2004 : l'année George Sand
Le bicentenaire de la naissance de George Sand fera l'objet d'une année George Sand, à l'image de Victor Hugo en 2002, Par ses choix, son engagement, sa capacité à dépasser les conventions, grâce à la puissance de son écriture, George Sand est l'une des femmes les plus impressionnantes du XIXe siècle.
Née le 5 juillet 1804, George Sand, de son vrai nom Aurore Dupin de Francueil, perd très jeune son père, Maurice Dupin, colonel dans les armées napoléoniennes. Elle est élevée par sa mère et sa grand-mère, deux femmes qui se détestent et que tout sépare.
Tiraillée entre le Berry et Paris
Sa mère, Antoinette-Sophie Delaborde, est une ancienne fille du pavé qui supporte difficilement le mépris qu'affiche à son égard sa belle-mère, la vieille comtesse... George Sand ne reniera jamais aucune de ses origines, où elle puisera une expérience multiple et originale. Tiraillée entre deux éducations, l'une primesautière et anarchique jusqu'à la révolte , l'autre raffinée et jusqu'à la raideur, la petite Aurore, belle et intelligente, a bien du mal à s'y retrouver. Elle écrit encore 40 ans plus tard : Ma mère et ma grand-mère se sont arraché les lambeaux de mon cœur. Son enfance, puis son adolescence, se déroulent principalement dans le Berry, à Nohant, chez sa grand-mère, ce qui lui apporte l'expérience directe de la vie à la campagne, autant celle des paysans que des châtelains ; pour faciliter ses déplacements et économiser ses robes, son précepteur la fait habiller en garçon. L'enfant fera également des séjours à Paris pour voir sa mère, qui vit dans une mansarde. Elle connaît heureusement quelques instants de répit dans le couvent des Augustines anglaises, à Paris. Là, elle se réfugie dans la religion, mais plus encore dans la musique et la lecture. Ainsi s'expliquent certains traits de son caractère : une soif intarissable d'amour tant à donner qu'à recevoir, une sensibilité et une maturité étonnante chez une si jeune fille, une culture extraordinaire et un mépris total des convenances. Son entourage ne lui pardonne pas son indépendance d'esprit et sa liberté d'allure. Elle quitte le pensionnat en avril 1820, après avoir connu une véritable crise mystique. Adulte, Sand continuera à se rattacher à une foi globalement chrétienne, mais s'éloignera de la pratique religieuse.
Aurore Dupin devient George Sand
A dix-huit ans, Aurore Dupin épouse le baron Casimir Dudevant, un hobereau un peu rustre, voire lourdaud, qui a bien du mal à comprendre sa jeune épouse, intelligente, musicienne, intellectuelle, raffinée. Le piano l'agace et la lecture l'endort ! L'arrivée de deux enfants, Maurice et Solange, enchante Aurore qui peut enfin donner libre cours à sa soif de tendresse. Elle, que l'on taxera plus tard de femme hommasse, se montre la plus attentive et la plus tendre des mères. Par contre sur le plan conjugal, rien ne s'arrange. Son mari la trompe et elle ne voit pas pourquoi elle n'en ferait pas autant ! Conduite scandaleuse dans ce XIXe siècle qui jette en prison les femmes adultères. En 1832, lasse des disputes incessantes avec Casimir, lasse de la province où elle s'ennuie, Aurore décide de monter à Paris : Je souffre d'être séparée de mes enfants, dit-elle, mais je suis décidée à suivre une carrière littéraire. Je leur serai plus utile avec la plume du scribe qu'avec l'aiguille de la ménagère. Le travail, c'est la liberté.
Elle reprend le costume masculin qui lui permet de se déplacer en toute tranquillité. Aurore Dupin disparaît pour céder la place à l'écrivain George Sand. George comme George Eliot, une femme de lettres anglaise et Sand, abréviation de Sandeau, le nom d'un amant avec qui elle écrit des articles pour la Revue des deux mondes. Elle m'a pris le sang et m'a laissé l'eau, dira plus tard Jules Sandeau avec amertume. Le succès de George Sand comme journaliste et romancière est immédiat. Les éditeurs parisiens s'arrachent ses manuscrits et les lecteurs réclament sans cesse une suite aux feuilletons qu'elle écrit dans la Revue des deux mondes. Il a fallu à George moins de deux ans pour s'imposer au premier rang des lettres françaises, écrit Huguette Pirotte, sa biographe, alors que Balzac a écrit dix volumes avant d'être connu, que Stendhal est ignoré et le restera longtemps encore.
Sans négliger d'autres thèmes, Sand écrit la plupart de ses romans en s'inspirant de son enfance à la compagne, comme Jeanne, Le meunier d'Angibault, La Mare au Diable, Le Péché de Monsieur Antoine, La Petite Fadette, François le Champi.
Engagement politique
L'influence du penseur socialiste Pierre Leroux est déterminante dans l'évolution de son engagement politique autant que dans sa création romanesque. En février 1848, débutent des mouvements révolutionnaires qui mèneront à la proclamation de la deuxième République. George Sand s'engage résolument dans la vie politique : à la demande du ministre de l'Intérieur, elle participe à la rédaction des Bulletins de la République. Choquée par la répression de juin, elle rentre à Nohant et publie quelques pamphlets comme Aux riches , ou Histoire de France . Plus tard, son opposition au coup d'Etat et à la proclamation de l'Empire se manifeste par l'aide qu'elle apporte aux Républicains poursuivis et exilés, et pour lesquels elle demande, à l'Empereur et à son entourage, indulgence et remises de peine. Enfin, c'est depuis le Berry qu'elle suit les évènements de 1870-1871 ; elle se désole de l'occupation et ne comprend pas la violence de la Commune.
Journaliste engagée et éloquente, elle marquera son époque. Epistolière féconde, elle est l'auteur de quarante mille lettres. Comme écrivain, elle fait figure, à bien des égards, de précurseur, prenant un siècle d'avance sur ses contemporains. Malgré tout cela, les chroniqueurs ne s'intéresseront pendant longtemps qu'à ses aventures sentimentales pour alimenter la presse à sensation. Elle fut la maîtresse de Alfred de Musset, de Prosper Mérimée et surtout de Frédéric Chopin. Cette femme aux idées révolutionnaires, habillée en homme, avec un prénom d'homme, le cigare au coin des lèvres, vivra dix ans avec le pianiste polonais romantique, aux goûts aristocratique, raffiné, élégant, mondain.
Jeanne, Marc-Antoine, Aurore, Gabrielle...
Georges Sand fut une grand-mère attentive, très attachée à ses petits-enfants. Une grand-mère meurtrie aussi, car Solange, après avoir perdu une petite fille dès la naissance, perd également Jeanne, sa seconde fille alors âgée de six ans, dont George Sand s'était beaucoup occupée. Malgré sa douleur elle écrit Sur la mort de Jeanne Clésinger . Elle y raconte une sorte de rêve où elle dit avoir vu l'âme de sa petite-fille, ce qui lui permet d'affirmer sa foi en une immortalité de l'âme et une vie éternelle, détachée cependant de l'orthodoxie catholique. Son fils, Maurice, aura trois enfants. Marc-Antoine, qui meurt un an après sa naissance, et deux filles, Aurore et Gabrielle. George Sand s'occupe beaucoup de ses petites-filles et écrit pour elles les Contes d'une grand-mère.
Lorsque Aurore Dupin s'éteint, le 8 juin 1876, on note sur son acte de décès : sans profession... Mais Victor Hugo, l'un de ses plus fervents admirateurs est là, à ses funérailles, pour déclarer : George Sand a, dans notre temps, une place unique. D'autres sont des grands hommes. Elle est la plus grande femme de ce siècle. Je pleure une morte, je salue une immortelle.
Expositions, visites, conférences, concerts-lectures Sand-Chopin, spectacles, manifestations littéraires, autant d'événements qui jalonneront l'année 2004 pour commémorer le 200e anniversaire de George Sand.
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