Rencontre avec... Père Didier Duverne
Né en 1959, le père Didier Duverne est prêtre du diocèse de Paris. Ordonné en 1988, il a été successivement curé de Notre-Dame du Rosaire puis de la paroisse Saint-Charles de Monceau. En novembre 2010, il est appelé à Rome pour être responsable de la section francophone au Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation.
Benoît XVI a voulu une Année de la Foi, que signifie-t-elle ?
Il faut rattacher cette Année dans un cycle qui a vu la création du Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation, ainsi que le synode qui s’est déroulé en octobre dernier ; il y a donc une cohérence entre ces événements. Cela veut dire que la nouvelle évangélisation repart elle-même de la foi. Ce n’est pas un retour en arrière mais un ré-enracinement de l’être chrétien dans la foi, c’est-à-dire dans la relation personnelle avec Dieu par le Christ. Cette Année de la Foi suscite dans les diocèses des rencontres, des discussions, des cours, des conférences ; les communautés et mouvements prennent à bras le corps cette Année de la Foi comme une opportunité. Un évêque français me disait récemment : « C’est quand même génial car avec ce thème on peut tout faire ! »
Du côté de Rome, le secrétariat de l’Année de la Foi a été confié au Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation. Nous avons pris ici comme axe la foi de Pierre et nous avons donc prévu, à travers nos différents rassemblements, la possibilité de faire confesser la foi auprès du tombeau de Pierre. Plusieurs rassemblements sont préparés pour éclairer la foi selon les modalités dans laquelle elle s’incarne. Je pense aux mouvements que nous réunirons à la Pentecôte, aux confraternités qui seront également rassemblées et qui représentent la piété populaire, aux séminaristes, aux confirmés, aux catéchistes, ou encore à cette journée de défense de la vie qui sera organisée.
Vous parlez d’un ré-enracinement, cela veut-il dire que l’on parle d’abord aux chrétiens, aux catholiques ? Ne faut-il pas viser et aller à la rencontre des gens pour leur parler de l’Évangile ?
L’idée est qu’un chrétien assuré dans sa foi, qui a une foi consciente et éclairée, est davantage susceptible d’en témoigner que celui qui croit sans trop savoir pourquoi. L’idée de cette Année de la Foi est donc d’approfondir pour rendre crédibles des témoins. Cela implique de connaître d’abord les contenus de la foi et de vivre en conformité avec cette foi professée et proclamée. Le témoignage passe d’abord par une illustration de la vie plus que par des paroles, aussi belles soient-elles.
Avez-vous une méthodologie pour parler de cette foi ?
Il n’y a pas de méthodologie unique car l’Évangile s’adresse aux peuples et nations du monde entier selon la parole du Christ « de toutes les nations faites des disciples » et cela signifie des cultures et des façons de faire aussi diverses chez les hommes et les femmes de ce temps selon l’endroit où ils vivent. Je crois que l’on a moins peur qu’il y a une dizaine d’années d’oser affirmer sa foi. Les catholiques d’aujourd’hui sont plus décomplexés qu’ils ne l’étaient auparavant, et c’est le signe de la liberté et de la grâce données par la foi elle-même.
Faut-il parler autrement de la foi en 2013 ?
Dans l’Évangile de Luc, Jésus dit : « Quand vous serez devant les tribunaux, ne vous inquiétez pas de votre défense, l’Esprit sera là et parlera en vous. » On comprend un peu vite dans cette phrase que l’Esprit suscitera des paroles, des mots à dire. Mais le langage humain ne passe pas seulement par les mots et la parole. On peut très bien communiquer sans se parler. Mgr Rino Fisichella, le président du Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation, insiste beaucoup sur le « style de vie » des croyants. Si on ne voit pas dans leurs vies ce que ça change d’être disciples du Christ, on peut tenir tous les beaux discours que l’on veut mais cela n’aura ni sens, ni consistance. Ce langage nouveau réside donc en grande partie dans ce style de vie. Il faudra bien, comme du temps de la lettre à Diognète au IIe siècle, que les chrétiens vivent au milieu des autres, mais s’engagent dans des chemins qui montrent qu’ils vivent le paradoxe de leur foi. Être dans le monde mais pas du monde, il faut que cela se voie. C’est une provocation au sens d’un questionnement : si notre façon de vivre ne questionne pas, cela veut dire que nous nous sommes affadis dans notre foi. La nouvelle évangélisation est un encouragement à adopter un style de vie qui pose question à nos contemporains. Si les chrétiens ne proposent pas une façon de vivre, une relation personnelle avec Dieu, tout le monde y perdra.
Au-delà de 2013, quelles perspectives y a-t-il pour l’Année de la Foi ?
Nous attendons l’exhortation apostolique post-synodale du pape suite au synode sur la nouvelle évangélisation. Ce texte sera aussi une feuille de route pour toute l’Église. J’utilise souvent cette métaphore d’une grande frégate appareillant dans la rade de Toulon, sur laquelle j’ai fait mon service militaire. Il y a un compte-à-rebours très précis (H-5, H-3, etc.). On appareille à la seconde près et on lâche la dernière aussière qui nous sépare du port. Quand on a franchi les passes de la rade et que le bateau est sur son cap, l’officier chef de quart dit au commandant : « Nous sommes sur notre route. » Je prends cette image pour montrer que depuis « H moins 5 » jusqu’à aujourd’hui, c’est la période avant le concile Vatican II jusqu’à aujourd’hui. Le concile était d’une certaine façon un appareillage, et depuis, l’Église se met sur sa route, en condition d’annoncer l’Évangile. Ces cinquante dernières années ont été des manœuvres de sortie de port. Cette nouvelle évangélisation et l’Année de la foi sont une manière de partir au large. Cette image me semble assez juste même si, en définitive, il ne s’agit pas d’un bateau de guerre mais d’un bateau de pêche !
LE QUESTIONNAIRE DE SAINT ANTOINE
Connaissez-vous saint Antoine, et si oui, quelle image avez-vous de ce saint ?
Il y a d’abord l’image enfantine de celui que l’on prie quand on a perdu quelque chose. Et je peux vous dire en tant qu’ancien curé de paroisse, que le tronc sous la statue de saint Antoine est celui qui fonctionnait le mieux ! Mais au-delà de la piété populaire, saint Antoine représente aussi pour moi l’ermite et le moine franciscain.
Comment priez-vous ?
Je prie d’abord avec l’Église, à travers la liturgie des heures et l’eucharistie bien sûr, l’un et l’autre étant habités et structurés par la Parole de Dieu. Pour moi, prier n’est pas seulement utiliser les instruments de l’Église, mais accompagner l’Église elle-même en prière.
Quand vous sentez-vous le plus proche de Dieu ?
Quand je suis assimilé dans certaines circonstances à ces pauvres ou ces petits auprès desquels le Christ est envoyé de façon privilégiée et avec lesquels il nourrit une relation particulière. Je ressens particulièrement cette proximité quand je me sens plus proche de ceux qui souffrent.
Qu’est-ce qui vous a rendu le plus heureux ces derniers mois ?
Lorsque que l’on a célébré les soixante-cinq ans de mariage de mes parents. J’ai voulu participer à l’organisation de cette fête en préparant la messe que nous avions organisée. Un évêque ami est venu pour l’occasion. Nous avions voulu montrer que ce mariage était un engagement humain, valable et fiable, et rendre ce témoignage public. La journaliste du quotidien local est venue et m’a dit : « On a toujours de mauvaises nouvelles mais ça on n’a jamais ! » et a écrit un article très sympa.