séminaristes, avec le cursus normal de formation, une équipe de formateurs, etc.

– Avez-vous beaucoup de séminaristes ?
Le chiffre des vocations chez nous est vraiment en augmentation.
Actuellement, au grand-séminaire de Brazzaville, il y a environ 140 séminaristes.

– Avez-vous beaucoup de vocations ? Ces jeunes se présentent-ils d’eux-mêmes ou sont-ils appelés par vous ?
Ce sont eux qui viennent. Au cours de cette année, par exemple, j’ai reçu 5 à 6 demandes…

– Quelle est actuellement la situation de votre pays ?
Un des plus graves problèmes est celui de la pauvreté. D’après une étude de l’Onu sur le développement, 70% de la population de notre pays vit en dessous du seuil de pauvreté ; et seulement 46,3% de la population a accès à l’eau potable. Ce qui est grave.

– Le pays a tout de même quelques richesses, où vont-elles ?
Le Bon Dieu seul le sait…

 

Interview de Mgr Ambroise Ouedraogo, évêque de Maradi – Niger

Mgr Ouedraogo est le premier évêque du tout jeune diocèse de Maradi, créé en mars 2001, dans le sud du pays. Pour une superficie de 1 260 000 km2, le Niger compte 11 millions d’habitants, dont 0,2% de catholiques. Aux problèmes humanitaires s’ajoute donc le dialogue nécessaire entre la population musulmane et les croyants en Jésus Christ.

Le Messager. Père, avez-vous des projets humanitaires avec des ONG venant de l’extérieur ?
Mgr Ambroise Ouedraogo. En fait, ce ne sont pas des projets humanitaires, mais des échanges : ainsi, le projet Afrique verte s’occupe-t-il de réguler le flux de mil et de céréales entre nos pays. Si, par exemple, au Burkina Faso ou au Mali il y a une bonne récolte, et que le Niger en souffre, le projet essaie d’acheter le surplus du Mali ou du Burkina pour le vendre au Niger.

– Le pays connaît-il des difficultés particulières qui nécessitent des appels à l’aide extérieure ?
Nous n’avons pas eu de grosses catastrophes alimentaires, en dehors des grandes crises du passé. Mais en ce moment, avec la situation de la Côte-d’Ivoire, que ce soit au Burkina Faso, au Mali ou au Niger, nous aurons le retour des gens qui sont partis chercher du travail dans ce pays. S’ils sont obligés de rentrer à cause de la situation de guerre, il est sûr qu’on ne pourra pas les soutenir tous. En ce sens, nous sommes inquiets. Quant au Niger, la situation sociale est paisible. Il y a encore des conflits, à l’intérieur d’un processus démocratique toujours aléatoire, mais d’une manière générale je crois que le Niger a une culture de patience, de tolérance et de paix.

– Et la Caritas locale ?
Notre Caritas vient en aide aux plus nécessiteux, aux pauvres, à ceux qui souffrent du froid. Il y a un centre de lépreux à Zinder où une religieuse assomptionniste s’occupe d’un dispensaire, fait de l’alphabétisation, sensibilise à l’hygiène, gère les biens et les revenus des lépreux… Par ailleurs, la Caritas au Niger travaille avec le Secours Catholique, la Caritas Danemark, Misereor d’Allemagne et la Caritas internationale de Rome.

– L’aide financière que fournissent les organisations que vous venez de citer va-t-elle, aussi, au profit de vos projets pastoraux ?
L’argent qui vient de l’extérieur va directement aux projets humanitaires. Mais la structure de l’Eglise comme telle, pour ses œuvres d’évangélisation, la catéchèse, les centres de formation catéchétique, les églises et autres activités pastorales, a besoin, elle aussi, de moyens financiers. Ce n’est pas toujours facile, et les agents pastoraux, comme les prêtres et les religieuses, ont du mal à joindre les deux bouts.

– Que diriez-vous à des ONG qui demanderaient à faire quelque chose chez vous, mais en marge de vos problèmes pastoraux ?
S’il s’agit d’une ONG d’obédience chrétienne, il est normal qu’elle travaille en collaboration avec le diocèse et son action devrait avoir normalement des retombées pastorales. L’Eglise, c’est pour le bien-être de l’homme. Elle ne travaille pas pour elle-même, mais pour l’homme. Si le Christ est venu, c’est pour mettre l’homme debout… C’est ensemble, avec nous, qu’ils devront chercher le sens de leur action.

– Avez-vous des vocations, des séminaristes ?
– Au Niger, cela commence. Après dix ans d’animation vocationnelle, nous en récoltons les fruits. Cette année, le nouveau diocèse de Maradi aura sa première ordination.

– Et c’est vous qui ordonnerez…
Ah, oui ! Je suis très heureux. C’est une grâce pour moi.

– Chez vous la présence de l’Islam est très forte. Comment vivez-vous cette réalité ?
Il faut situer cette réalité à deux niveaux.
Au niveau officiel, nous avons une bonne entente avec les autorités politiques, et avec les autorités musulmanes, imams et administration. Nous sommes engagés dans l’éducation, la santé, le développement et je crois que les services que nous rendons au pays sont très appréciés.
Mais au niveau quotidien, certains chrétiens souffrent. Ils sont persécutés verbalement. On les traite de païens ; on leur dit qu’ils ne prient pas. Au niveau de leur foi, on les prend pour des infidèles ; on leur demande pourquoi ils disent que Jésus est Fils de Dieu, que Dieu est Trinité… Les chrétiens sont confrontés à ce genre de questions et ce n’est pas toujours facile de vivre avec…

– Quelle est alors votre action face à cela ?
Tout d’abord, nous formons les chrétiens à la réalité musulmane, pour qu’ils apprennent ce qu’est l’Islam et approfondissent leur foi. Si le chrétien a une foi forte et une profonde conviction religieuse, s’il ne cache pas son identité, il sera respecté ; et le musulman, voyant qu’il a affaire à des personnes qu’il ne peut pas manipuler, finira par le respecter.
Le dialogue islamo-chrétien est pour nous une nécessité, une survie. Nous sommes un petit troupeau que Dieu a placé au milieu de l’Islam, pour témoigner de son amour, de sa miséricorde, de sa joie.

Updated on 06 Octobre 2016