Les Contemplatives
Il y a 400 ans, en 1604, quelques religieuses, d'origine espagnole, fidèles au message de Thérèse d'Avila, arrivent en France pour y implanter un couvent de Carmélites. C'est l'occasion d'évoquer ces femmes et leur vie si particulière, dans un monde individualiste, consumériste, à la recherche du bonheur immédiat.
Les religieuses actives sont connues, présentes et respectées par la population : elles s'occupent des malades, des vieillards, des enfants abandonnés. On les voit dans les bidonvilles, les prisons, les asiles...Mais la vie des Contemplatives reste un mystère pour la majorité d'entre nous. Qui sont ces femmes cloîtrées ? A quoi servent -elles ? Pour qui et pour quoi décident-elles un jour de quitter la vie active pour se séparer définitivement du monde ?
Un peu d'histoire...
Le Carmel a cette particularité d'être une famille religieuse latine, d'origine occidentale, née en Orient, sans fondateur connu, ni même une date de commencement repérable ! A la fin du XIIe siècle, des ermites vivent sur le Mont Carmel en Palestine. Depuis combien de temps sont-ils là ? Combien sont-ils ? Qui les dirige à ce moment-là ? Nul ne le sait avec certitude. Ce qui est certain, c'est qu'ils sont rassemblés autour d'une chapelle dédiée à la Vierge Marie et que, souhaitant posséder un document authentifiant leur mode de vie religieuse, ils s'adressent au patriarche de Jérusalem qui rédige à leur intention une Règle qui sera approuvée par Grégoire IX en 1229.
C'est la Règle du Carmel, une règle toute simple, d'inspiration biblique, qui veut promouvoir une vie fondée sur l'essentiel : la communion avec Dieu. Le Carmel devient un ordre mendiant voué à la solitude, à la prière et à l'apostolat.
Au moment où la terre de Palestine devient terre musulmane, et à la suite des revers subis par les Croisés, les ermites du Mont Carmel quittent le pays et s'installent dans les grandes villes d'Europe. En 1604, quelques Carmélites espagnoles s'établissent en France. Avec les Bénédictines, les Visitandines, les Clarisses, les Cisterciennes et les Dominicaines, elles constituent les six grands Ordres des Contemplatives.
Leur raison de vivre
Dès l'origine, le but de la vie que l'on mène au Carmel est exposé clairement : L'union de l'âme en ses plus secrètes profondeurs avec Dieu, source et fondement de tout ce qui est. La note dominante est l'amour, un amour résultant d'une constante présence à la Présence divine.
L'entrée volontaire dans un monastère ne va pas de soi. Celui qui s'y risque y perd sa vie, selon les termes mêmes de Jésus ; il choisit une voie faite de renoncement, tandis que le vœu de pauvreté le met dans un état de dépendance radicale.
Mais on n'entre jamais seul au Carmel. Celui ou celle qui s'y présente sait qu'il passera son existence à prier pour ceux qui se recommandent à lui ou ceux qui ne prient pas. Il intercède pour eux. Sans cesse, il les présente à la miséricorde divine. En ce sens, on peut soutenir que les monastères constituent le fondement ou le poumon spirituel de la mission de l'Eglise.
La clôture vise alors à garantir les conditions d'exercice de cette mission d'intercession. A l'intérieur du Carmel, les Carmélites vivent dans la prière, le silence et la contemplation, à l'abri de la clôture. Personne ne pénètre dans le monastère au-delà de cette clôture, et ces femmes ne la traverseront pas non plus.
Leur mode de vie
Les Carmélites vivent généralement dans les villes et non dans des endroits écartés comme les Chartreux ou les Cisterciens qui préfèrent les sites sauvages, les montagnes ou les vallées reculées. Elles ignorent la beauté des espaces calmes et retirés. Pour eux, le désert est intérieur. Les Carmels sont des bâtiments sans architecture particulière. Rien n'indique aux passants son existence, si ce n'est une chapelle accessible à tous.
Comme tout être humain, les carmélites assument leur part du travail quotidien. Ce travail est un facteur d'équilibre... Il permet aussi de participer au labeur humain vécu par tous et chacun. Elles font tout ce que l'on peut faire chez soi. Elles sont travailleuses à domicile, produisant, pour vivre, fromage ou céramique, jouet ou bijoux, mais aussi vannerie, maroquinerie, imprimerie, ébénisterie :
Notre vie est très incarnée. Par les journaux et nos contacts, nous sommes informées de ce qui se passe dans le monde. Cela permet une rencontre. Nous sommes des êtres de relation. Nous portons les intentions du monde dans notre prière.
On les imagine austères, sévères, mais ce sont des femmes très joyeuses : Beaucoup associent notre engagement à un sacrifice. Alors qu'il est un appel profond et vivant. Vivant comme un oiseau qui s'ébroue au bord d'une rivière, comme un tournesol qui se tourne vers le soleil, comme le cri de joie que pousse un enfant qu'on lance dans les airs et qu'on rattrape à bout de bras.
Qu'en pensent les jeunes d'aujourd'hui ?
Pour Claire, professeur de religion dans une école secondaire à Bruxelles, Les élèves manifestent un grand intérêt pour la vie contemplative qu'ils ont l'occasion de découvrir lors de retraites. Ils sont intrigués par la sérénité et le rayonnement qu'une vie, qu'ils jugent austère et contraignante, ne semble pas devoir produire à première vue. Ayant perdu le contact avec l'Eglise et la religion en général, il y a aussi chez eux une curiosité pour la nouveauté, l'étrangeté des lieux et des rites, comme s'ils exploraient un monde inconnu. Ils ne connaissent les moines qu'au travers de publicités pour la bière ou le fromage ! Ils sont ébahis quand ils discutent avec des novices, à peine plus âgés qu'eux, car ils ont des religieux une image désincarnée et s'étonnent dès lors qu'ils aient fait des études, dansé, flirté, avant de choisir de vivre pour le restant de leur vie à l'abri de la clôture.
Depuis de nombreux siècles, les ordres contemplatifs véhiculent une richesse humaine et spirituelle qu'ils ont pu recueillir par sédimentation. Par conséquent, ils ont peut-être un message pertinent à donner à notre société victime d'une vue à court terme, exigeante, avide de biens matériels et adepte du Tout tout de suite.
Ce n'est sans doute pas par hasard si les écrits des religieux et mystiques refleurissent sous une forme actualisée dans diverses maisons d'éditions et connaissent de grands succès de librairie.
Les carmélites selon Jean-Paul II
Les moniales carmélites, plongées dans le silence et dans la prière, rappellent à tous les croyants, le primat absolu de Dieu.
En se consacrant totalement à sa recherche, elles témoignent que la source de la pleine réalisation de la personne et l'origine de toute activité spirituelle est Dieu. Lorsqu'on lui ouvre son cœur, Dieu vient à la rencontre de ses fils pour les introduire dans son intimité, accomplissant avec ces derniers une communion d'amour toujours plus parfaite.
Pour les Carmélites, le choix de vivre dans la solitude, séparées du monde, répond à cet appel précis du Seigneur. Le Carmel est donc une richesse pour toute la communauté chrétienne.