Pays de Vaud : lieu de rencontre
Divers par origines, religions et cultures, les chrétiens du canton de Vaud vivent intensément l’intégration, l’entraide et le dialogue.
Chaque dimanche, on célèbre à Renens, carrefour ferroviaire et routier entre Lausanne, Vallorbe et Genève, des messes en français, italien, espagnol et portugais. Plus, de temps à autre, en albanais.
A part le français, ce sont les missions linguistiques qui assurent le service. Il y a la volonté de créer des passerelles, explique Michel Racloz, animateur pastoral. Surtout avec la mission italienne, toute proche et présente de longue date. Un bon noyau d’Italiens fréquentent à la fois la paroisse et la Mission. Les prêtres espagnols, des Dominicains, viennent de Lausanne. Parmi les fidèles, se glissent discrètement des femmes latino-américaines sans papiers. Les Portugais amènent leurs enfants au catéchisme l’après-midi et participent ensuite à l’eucharistie. Cependant, tous les enfants étrangers ne suivent pas la catéchèse à la mission : peu à l’aise dans la langue de leurs parents, certains rejoignent les groupes bigarrés de catéchisme de la paroisse francophone…
Ce brassage démographique s’accompagne d’un chemin vers l’intégration. Grâce à l’action de la société civile, souligne encore Michel Racloz, nous avons l’espoir que la nouvelle génération grandisse dans une société où la diversité est vue d’un œil favorable. Sur le plan ecclésial, le délégué épiscopal Jacques Pillonel souhaite explorer des voies nouvelles pour intensifier encore les liens entre communautés francophones et missions linguistiques.
Brassage démographique et… ecclésial
Les Bernois, qui ont adopté la Réforme en 1521, conquièrent le pays de Vaud en 1536. Ils interdisent le culte catholique, sauf dans le district d’Echallens, bailliage commun de Berne et de Fribourg.
En 1803, libéré de la tutelle bernoise, le canton entre dans la Confédération. Les catholiques représentent alors 2% de la population vaudoise. Leur existence est reconnue en 1810, avec des restrictions. Ils doivent, par exemple, demander une autorisation pour construire une église. Sans clocher, car tout signe extérieur est prohibé. Mais bientôt, le brassage démographique fait son œuvre. Des catholiques viennent de France, d’autres cantons suisses et enfin des pays d’émigration : Italie, Espagne, Portugal… Tant et si bien que leur proportion augmente régulièrement : 13% en 1900, 20% en 1950, 37% en 1970… Aujourd’hui, on ne serait plus très loin de la parité avec les réformés.
Entre temps, naît, en 1964, la Fédération des paroisses catholiques. En 1970, l’Eglise catholique est reconnue d’intérêt public et l’Etat lui accorde un soutien proportionnel à son poids démographique. Cependant, elle continue de s’administrer elle-même et de régler librement tout ce qui est du domaine spirituel . La fédération devient le partenaire de l’Etat, nous explique son secrétaire actuel, Jean-Philippe Gogniat.
Rencontres catholiques-protestants…
Les Eglises présentes auprès des paumés
La proximité avec les plus délaissés est une mission essentielle des Eglises. Elle est vécue par deux équipes, l’une catholiques, Bethraïm, l’autre protestante, la Pastorale de la Rue.
Bethraïm, la Maison de la vie
Tout a commencé en 1988, avec Dominique Lehnherr : J’ai d’abord passé l’essentiel de mon temps dans la rue, raconte-t-il. Petit à petit, des jeunes s’adonnant à la drogue, à l’alcool ou prenant des médicaments se sont mis à fréquenter un lieu d’accueil ouvert près de la paroisse Notre-Dame. Depuis, Bethraïm a gagné un immeuble vieillot d’une ruelle tranquille, près du Comptoir suisse, à Lausanne. Un appartement, avec une vaste cuisine-salle à manger, une chambre et un bureau. En sous-sol, un atelier de poterie et une chapelle…
Qui vient à Bethraïm ? Essentiellement des jeunes entre vingt et trente ans, aux prises avec un problème de dépendance ou souffrant de maladies psychiques ou de solitude. Ils sont sans travail, souvent à l’assurance invalidité. Leur dénominateur commun : une quête de sens, de présence et d’écoute.
Aussi les cinq bénévoles de cette Maison de la vie leur proposent-ils des repas, des douches, des activités manuelles… L’idée, souligne Serge Remy, c’est de remettre ces jeunes en contact avec la réalité… C’est ensuite de leur permettre de reprendre confiance en eux-mêmes.
Mais la chapelle, pourquoi ? En effet, chaque matin, les permanents de Bethraïm font une heure d’adoration avant de commencer le travail. Un groupe d’adorateurs se réunit aussi le premier mercredi du mois : Nous sommes des contemplatifs, dit Dominique Lehnherr. Le Christ nous apprend la pédagogie du plus pauvre.
Pastorale de la Rue
La demande est d’abord spirituelle, mais il y a aussi une grosse demande d’écoute. Aussi le local de la Pastorale de la Rue, proche de l’église du Valentin, comporte-t-il un lieu d’accueil ouvert tous les après-midis et un oratoire. C’est là qu’on se retire quand quelqu’un veut nous parler, souligne Jan de Haas. Le regard de l’interlocuteur se trouve dans la ligne de l’icône de la Résurrection. C’est une manière, souligne-t-il, de dire que nous plaçons ses paroles, ses cris, ses larmes dans cette lumière.
...et entre les religions
La maison de l’Arzillier, à Lausanne, réunit les communautés chrétiennes, musulmanes, hindoues, baha’ies, juives et bouddhistes.
L’Arzillier vient du mot argile, et ce lieu dit bien la fragilité du dialogue entre les religions. Fondée en 1996, à Lausanne, cette Maison du dialogue invite à explorer des croyances et des traditions par des cycles de conférences, débats et expositions et présente l’avantage d’instaurer des liens durables entre les différentes communautés qui, autrement, auraient des relations plus épisodiques…
Mais comment s’y prend-on pour susciter l’amitié entre des traditions religieuses façonnées par des siècles d’histoire et parfois séparées par des siècles de tensions ?
Nous essayons de vivre la convivialité, de goûter à la richesse de la rencontre humaine, de cultiver de bonnes relations de personne à personne , explique Shafique Keshavjee, président de l’association.
En entrant à l’Arzillier, en effet, chaque communauté doit s’engager à collaborer dans un esprit fraternel et à construire des ponts de convivialité… même lorsque les drames du monde deviennent sources de méfiance et d’incompréhension… Nous nous élevons, note Shafique Keshavjee, contre la haine à l’encontre des musulmans, mais de la même manière, nous protestons contre certains imans qui attaquent les valeurs occidentales fondamentales que sont le pluralisme et la réciprocité.