Rencontre avec... Bernard Berthod

17 Avril 2015 | par

Quelle est l’origine de la vénération des reliques dans l’Église ?

Il faut d’abord préciser que la première relique que l’on a vénérée en tant que telle est la Sainte-Croix de la Passion, après que l’impératrice Hélène l’a retrouvée à Jérusalem. De nombreux pèlerins venaient déjà en pèlerinage dans la ville sainte au début du IVe siècle mais se crée dès lors un véritable courant de vénération. Les reliques des saints vont venir plus tardivement. Jusqu’ici, les martyrs étaient vénérés sur le lieu-même de leur ensevelissement, que ce soit à Rome, à Carthage ou dans d’autres villes de l’empire. Ce n’est que vers la fin du Ve siècle que l’on va chercher les corps des martyrs dans les cimetières, d’une part pour les sauvegarder des pillages, et puis parce que la mentalité religieuse a changé. Dans l’empire romain, de plus en plus de barbares se montrent intéressés par la « culture de la relique », mais il faut qu’ils la touchent. La relique va donc devenir un peu comme un talisman. Les évêques vont faire preuve de vigilance pour que la relique ne devienne pas un objet magique, mais dans le même temps ne voient pas d’un mauvais œil la conversion de ces barbares à la foi chrétienne à cause de ce pouvoir des reliques des martyrs puis des confesseurs.

 

Comment l’Église a-t-elle fait pour lutter contre les dérives idolâtres tout en maintenant le pouvoir d’édification spirituelle des reliques ?

Ce fut en effet un problème ! Le pape comme les évêques vont essayer de trouver un juste milieu, c’est-à-dire que certes, on va vénérer celui qui est mort « en odeur de sainteté » puis on va le toucher à travers les brandea, ces morceaux d’étoffe dans lesquels on enveloppait le corps du saint, mais l’Église va toujours s’attacher à fonder historiquement les choses. Vont alors se développer les vitae, les vies de ces saints pour attester de leur exemplarité de vie chrétienne. Plusieurs écoles vont s’affronter pour savoir s’il faut ou non dépecer les martyrs ou les vénérer tout entier, avant que les « dépeceurs » ne gagnent. On se souvient ainsi du corps de saint Louis qui a été bouilli afin que ses os soient répartis dans tout le royaume. À la fin du XVIe siècle, l’Église crée la congrégation des rites qui va faire travailler des historiens comme les jésuites bollandistes. Ceux-ci, après un gros travail, vont éliminer du calendrier un certain nombre de saints « douteux », ce qui répond d’une certaine manière à la demande de la Réforme. C’est aussi l’époque où l’on renforce canoniquement le procès en canonisation pour le rendre plus historiquement valable. Urbain VIII, au début du XVIIe siècle, va ensuite créer une sorte de marchepied entre le fidèle classique et le saint en instituant les béatifications qui jusqu’ici étaient limitées aux diocèses. Cela avait pour but de mieux prendre en main l’organisation de la dévotion. La délimitation ecclésiale de la dévotion a toujours été une grande question dans l’Église, prise en compte par les autorités successives, papes et évêques, alors que par essence la dévotion est privée, là est toute la difficulté. On voit ainsi très clairement dans l’histoire de l’Église des phases où l’on met en avant l’exaltation des saints ; comme à la fin du XVIe où les martyrs antiques seront comparés à ceux des guerres de religion, ou encore au XIXe siècle où l’on va promouvoir le martyr et le saint en contre-pied de la Révolution française. Ce sont des temps où la politique rejoint l’aspect purement pastoral.

 

Aujourd’hui, la vénération des reliques est redevenue très populaire, quel que soit le continent, à quoi l’attribuez-vous ?

Le peuple chrétien contemporain a besoin de saints et d’exemples proches de lui, il veut de saints maris et femmes, impliqués dans le monde du travail et pas seulement des très saintes religieuses qui auraient fondé une congrégation au XIXe siècle ou avant. Et les évêques actuels se remettent à réfléchir à la dimension pastorale de la relique. Je crois que cet engouement pour la vénération est à attribuer à la mondialisation qui secoue notre vieille Europe. De plus en plus de non-Européens y habitent et parmi eux beaucoup de chrétiens, qu’ils viennent des Philippines, d’Amérique latine ou du continent africain. Pour ces populations, le phénomène de relation à la relique n’a jamais cessé. Ces communautés, en n’ayant pas peur du geste dévotionnel, nous apportent du sang nouveau.

Vénérer des reliques, c’est revenir à la piété populaire, à une « foi des humbles » pas toujours comprise chez nous…

Cela n’est pas toujours compris en Europe où nous restons encore marqués par les critiques des anticléricaux du XIXe siècle ou par celles des Églises réformées, ce qui a conduit parfois à une intellectualisation trop forte de notre expression de foi. Ce sont des élans de dévotion qui sont émotionnels, où l’on touche et pleure parfois. Mais comme la liturgie s’est enrichie par la musique, on a besoin d’avoir aussi dans sa vie une dévotion. Prenons celle de Padre Pio, longtemps mise sous le boisseau et aujourd’hui immense, bien au-delà de l’Italie. Quand le pape François évoque la piété populaire, quand il parle des périphéries, il dit qu’il ne faut pas avoir peur de ces gestes, ne pas avoir peur de toucher, de boire l’eau de Lourdes, etc… On est passé d’une certaine condescendance envers cette piété (il n’y a qu’à voir le nombre de reliquaires que l’on trouve chez les brocanteurs et le nombre d’oratoires qui ont été dépouillés !) à un retour de cette vénération des saints. Pour de nombreuses personnes, les débats dans l’Église sont trop complexes, tout comme certains sermons. Aujourd’hui, de très nombreuses personnes ont besoin de cette expérience pour nourrir leur foi, elles ont besoin de se retrouver dans la figure d’un saint qu’ils vénèrent et qui les soutient. Cette soif dépasse et même échappe parfois à l’autorité ecclésiale. Ces figures vénérées par le peuple sont aussi une manière d’annoncer l’Évangile. 

QUESTIONNAIRE DE SAINT ANTOINE

Connaissez-vous saint Antoine de Padoue et, si oui, quelle image avez-vous de ce saint ?

J’ai beaucoup de vénération pour lui. Il est passé pour une figure mièvre alors que c’était un homme tout à fait fort et exceptionnel, et dont la figure reste passionnante.

Comment priez-vous ?

Je prie justement en me confiant à des saints, en particulier à la Vierge Marie. Je suis lyonnais et on sait que le lien qui unit Lyon à Marie est très important. Ma prière est plus celle d’une intercession que d’une prière directe à Dieu, dans le secret de mon cœur.

Quand vous sentez-vous le plus proche de Dieu ?

À la messe, au moment de l’offertoire et de la consécration.

Qu’est-ce qui vous a rendu le plus heureux ces derniers mois ?

C’est très simplement la naissance de mon premier petit-fils.

 

Updated on 05 Octobre 2016