Pèlerins, que cherchez-vous ?
L’été est là et l’envie de marcher aussi ! Ce temps des vacances est propice pour ralentir le rythme et se mettre en harmonie avec la nature. Si le chrétien s‘exerce à écouter Dieu chaque jour, partir marcher met ses cinq sens particulièrement en éveil et le rend disponible à toute rencontre. En route, à la recherche du pèlerin et de son chemin !
Le pèlerin, la route et le lieu saint. Voici les trois éléments qui déterminent le pèlerinage. Le pèlerin avance physiquement et spirituellement sur un chemin qui n’est pas celui du quotidien ; la route devient alors une rupture par rapport à l’ordinaire ; le lieu saint est le but vers lequel le pèlerin se dirige. Pèlerin vient du latin peregrinus, signifiant « passage de frontières » ou « étranger ». Ainsi, le pèlerin devient étranger à ses sécurités et à son confort. Exit le bien-être que la société matérielle nous assène. Le pèlerin devient aussi étranger à lui-même, mais il n’est pas désincarné. Il a les pieds sur terre et part marcher… pour savoir pourquoi il marche !
En effet, chaque pèlerin est mû par une envie de partir, mais n’en connaît pas forcément les raisons. Cependant, à interroger les pèlerins, quelques motivations récurrentes les habitent comme l’accomplissement d’un rêve, une recherche personnelle, la joie de la rencontre, de la marche, de l’aventure. Et tant de raisons cachées au fond d’eux, autant de raisons que de personnes qui partent. Mais un fait demeure, déconcerte et interpelle : au XXIe siècle, comme depuis toujours, des gens, de nombreuses cultures et religions, un jour se lèvent, prennent un bâton, laissent leur voiture et prennent la route… à pied.
Dans les pas des pèlerins
Les pèlerinages se développent dès le IVe siècle, lorsque le christianisme est reconnu et commence à s’implanter. Au Moyen Âge, partir en pèlerinage était ordinaire et n’était pas considéré comme une forme d’évasion, mais constituait un moment de renaissance, de régénération spirituelle et d’annonce du Christ. Saint Antoine de Padoue a parcouru tant de chemins pour annoncer l’Évangile : en Italie, on retrouve aujourd’hui le Chemin de saint Antoine, avec deux variantes complémentaires, appelées « le dernier chemin » et « le long chemin ». Ces deux itinéraires mènent vers Padoue et entendent parcourir les étapes les plus significatives de la vie du saint. Au cours des siècles, une multitude de voyageurs s’est mise en route, a emprunté des voies romaines ou des chemins de traverse pour se rendre sur des lieux saints. Il y a des voies « officielles » pour se rendre en pèlerinage mais aussi tous les parcours tracés au fil des curiosités des pèlerins face à telle ou telle relique, abbaye, chapelle ou lieu de piété. Lorsque l’on marche vers un lieu saint, on met ses pas dans ceux des milliers de pèlerins avant soi et l’on peut se laisser interpeller par Jésus qui nous dit : « Je suis le chemin, la vérité, la vie ». Le pèlerin se place « au creux du chemin, dans le cœur de Dieu », selon la journaliste pèlerine Alix de Saint-André.
Sortir de soi pour partir
Partir en pèlerinage, c’est s’arracher du quotidien pour faire autre chose, prendre du temps, sortir de soi pour aller vers Dieu. Le pèlerin met sa confiance en Dieu, à l’image d’Abraham qui se met en route à l’appel du Seigneur. Il faut laisser ses habitudes et tout ce qui contribue à la sécurité au quotidien. Renoncer à certaines choses permet de purifier son cœur, son regard, son âme. Le pèlerin cesse alors de vouloir maîtriser sa vie, il sort de lui-même, de chez lui et se laisse attirer par le chemin, car beaucoup de pèlerins en témoigneront : arriver n’est pas le but, c’est la route qui attire.
Effort
Quatre verbes caractérisent particulièrement la démarche du pèlerinage : partir, marcher, demeurer et repartir. Chaque pèlerin parcourt pas à pas son chemin.
La démarche physique a toute son importance : le pèlerin éprouve dans son corps l’effort, la fatigue, la douleur, prend conscience de ses limites, de ses fragilités, il apprend la persévérance. La marche entraîne aussi une admiration du paysage et le silence, permettant d’unifier le corps et le cœur dans la prière. Selon Alix de Saint-André, « le pèlerin est quelqu’un qui marche, souffre, admire et aime : il est en plein cœur de Dieu ».
Avoir du temps
Tous les chemins ont un point commun : la lenteur est considérée comme un trésor. Faire en quinze jours à pied ce que l’on met deux heures à parcourir en voiture. La lenteur de la marche apprend à se laisser porter, à ne plus chercher à être efficace, productif. Le pèlerin vit l’instant présent. Il est à pied, à vélo, accompagné d’un âne, seul ou en groupe, marche d’une traite ou en plusieurs années vers son but et porte souvent un nom : le jacquet (vers Saint-Jacques de Compostelle), le miquelot (vers le Mont Saint-Michel). L’histoire et la tradition ont fait que l’on arrive à pied dans certains sanctuaires. Avis aux pèlerins qui ouvriront une voie pédestre et pèlerine vers Rocamadour, La Salette, Pontmain, etc.
Le retour… pour mieux repartir
Lorsque l’on est arrivé, comment revenir chez soi ? Partir à pied… et revenir à pied pour intégrer le voyage ? L’aller permet de se nourrir, le retour de digérer. « Sur la route du retour, on n’a plus l’attente du sanctuaire mais seulement l’allégresse de rentrer vers les siens », témoigne Édouard Cortès, rentré à pied de Rome. Le pèlerinage est un élan du cœur et doit faire rayonner notre vie, quel que soit le chemin emprunté. Notre vie elle-même n’est-elle pas un pèlerinage ?
« Marcher. “Maison de Jacob, allons, marchons à la lumière du Seigneur” (Is 2, 5).
C’est la première chose que Dieu a dite à Abraham : Marche en ma présence et sois irrépréhensible. Marcher : notre vie
est une marche et quand nous nous arrêtons, cela ne va plus.
Marcher toujours, en présence du Seigneur, à la lumière du Seigneur, cherchant à vivre avec cette irréprochabilité
que Dieu demandait à Abraham, dans sa promesse. (…) Quand on ne marche pas, on s’arrête. (…)
Marcher, édifier-construire, confesser. Mais la chose n’est pas si facile, parce que dans le fait de marcher, de construire, de confesser, bien des fois il y a des secousses, il y a des mouvements qui ne sont pas exactement des mouvements
de la marche : ce sont des mouvements qui nous tirent en arrière. »
Pape François,
14 mars 2013,
Chapelle Sixtine