Rencontre avec... Stan Fortuna
Citoyen américain aux origines grecques et italiennes, frère Stan Fortuna est l’un des fondateurs de la “Communauté des Frères Franciscains du Renouveau”, appelés aussi “Franciscains du Bronx”. Ordonné prêtre en 1990, il est aujourd’hui un rappeur célèbre. Les bénéfices de ses disques à succès sont reversés au Centre Culturel pour les Jeunes du Bronx (New York).
On vous appelle le “prêtre rappeur”. Vous voulez répandre l’Evangile par le jazz et le hip hop. Comment êtes-vous “tombé” dans la musique ?
J’avais certainement déjà cette attraction dans le sein de ma mère. La musique a toujours joué un grand rôle dans ma vie. Je croyais que cela allait changer après ma conversion, mais il n’en fut rien. La musique m’aide à prier.
La musique a une dimension intérieure qui n’est comparable à aucune autre expérience humaine. C’est pourquoi Dieu utilise la musique pour rejoindre les cœurs de tant de gens.
Les différents styles de musique expriment différentes sortes de choses. Mais la musique en elle-même exprime toujours quelque chose de bon, même quand les gens s’en servent mal. C’est comme une pomme. Une pomme est toujours bonne. Si quelqu’un met du poison dedans, ce n’est pas la pomme qui tue, c’est le poison.
Vous évoquez votre vocation à la prêtrise et à la vie franciscaine comme un tsumani. Que voulez vous dire ?
Je n’ai jamais vécu un tsunami, mais d’après ce que j’ai pu voir du dernier qui a ravagé la terre, un tsunami a un impact total. Il renverse tout sur son chemin. C’est pourquoi j’utilise cette analogie pour évoquer ma conversion, pour dire comment Dieu déverse son amour sur nous. Il nous submerge. Et son amour répond à tous nos besoins. L’amour de Dieu nous emporte au point qu’il emporte même notre propre capacité à aimer. Et lorsque notre amour est embarqué par l’amour de Dieu, alors notre amour peut à son tour avoir un impact fondamental sur la vie des autres.
Vous êtes l’un des huit membres fondateurs de la “Communauté des Frères Franciscains du Renouveau”. Quelle est cette communauté ?
C’est une communauté inspirée par Dieu, et qui vit toujours selon l’inspiration de Dieu. Elle est un don et une œuvre de Dieu. Nous essayons de vivre radicalement l’Evangile, en servant les pauvres et en annonçant l’Evangile dans l’esprit de saint François d’Assise. C’est une tentative de soutenir la révolution de l’amour de Dieu dans le monde. Grâce à Dieu, notre communauté grandit : nous avons six maisons en Amérique, deux en Angleterre, une en Irlande et une au Honduras. Et nous allons continuer à grandir, pas seulement en nombre, mais aussi dans la connaissance de l’amour !
Comment en êtes-vous venu à utiliser vos dons musicaux, et notamment le rap, pour évangéliser ?
Ce n’était pas le résultat d’une stratégie, mais une œuvre de la Providence. Je n’ai pas grandi avec le rap, et n’avais pas tellement d’intérêt pour cette musique. Et d’ailleurs, je n’aime toujours pas le rap ! J’aime Bach, le Jazz, les musiques brésiliennes et africaines…
C’est dans le Spanish Harlem de New York (quartier hispanophone défavorisé, ndlr) que j’ai rencontré le rap. La spontanéité des jeunes qui jouaient cette musique au coin des rues, sans instrument, en marquant le rythme par le son de leur bouche et en improvisant les paroles, m’a touché. Cela m’a semblé intéressant et je me suis dit que je pouvais en faire autant. Donc ma rencontre avec le rap, c’est d’abord la rencontre de ces jeunes. Ils exprimaient des sentiments de frustration et de souffrance, mais aussi de la joie. Comme musicien de Jazz, j’avais des années d’expérience de l’improvisation, et je me suis reconnu dans cette spontanéité. Il y avait là un potentiel fabuleux pour exprimer la Bonne Nouvelle de l’Evangile. C’est la rencontre avec la souffrance des jeunes qui m’a conduit à répondre à cette souffrance. J’ai suivi l’invitation de Jean-Paul II à rendre le message du Salut accessible aux jeunes (dans un langage qu’ils puissent comprendre), car seul le Salut offert par le Christ donne du sens et de la valeur à nos souffrances.
Les bénéfices de vos ventes de disques et de vos concerts vont au “Centre Culturel pour les Jeunes du Sud du Bronx”. Quels sont les buts de ce centre ?
Mes gains profitent toujours à nos œuvres. Nous avons le “Centre pour les Jeunes Saint-François”, “l’Abri Padre Pio”, la “Résidence Saint-Antoine”, des réseaux de distribution de nourriture, et des contacts individuels avec des jeunes et des familles à qui nous donnons l’argent que nous avons. Nous les assistons dans leurs besoins spirituels et matériels : nourriture, vêtements, éducation, et toutes les nécessités du quotidien.
Le but de toutes les réalisations de notre maison de production1 est de mettre l’amour en actes, de proclamer cet amour dans le monde, en chanson, dans la tradition de saint François. C’est en quelque sorte pour « faire aimer l’Amour » !
Lorsque saint François était jeune, à Assise, il parcourait les rues et frappait aux portes en criant : « L’Amour n’est pas aimé. » A notre petite mesure, nous n’avons pas d’autre but que de faire un peu mieux aimer l’Amour.
Avez-vous déjà rencontré le pape Benoît XVI ?
Je crois que Benoît XVI nous est offert par la Providence divine pour conduire l’Eglise et le monde en ce temps précis, en poursuivant l’élan donné par le grand pontificat du grand Jean-Paul II.
Il a dit lui-même que son travail n’est pas d’écrire de nombreux textes, mais de faire en sorte que le patrimoine immense du pontificat de Jean-Paul II soit assimilé dans la vie de l’Eglise. Son brillant intellect, et ses dons incroyables de clarté et de profondeur, le rendent plus que quiconque « taillé pour le job ». Comme le rappelait une femme du service de sécurité d’un aéroport après que je lui eusse montré une photo du Pape Benoît XVI : « Il était le bras droit de Jean-Paul II. »
L’Occident est agité par toutes sortes de cultes et de sectes. Comment l’Eglise doit-elle répondre à cette soif de spiritualité désordonnée ?
Comme pour tout : avec amour et vérité. Il y a des tas de gens avec des talents différents dans l’Eglise, et si nous travaillons étroitement ensemble, avec la diversité de ces talents, nous pourrons répondre à tous les défis avec la force de la vérité de l’amour. L’Amour et la Vérité sont indissociables. Quand ils sont séparés, il en résulte un appauvrissement dramatique de la personne humaine. C’est ça, c’est cet appauvrissement, qui est le défi d’aujourd’hui.. n
1) Voir www.francescoproductions.com
Et saint Antoine ?
Le frère Stan Fortuna est franciscain. Nous lui avons demandé s’il pouvait nous raconter un épisode de dévotion à saint Antoine qui l’aurait marqué.
Quand j’étais enfant, j’étais dans une paroisse appelée « Notre-Dame-du-mont-Carmel – Saint Antoine ». Et l’église qui se trouvait juste à côté de l’endroit où j’ai grandi s’appelait Saint-Antoine-de-Padoue. Je me souviens avoir vendu des lumignons et des cierges à
25 cents à des dames italiennes qui allaient les porter devant la statue de saint Antoine pour sa fête.
Ma grand-mère italienne avait une grande dévotion à saint Antoine. Elle avait réalisé dans son jardin une sorte de petit sanctuaire à l’ancienne mode, en utilisant une vieille baignoire, pour sa statue de saint Antoine. Elle avait un grand amour et une profonde dévotion pour ce saint, et elle mes les a transmis.