Pratiques de la lecture
Entre constats enthousiastes et discours déploratifs, la lecture est un sujet qui porte à controverse. Il faut dire que son statut d’activité de choix pour la jeunesse, finalement assez récent dans l’histoire, change à présent sous l’influence des nouvelles technologies. État des lieux du livre chez la jeune génération.
Une vidéo très populaire en ce moment sur Internet présente Book, une « révolution technologique sans précédent », qui n’a besoin ni de batterie ni de connexion et qui ne plante jamais. On aura reconnu… le livre.
Cette production d’un collectif espagnol pour la promotion de la lecture est emblématique de la mutation que connaît notre époque : entourée de ses écrans de télévision, d’ordinateur et de téléphone portable, la jeune génération ne déserte pas forcément le livre, mais elle ne peut plus le considérer, à l’image de ses aînés, comme le seul vecteur culturel.
On s’oppose volontiers sur l’importance de la lecture chez la jeunesse. Les uns s’appuient sur les très bons chiffres de l’industrie de l’édition : le secteur de la littérature jeunesse se porte bien, puisqu’elle représente une vente de livre sur cinq. Les autres mettent en évidence que ces ouvrages où l’image prédomine souvent et où la langue n’est pas toujours soignée ne conduisent pas ensuite à la lecture d’œuvres plus exigeantes.
Une perte de goût à l’adolescence
Mais la baisse de la pratique a aussi d’autres causes. De fait aujourd’hui, en primaire et au début du collège, les enfants se montrent volontiers enthousiastes si on leur propose de lire pour le plaisir. Au contraire, lorsque l’adolescence s’installe, on constate que le goût de la lecture se perd chez beaucoup.
C’est la nécessité d’appartenir à un groupe qui devient la plus importante, et le livre, qui propose au contraire un certain rapport au sérieux et à l’autorité moyennant une activité foncièrement solitaire, perd alors du terrain.
Il semble, en définitive, que le fossé se creuse entre jeunes lecteurs et non-lecteurs, non plus tant en matière de culture proprement dite que de savoir-être, même si le premier bénéfice évident est une meilleure maîtrise de la langue.
Lire, un savoir-être
C’est que le livre donne moins immédiatement que l’image son contenu, son déchiffrement est progressif. Voilà bien ce qui détermine la préséance de l’information visuelle sur le texte.
Mais être dégagé du diktat de l’image permet de développer plus librement l’imagination. Cela favorise aussi la prise de recul et donc la réflexion sur le contenu, puisque le discours n’est pas livré dans l’instantanéité et que le lecteur peut prendre le temps de relire et d’analyser, contrairement aux images télévisuelles et cinémato-
graphiques qui se déroulent en continu.
Le rapport au monde développé par les jeunes lecteurs est donc différent. Cela leur apprend à exécuter une tâche et une seule alors qu’ils cumulent souvent les activités simultanées (par exemple, musique, jeu et télévision). Enfin, cet apprentissage lui-même est utile pour apprendre à se confronter à la difficulté : avec un livre, impossible de zapper. C’est souvent un grand regret des professeurs, qui voient là un écueil pour beaucoup d’élèves qui seraient par ailleurs capables de bien réussir – et cela est relativement nouveau.
Quelques chiffres-clés
Selon une enquête de l’INSEE de 2005, les deux tiers des 15-24 ans déclaraient avoir lu au moins un livre durant les 12 derniers mois. Il s’agit de la tranche de population qui déclare fréquenter le plus les livres. Cela s’explique notamment en raison des prescriptions scolaires. Dans la même étude, seule une personne sur deux ayant plus de 60 ans répondait favorablement à cette question. Le Centre National du Livre montre pour sa part que les séries de romans sont plébiscitées (les trois quarts des adolescents disent les apprécier), et confirme en revanche la désaffection croissante pour les ouvrages de littérature classique.