Laïcs consacrés, fidèles à Dieu, fidèles au monde

19 Octobre 2015 | par

L’Année de la vie consacrée voulue par le pape François s’achèvera le 2 février prochain. Elle est l’occasion de se pencher sur le charisme particulier et parfois mal connu ou incompris des laïcs consacrés, dont le rôle est pourtant essentiel dans l’œuvre de l’Église aujourd’hui.



L’an 1947 est une année charnière dans l’histoire récente de l’Église. Le 2 février, le pape Pie XII publie en effet la constitution Provida Mater, qui confère un statut officiel aux instituts séculiers. Pour la première fois le magistère reconnaît cette vocation originale de personnes, vivant par le Christ et enracinées dans leur temps. Cette intuition de vivre dans son milieu de vie naturel n’est pourtant pas nouvelle. Dès les premiers siècles de l’Église, une consécration nuptiale et liturgique était proposée à des femmes « dans le monde » avant même l’apparition des ordres religieux. Sainte Geneviève, qui vécut au Ve siècle, est un des exemples les plus célèbres de ces « vierges consacrées ».

On peut également rappeler au XVIe siècle la figure d’Angèle Merici. Cette jeune Italienne de Brescia demande à entrer dans le Tiers-Ordre de saint François d’Assise, tout en poursuivant sa vie au service des autres, une première à l’époque. Quelques années plus tard, Angèle fondera la compagnie de Sainte-Ursule, des femmes consacrées à l’éducation des jeunes filles, mais qui se donnent au Seigneur sans prononcer de vœu public, et ne se retirent pas de leur lieu de vie.

Ce charisme particulier du laïc consacré dans l’Église est parfois méconnu, mais n’en reste pas moins un maillon essentiel dans l’œuvre missionnaire et évangélisatrice, à laquelle le chrétien est appelé. Ces laïcs consacrés vivent une « double fidélité » celle au Christ avant toute chose, mais aussi celle au monde et à ses acteurs au quotidien. Ces hommes et ces femmes sont devenus, au fil du temps, un mode nouveau de présence de l’Église dans le monde.

 

Sanctifier le monde « de l’intérieur »

« En assumant les mêmes conditions de vie que les hommes de leur temps, les laïcs consacrés sont, comme beaucoup de chrétiens, les témoins du respect, de l’accueil de l’autre, de la compassion et d’actes d’amour, de paix, de justice et de réconciliation », explique Nadège Védie, laïque consacrée et actuelle présidente de la Conférence mondiale des instituts séculiers.

Cette proximité avec les autres dans le quotidien est le lieu même de la consécration pour ces laïcs, explique encore Nadège Védie. Cette « immersion » dans le monde rend leur charisme particulier, celui de voir à l’œuvre le travail de l’Esprit Saint dans le regard de ceux qui leur sont confiés.

« Par une vie parfaitement et entièrement consacrée à la sanctification du monde, les membres des instituts séculiers participent à la tâche d’évangélisation de l’Église dans le monde et à partir du monde où leur présence agit à la manière d’un ferment » précise le catéchisme de l’Église catholique. La mission des laïcs consacrés s’enracine ainsi en profondeur. Ces laïcs s’efforcent de contribuer « de l’intérieur » à la transformation du monde, en essayant par leur vie de le sanctifier.

« Les membres d’instituts séculiers participent ainsi, avec les hommes de leur temps, à l’accueil d’un don qui travaille l’humanité de l’intérieur précise Nadège Védie, et qui fait de l’homme le temple de l’Esprit, un lieu sacré, quelles que soient ses blessures et limites. » La tâche apostolique est donc, pour les laïcs consacrés comme pour les prêtres séculiers d’être au plus près de cette « pâte humaine » qui fait la vie de tous les jours, une vie partagée avec nos contemporains, quel que soit le milieu social où le contexte géographique.

 

Retrouver la joie

Un des aspects de la vie consacrée s’articule autour de la joie, à laquelle sont appelés tant les religieux que les laïcs, particulièrement dans notre monde contemporain, marqué par la fragmentation et la sécularisation. Dans sa lettre du 30 novembre 2014 destinée à tous les religieux et religieuses en vie de l’ouverture de l’Année de la vie consacrée, le pape François insiste d’abord sur ce premier pilier : « Soyez joyeux ! » écrit-il, avant d’appeler au courage et au témoignage à contre-courant. Pour le Souverain Pontife, il s’agit de montrer que suivre le Christ et mettre en pratique son Évangile remplit le cœur de bonheur, un bonheur à rendre contagieux : « Contaminez par cette joie ceux qui vous approchent », invite le Pape.

« Engagez-vous à transformer le monde à partir de la joie de votre consécration et avec l’esprit des béatitudes généreusement assumées et exprimées» soulignait en son temps le cardinal argentin Eduardo Pironio préfet de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée, en 1976. Devant l’assemblée générale des responsables des instituts séculiers, le Cardinal avait axé son discours sur la « joie propre de la consécration séculière ». Quarante ans plus tard, les enjeux n’ont pas changé, l’urgence reste la même. Il s’agit de vivre le présent avec passion et humilité, dans un monde, rappelle le pape François, marqué par un « déficit de joie ». « Nous ne sommes pas appelés à accomplir des gestes épiques ni à proclamer des paroles retentissantes, mais à témoigner de la joie qui vient de la certitude de se sentir aimés, de la confiance d’être sauvés », rappelle le Saint-Père. Une parole qui vaut aussi bien pour les religieux que pour les laïcs. 





Le chemin de votre sanctification est ainsi tracé avec clarté : l’adhésion oblative au dessein salvifique manifesté dans la Parole révélée, la solidarité avec l’histoire, la recherche de la volonté du Seigneur inscrite dans les événements humains gouvernés par sa providence. Et, dans le même temps, se déterminent les caractères de la mission séculière : le témoignage des vertus humaines (...) En outre, l’engagement pour l’édification d’une société reconnaissant, dans ses divers secteurs, la dignité de la personne et les valeurs incontournables pour sa pleine réalisation, appartient à la mission séculière : de la politique à l’économie, de l’éducation à l’engagement pour la santé publique ; de la gestion des services à la recherche scientifique. Chaque réalité propre et spécifique vécue par le chrétien, son travail et ses intérêts concrets, tout en conservant leur consistance relative, trouvent leur fin ultime s’ils appartiennent au même objectif pour lequel le Fils de Dieu est entré dans le monde.

 

Discours de Benoît XVI aux participants à la Conférence mondiale des instituts séculiers, 3 février 2007

Updated on 06 Octobre 2016