Charité, selon l'Evangile
Cette année, la campagne de Carême du CCFD se propose d’aider les paysans et pêcheurs du Brésil, d’Argentine, du Paraguay et de Bolivie, et les communautés roms des Balkans, à vivre de leurs ressources familiales, afin d’assurer leur souveraineté alimentaire. Regard sur la pratique de la charité dans l’Eglise d’aujourd’hui.
Vous l’avez certainement remarqué. Depuis qu’il a assumé la charge de pasteur de l’Eglise universelle, le pape Benoît XVI ne cesse de rappeler les chrétiens à la mission qui leur est propre : témoigner de l’amour selon l’Evangile (voir l’encyclique Dieu est amour) ; promouvoir un développement qui ne vise pas uniquement à procurer des moyens matériels et des solutions techniques, mais « fondé sur le respect et la dignité de tout homme » (Message pour le Carême 2006). « Si la misère est multiple, observe pour sa part Mgr André Lacrampe, président du Conseil pour la solidarité de l’Eglise de France, elle est aussi dans l’absence d’amour et d’amitié. » La charité soigne donc la misère matérielle, mais surtout la dignité spirituelle de l’homme.
En France, c’est ce même Conseil pour la solidarité qui, à travers ses 14 organismes « a mission de veiller aux pôles de précarité et de pauvreté en France ». La mise en pratique de cette mission se concrétise, en particulier, par la campagne de Carême confiée au CCFD : du 1er mars au 2 avril, en collaboration avec 28 mouvements et services d’Eglise et le concours de 15 000 bénévoles, il propose des animations dans tous les diocèses de France sur « l’accès aux ressources alimentaires familiales des pays d’Amérique du Sud (Argentine, Brésil, Paraguay et Bolivie) et des communautés roms des Balkans ». L’accès aux ressources, c’est-à-dire à la terre, aux semences, aux finances, à l’eau et à la pêche, est en effet une des conditions pour atteindre la souveraineté alimentaire, et l’un des ressorts d’une lutte efficace contre la faim et pour le développement. « Dans cet exercice, souligne Philippe Guérif, chargé des relations avec les communautés chrétiennes, le CCFD, fort de sa longue expérience, témoigne de ce qu’il connaît des situations internationales, relate les situations rencontrées, miroirs de scandales sous nos yeux, mais aussi de personnes qui relèvent – parfois jusqu’au martyre – les défis pour plus d’humanité, de vie et d’espérance. »
Réflexion, jeûne, partage
Depuis toujours dans le christianisme, le temps du carême est propice à la prière, au jeûne et au partage. La prière, surtout la réflexion sur sa propre manière de vivre, modifie le regard sur sa relation à Dieu et aux autres. Le jeûne permet de « vérifier nos priorités », libère du superflu qui alourdit notre marche et rend plus disponibles aux autres. Le par-tage réalise, à travers ce que l’on donne et ce que l’on reçoit, l’amour des uns et des autres, distinctif du chrétien.
Charité et eucharistie
En effet, l’aide matérielle en argent et en moyens techniques en elle-même ne suffit pas à caractériser l’action des chrétiens. Comme le note Benoît XVI dans son encyclique, les organismes de l’Etat et les associations humanitaires favorisent de très nombreuses initiatives et l’Eglise doit collaborer avec elles, « puisque nous sommes tous animés de la même motivation fondamentale » et que « l’impératif de l’amour du prochain est inscrit par le Créateur dans la nature même de l’homme ». Mais, continue le Pape, la charité du chrétien se distingue par trois caractéristiques propres : elle est avant tout réponse à ce qui, dans une situation déterminée, constitue la nécessité immédiate : les personnes qui ont faim doivent être rassasiées, celles qui sont sans vêtements doivent être vêtues, celles qui sont malades doivent être soignées en vue de leur guérison, celles qui sont en prison doivent être visitées, etc. Elle se veut indépendante de partis et d’idéologies et elle est gratuite. Celui qui pratique la charité au nom de l’Eglise ne cherchera jamais à imposer aux autres la foi de l’Eglise : pour lui, l’amour, dans sa pureté et dans sa gratuité, est le meilleur témoignage du Dieu auquel il croit et qui le pousse à aimer.
C’est pour cette raison que l’exercice de la charité dans l’Eglise devient le signe de la sincérité de la foi des chrétiens en l’Eucharistie : « Nous ne pouvons pas nous faire d’illusion, souligne encore Mgr Lacrampe. C’est à l’amour mutuel et, en particulier, à la sollicitude que nous manifesterons à ceux qui sont dans le besoin que nous serons reconnus comme de véritables disciples du Christ. Tel est le critère qui prouvera l’authenticité de nos célébrations eucharistiques. »
L’encyclique et la charité
Il y a beaucoup de phrases dans cette encyclique, qui peuvent être mises en exergue. L’appel à l’engagement des laïcs en faveur de la charité, de la lutte contre la pauvreté, est incessant dans ce texte.
Il y a également des phrases très fortes sur la responsabilité des laïcs pour arriver à un ordre juste dans la société. Il y a une claire distinction entre le rôle de l’Eglise et le rôle de l’Etat, un peu dans une laïcité “à la française”, où l’on rappelle que l’Eglise n’a pas de responsabilité directe dans la mise en place de structures justes.
Ce n’est pas elle qui doit créer un Etat juste, mais elle a un rôle de formation des consciences, pour aider les gens
à comprendre la place qu’ils peuvent avoir
dans cette société.
Tout cela nous parle, car justement le CCFD, notamment à travers la campagne de carême, fait un travail de sensibilisation pour que les gens s’engagent à la fois dans l’action caritative et pour une société plus juste.
Jean-Marie Fardeau, secrétaire général
du CCFD.