Jésus et les enfants

18 Janvier 2011 | par

Des enfants, il en court partout dans les Évangiles, plus souvent encore que dans l’Ancien Testament. Qu’ils soient des êtres de chair ou des personnages de paraboles, le Christ leur accorde une place singulière dans une société où pourtant ils n’ont pas la place de choix qu’ils occupent de nos jours.





Au temps de Jésus, en effet, si une naissance est vue comme un don précieux, l’enfant demeure globalement déconsidéré par la société. Il est une personne en devenir dont on soigne l’éducation ; il est aussi un être entièrement dépendant de ses parents – comme la femme est dépendante de son mari. Cette condition inférieure se manifeste dans la langue : en hébreu comme en grec, enfants et serviteurs peuvent être désignés par le même mot.





L’amour du Christ pour les enfants

Ceci contraste avec les égards dont les entoure le Christ. On pense bien sûr à l’épisode fameux où le Christ réfrène l’excès de zèle de ses disciples en leur disant : « Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas ». Il accompagne ces mots d’une grande tendresse, Luc précise qu’on apporte à Jésus « même les bébés » (Lc 18, 15) et Marc raconte qu’en plus de les bénir, il les « prenait dans ses bras » (Mc 10, 16).

Autre signe de cette affection particulière pour les enfants, ceux-ci sont souvent l’objet des miracles de Jésus. Il libère ainsi un enfant suicidaire de ses démons, guérit le fils d’un officier du roi et la fille de la Cananéenne, ressuscite celle de Jaïre, tout comme le fils d’une veuve à Naïn.

Les enfants, au demeurant, le lui rendent bien. Une fois que Jésus a chassé les vendeurs du Temple et guéri des infirmes, ce sont eux qui l’acclament par les mots : « Hosanna au Fils de David », scandalisant scribes et grands prêtres (Mt 21, 15-16).



Devenir incomplets

En conclusion de cet épisode, Jésus rappelle que Dieu a choisi de manière privilégiée les tout-petits pour proclamer sa louange. Plus tôt, il s’écriait déjà : « Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits » − littéralement, « aux enfants ». L’homme est ainsi remis à sa place : rien ne peut le conduire à Dieu sinon une attitude filiale, humble, celle de l’enfant tout dépendant de son père. Dieu se sert préférentiellement des plus faibles : c’est un enfant qui, avant la multiplication des pains, présente cinq pains et deux poissons (Jn 6, 9).

Il n’est pas question ici d’innocence – les enfants peuvent être aussi chamailleurs et versatiles, comme en témoigne la parabole des gamins sur les places. Rien non plus de régressif : il ne s’agit pas, ainsi que l’imagine Nicodème, d’« entrer une seconde fois dans le sein de sa mère » (Jn 3, 4), et saint Paul invite les Corinthiens à être des adultes sur le plan du jugement  (1 Co 13, 11 et 14, 20).

Mais le modèle de l’enfant, c’est Jésus lui-même. Juste après nous avoir commandé de « redevenir comme des enfants », il ajoute : « Qui accueille en mon nom un enfant comme celui-là, m’accueille moi-même » (Mt 18, 2). Le paradoxe entre dépendance et responsabilité ne doit pas nous surprendre mais nous éclairer : Jésus n’est-il pas à la fois l’agneau et le berger ? 



Et dans l’Ancien Testament ?

L’enfant est déjà le réceptacle privilégié de la grâce divine. La louange d’Ève, à la naissance de Caïn, rappelle que Dieu est le créateur de tous les hommes. Des enfants naissent miraculeusement de femmes stériles, comme Isaac, Samson et Samuel. Ce dernier entend la voix de Dieu encore petit, et bien que « la parole du Seigneur fût rare en ces jours-là » ; plus tard, il a pour mission d’oindre David, le dernier des fils de Jessé, auquel on ne pense qu’après avoir passé en revue ses sept frères. « Ma grâce te suffit, dira plus tard le Seigneur à saint Paul, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse ».



Updated on 06 Octobre 2016