Premier ministre du Pape
Eminence, vous occupez dans l’Eglise une place de premier plan. Comment expliquer votre rôle aux simples fidèles ?
Le titre exact de ma charge est : Secrétaire d’Etat, non pas du Vatican, mais de Sa Sainteté Benoît XVI. Ce titre désigne donc celui qui est chargé du gouvernement interne de l’Eglise, au nom et par mandat du Saint-Père, et qui, de ce fait, suit de très près la vie de l’Eglise entière. Comparé à un Etat, on pourrait l’imaginer comme un Premier ministre de l’Eglise catholique, qui a comme collaborateurs immédiats : le Substitut à la Secrétairie d’Etat, une sorte de Ministre des Affaires Intérieures, et le Secrétaire pour les Relations avec les Etats, l’homologue du Ministre des Affaires Etrangères. Nous sommes les trois personnnes qui collaborent de très près avec le Saint-Père, même si le Secrétaire d’Etat est celui qui, plus que tout autre, rencontre le Pape, s’entretient avec lui, traite avec lui les problèmes de la vie interne de l’Eglise, des rapports du Saint-Siège avec la communauté internationale et avec toutes les nations du monde.
A quel rythme se succèdent vos rencontres avec le Pape, et, si ce n’est pas indiscret, lorsque vous ne parlez pas de travail, de quoi parlez-vous ?
Je rencontre régulièremet le Pape tous les lundis après-midi, parce que le lundi est le jour où le Pape reçoit son Secrétaire d’Etat, mais je le rencontre aussi plus souvent et je l’accompagne dans différentes manifestations. Nous avons des réunions avec des groupes de représentants de l’Eglise universelle, je participe aux principales célébrations liturgiques, je discute avec lui des problèmes de l’Eglise, comme les nominations les plus importantes, et les questions politiques internationales. C’est pourquoi, outre la rencontre de planning hebdomadaire, les occasions où nous sommes côte-à-côte sont nombreuses.
A table, par exemple, au déjeuner ou au dîner, nous échangeons nos expériences quotidiennes, et pour ma part j’en profite pour l’informer régulièrement des voyages ou des rencontres, et surtout pour lui faire part de la grande affection dont sa personne est l’objet. Ainsi lorsque j’ai été parmi les victimes du tremblement de terre du Pérou, j’ai rencontré dans un village de tentes, des centaines d’enfant qui étaient contents de voir le représentant du Pape. A mon retour, j’ai dit au Pape : « Saint-Père, vous devrez me réserver un certain temps, car je dois vous donner beaucup de baisers, des centaines et des centaines de baisers, parce que tous m’ont dit : Da un beso al Papa. » Nous parlons aussi de sport, de ma famille, d’actualité…
Si vous deviez définir en deux mots la riche et complèxe personnalité du pape Benoit XVI, quels mots choisiriez-vous ?
C’est un grand penseur, riche de sagesse dans le sens biblique du terme, et pas seulement de science. C’est un homme très doux, qui communique proximité, spiritualité, amitié ; quelqu’un qui sait être ami et qui cultive solidement l’amitié. Lorqu’il rencontre quelqu’un, il lui donne l’impression de l’avoir déjà rencontré et chacun se sent à son aise.
Où étiez-vous, Eminence, en 68 ?
En 68, j’étais à l’Université Pontificale Salésienne, comme professeur de théologie morale. J’ai vécu cette période –particulièremernt tumultueuse même à Rome – dans différentes Universités romaines. Je pourrais évoquer certains épisodes, même s’ils ne sont pas très beaux ; des discussions sans fin, des débats… mais avant 68, j’ai eu la chance de vivre, comme étudiant, la très belle période du Concile Vatican II, et donc des rencontres avec les Pères conciliaires. J’ai en particulier le souvenir de certains pères polonais, comme le cardinal Wyszynski, le jeune Mgr Wojtyla et l’archevêque Baraniak de Poznan, salésien ; la rencontre avec ces pères, avec ces héros de l’Europe orientale, qui venaient des régimes communistes comme courageux témoins de la foi, a été pour moi d’une grande importance. La richessse des dons que nous avons tous reçus pendant le Concile, est vraiment incalculable.
Mais, après les enthousiasmes est venue l’épreuve, l’égarement, surtout au cours des premières années de l’après-Concile, en raison aussi de l’interprétation des documents conciliaires. Des chemins ont ainsi été pris sans cohérence avec la tradition, et ceci n’a pas fait de bien à l’Eglise.
Une dernière question : Vous rencontrez des personnages importants, souvent décisifs pour le sort de l’humanité. En tirez-vous des raisons d’espérance pour l’avenir ?
Oui. Je dois dire que les personnalités que je rencontre, non seulement de l’Eglise, mais du monde politique, des organisations internationales, les chefs d’Etat, sont des personnes compétentes et déterminées, avec des projets positifs qui méritent appréciation. Ils viennent pour consulter le Pape, le Saint-Siège ; ils consultent aussi le Secrétaire d’Etat pour une évaluation de leurs projets. Certains demandent expressément la prière du Pape, ma prière personelle, celle de l’Eglise catholique, pour soutenir leurs actions en vue du bien commun. Ensuite, au-delà des bonnes intentions, parfois les projets les plus beaux butent contre les situations des pays respectifs, contre les forces parlementaires, mais je crois que nous avons des motifs d’espérer, en raison même de la qualité des personnes qui viennent au Vatican et auprès du Pape.
Tarcisio Bertone
Le cardinal Tarcisio Bertone est né à Romano Canavese (diocèse d’Ivrée, Piémont), le 2 décembre 1934, cinquième de huit enfants. Attiré par la vocation salésienne, il est ordonné prêtre en 1960. En 1967, il est appelé à Rome, pour pendre la chaire de Théologie morale spéciale à l’Athénée Salésien, devenu plus tard Université pontificale, dont il sera le Recteur entre 1989 et 1991. Au cours de ces années, il développe une intense activité pastorale, en particulier pour la promotion du laïcat. En 1991, le Saint-Père l’appel à gouverner le diocèse de Verceil, le plus ancien diocèse du Piémont. En 1995, il devient Secrétaire de la Congrégation pour la doctrine de la foi. En 2002, Jean-Paul II le nomme archevêque de Gênes et il le crée cardinal en 2003. Depuis le 15 septembre 2006, il est le Secrétaire d’Etat du Pape Benoît XVI.
Avec saint Antoine
Déjà, en famille, nous étions très dévots à saint Antoine de Padoue. Nous l’évoquions tout spécialement
à Noël parce qu’il a porté l’Enfant-Jésus dans se bras ; puis, quand nous perdions quelque chose, c’était spontané de prier saint Antoine, le saint qui fait retrouver les objets perdus.
Mais j’ai été aussi archevêque de Verceil, et saint Antoine – d’après l’antique tradition des Chroniques de la bibliothèque capitulaire de Verceil – a passé quelques mois dans cette ville auprès de l’abbé Gallo, pour se confronter avec lui, et c’est là aussi qu’il a accompli de nombreux miracles. Lorsque les reliques de saint Antoine ont fait leur pèlerinage dans les diocèses italiens, il y a eu tout naturellement l’étape de Verceil, et les Vercellois ont manifesté une grande dévotion envers le Saint de Padoue.