Rencontre interreligieuse à Vanves
Le dépaysement était au rendez-vous. Dans le gymnase prêté par la municipalité de Vanves, on pouvait reconnaître des personnes de toutes races, et de toutes religions. Les chrétiens représentaient une large majorité, preuve que l’esprit d’Assise, inauguré par Jean-Paul II le 27 octobre 1986, commence à produire ses fruits dans l’Eglise de France, et d’ailleurs. L’esprit d’Assise… Cette expression mérite une explication. Pendant des siècles, les religions se sont ignorées, sinon combattues ! Le Pape Jean-Paul II a pris l’initiative, on s’en souvient, d’inviter à Assise, le 27 octobre 1986, tous les chefs spirituels des grandes religions du monde pour prier pour la paix. Cet événement avait surpris tout le monde à l’époque. Aujourd’hui, avec un peu de recul, nous nous rendons compte que cet événement, prophétique, ouvrait un nouveau chemin pour la rencontre des peuples et des religions. Apprendre à accueillir l’autre dans sa différence, écouter ce qui habite son cœur, c’est une mission d’humanisation mais aussi d’évangélisation pour les décennies à venir. Prendre en compte la réalité de notre temps Les intervenants furent de qualité. Le professeur Denis Gira donna des clés pour comprendre le bouddhisme. Mgr Panafieu, évêque de Marseille et président de la commission des évêques de France pour le dialogue interreligieux, fit le point sur la situation française et ouvrit des perspectives courageuses pour la réflexion, sans évacuer les difficultés réelles. Les différents courants de migration font qu’il y a aujourd’hui, de fait, une diversité de religions en France et dans l’ensemble des pays européens. Mais la diversité des populations n’est pas forcément une garantie pour la réussite du dialogue. Il y a des écueils dont il faut se préserver, l’indifférence, le risque de syncrétisme, la fluidité des croyances : Toutes les religions se valent , dit-on… Mais il est facile de côtoyer des personnes en ignorant complètement leur religion ! Dialoguer : dire quelque chose de Dieu Pour qu’il y ait dialogue, il faut que l’un et l’autre acceptent la liberté de conscience. Mais le dialogue est dans la nature même de l’identité chrétienne. Jésus nous révèle un Dieu de la rencontre, un Dieu qui est dialogue trinitaire. La foi en ce Dieu nous donne mission d’incarner dans nos actes et nos paroles cette révélation et cet appel extraordinaire : regarder les hommes comme des frères. La rencontre de l’autre devient alors un chemin pour rencontrer Dieu. Pour les chrétiens, le Christ est l’unique voie de salut : cette conviction exige un respect de toutes les traditions spirituelles et la conscience que le salut offert par Jésus transcende toutes les cultures et les religions. Une confiance dans l’avenir On ne peut accueillir quelqu’un sans prendre en compte tout ce qui l’habite et plus particulièrement ses convictions religieuses, ses rites, ses besoins de lieux de prière… Dans notre contexte laïque il faut sans doute se garder des idées qui voudraient nous faire croire que l’humanitaire rapproche les hommes et les religions séparent. Il ne peut y avoir de communion que dans une vraie reconnaissance de l’autre. La foi grandit l’homme en humanité et l’ouvre à l’apprentissage de la fraternité Croire au dialogue possible C’est grâce à la rencontre de Musulmans, que j’ai mieux pris conscience de ma foi chrétienne et que je suis devenue religieuse franciscaine , dit Chantal… (lire l’encadré). Mais il reste beaucoup de peurs à vaincre. Et les peurs sont mauvaises conseillères. Les fanatismes religieux de tous bords ne font que renforcer les blessures. D’où l’importance des initiatives de rencontre qui permettent une meilleure connaissance, fassent tomber la méfiance et grandir la paix. Cette journée du 27 octobre, qui se termina par une prière à plusieurs voix, vient renforcer l’idée que la rencontre n’est pas un rêve... Les témoignages et la proclamation qui vint sceller la journée montrent qu’une dynamique est à l’œuvre et provoque des ouvertures et des compréhensions nouvelles. Témoignage Ma découverte de l’Islam date d’une dizaine d’années. Je préparais un départ en coopération, mais quelle ne fut pas ma surprise lorsqu’on me proposa d’aller en Turquie… Ma première réaction fut négative. Je n’avais aucune connaissance de l’Islam et le monde musulman me faisait peur. Mais j’étais appelée à quitter mes peurs, pour aller découvrir ce peuple vers lequel j’étais envoyée. Et là, en Turquie, durant ces deux années, j’ai fait la rencontre bouleversante d’un peuple de croyants. La vie au quotidien rythmée par la prière et les fêtes religieuses… Je me suis alors demandée où j’en étais dans ma relation à Dieu, dans ma vie de prière. Mes frères musulmans m’ont amenée, sans le savoir, à redécouvrir mes propres racines chrétiennes. Chantal évoque ensuite la rencontre de saint François avec le sultan et relate les rencontres quotidiennes qui, comme autant de petites fleurs, ont formé le joli bouquet champêtre, qu’elle dépose chaque jour devant le Seigneur. Aussi, souligne-t-elle, toutes ces rencontres me renvoient à ma propre foi et m’invitent à l’approfondir. Le dialogue interreligieux ne gomme pas les différences et, je crois qu’il ne peut exister que si chacun reste lui-même … Chantal Blanchet, Petite Sœur de Saint-François d’Assise